Régionales 2004 : Convention nationale de ratification des listes
Dessiner une voie nouvelle

Arnaud Montebourg
Discours de Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire, prononcé à la tribune de la convention nationale le 13 décembre 2003
 
Chers camarades, avec passion et ferveur dans cette campagne, nous y allons rassemblés d’une façon qui nous fait plaisir, de quoi faire naître d’ailleurs le désir, le désir de vaincre bien sûr pour l’ensemble des candidats nombreux dans l’ensemble de nos listes, mais aussi le désir chez les électeurs, qui attendent beaucoup de nous, et qui seront peut-être heureux de cette journée sentant finalement que nous avons aussi le désir de les emmener vers une voie nouvelle.

Nous savons bien que nous avons, et c’est notre devoir dans cette campagne, certains camarades l’ont dit ici, nous avons le devoir de faire de ce bulletin de vote socialiste et de l’ensemble des forces de gauche rassemblées lorsqu’elles ont pu l’être autour de nous, l’instrument de résistance à la situation actuelle.

L’instrument de protestation bien sûr, mais aussi l’instrument par lequel se dessine une voie nouvelle. C’est ce travail d’équilibre permanent entre le refus et la reconstruction d’un autre avenir pour notre pays qui se pose, la droite de son côté cherchera à régionaliser le scrutin, même le dépolitiser un peu à la manière de ces élus qui nous disent : « M. le Député, vous savez que je ne fais pas de politique. » Je leur réponds généralement : « Ça tombe bien, moi non plus. » Si on causait un peu des questions qui intéressent l’avenir de la cité, solidarité, confiance dans le système politique, l’ensemble de ces questions devrons nous amener à nationaliser la campagne, le scrutin, poser les enjeux et les décliner concrètement, localement car, notre pays est dans un état que nous constatons tous : assez difficile, peut-être même triste, angoisse sociale d’abord, crise de confiance dans le système politique, dans le système représentatif, ces deux phénomènes conjugués sont en train de faire monter la pression et de s’entretenir mutuellement.

Nous avons à répondre sur ces plans. D’abord, la question sociale, je crois que sur ce terrain, nous avons à faire à autre chose qu’une simple alternance. Il s’agit d’un travail de déconstruction du consensus social bâti à l’issue de la résistance et issu des travaux du conseil national de la résistance, qui avait vu plusieurs forces qui ont occupé l’ensemble du spectre politique depuis se rassembler sur la question et solidarité. Cette question-là est remise en question. Lorsque, sur le chômage 250 000 au 1er janvier, 600 000 en 2004 vont perdre leurs droits à indemnité. C’est une bombe, sur le terrain, concrète, qui ne dira pas son nom car chacun croira avoir à faire à une situation individuelle qui se dégrade. Mais, c’est un choix collectif derrière chacune de ses situations individuelles additionnées les unes aux autres. Le langage politique qui est le nôtre doit conduire les citoyens à prendre conscience de cette addition et de ce choix politique. Ce travail-là, il va bien falloir que nous le montrions du doigt.

Parlons aussi de ce qui se trame en ce moment à l’Assemblée nationale, la fameuse loi visant à rendre dérogatoires des accords passés dans les entreprises au détriment de la loi. Le gouvernement ne mégote pas ses moyens parce qu’il dit au Parlement, vous allez abdiquer votre propre compétence, messieurs les souverains. Vous allez dire qu’il n’y a plus de code de travail si des accords peuvent déroger, même défavorablement aux salariés sur le terrain des entreprises, des branches interentreprises. C’est le remplacement du rapport de forces qui souvent, comme disent quelques juristes léonins, léonins du lion qui mange la souris. Le lion, c’est l’entreprise, c’est dirigeant. La souris, c’est le salarié qui n’a pas de syndicat pour se défendre. Dans cet enregistrement du rapport de forces, c’est le démantèlement, sourd, silencieux, peut-être même clandestin du droit du travail qui va entrer peu à peu en vigueur.

Voilà d’ailleurs pourquoi le gouvernement est pressé, parce qu’il veut n’en pas parler et surtout éviter la confrontation politique des conséquences de cette affaire si grave. Car, cela veut dire, et nous frisons, là, la question de la violation de plein fouet de la Constitution de notre République, car il est interdit que le législateur renonce de manière générale et uniforme à ses propres compétences, surtout lorsqu’il s’agit d’ordre public social. Cette question-là, ils auront un conseil constitutionnel à leurs bottes pour le faire passer en silence. Et que ferons-nous ? Il nous reste à lever la voix et hausser le ton sur ce démantèlement progressif et un peu trop silencieux de ce système tant et si difficilement bâti dans le passé.

Pendant ce temps, nous voyons la crise civique déployer ses effets, funestes parfois. Car, où est le mandat de la droite pour accomplir son travail ? Nous ne le disons pas assez. Dans chacun des moments de cette campagne, il faudra dire : où est le contrat avec les électeurs ? C’était la leçon de Pierre Mendès-France. Le contrat de législature de Lionel Jospin. Où est le contrat passé devant les électeurs pour agir comme vous le faite ? Car, la seule promesse qui a été exposée avant le vote, ce fut la baisse de l’impôt sur le revenu. Pour le reste, nous découvrons au fur et à mesure. Je veux dire par là que les 13 % d’inscrits qui ont volontairement ratifié la candidature de M. Chirac au premier tour il y a un an et demi, les 14 millions d’abstentionnistes, eux, qui ont des demandes sociales, ne se reconnaissent plus ou de moins en moins dans le système représentatif actuel dans lequel, nous sommes, socialistes, engagés et sur lequel nous cherchons à faire progresser l’œuvre rénovatrice. Nous cherchons à transformer la légitimité de ce système car celle-ci en manque cruellement.

Et, de ce point de vue-là, chers camarades, permettez-moi de dire un tout petit mot avant de conclure sur la question de l’inversion du calendrier et de ses conséquences. Le fait de l’avoir fait c’est fait. Regardons les conséquences sur l’accélération du calendrier, non pas politique, mais de lutte politique pour le pouvoir et parfois même de personne, dans tous les camps. Et, regardez comment s’installe, alors que nous avons besoin d’un débat d’espaces politiques et médiatiques, pour exposer ce que les uns et les autres nous avons essayé d’esquisser ici et que nous esquissons ailleurs, sur le fond des choses, sur la question sociale, la question démocratique. Nous n’avons plus d’espace parce qu’on ne parle pour que des élections présidentielles. Nous sortons d’une traumatique et nous voici déjà engagés dans la suivante.

Cette question-là, cet effet pervers, effet inattendu, c’est ainsi qu’on qualifie le mot pervers, est, en vérité une machine à détruire la légitimité du système politique et qui risque d’abîmer encore plus ce qui reste de force à ce système. Je veux dire que nous avons le devoir, nous, socialistes, d’agir contre ces dérives et de comprimer nos propres tentations. Nous avons le devoir de toujours revenir aux questions qui intéressent les Français, de refuser la dérive personnelle. C’est là, d’ailleurs, l’héritage politique de nos grands ancêtres qui ont toujours défendu l’idée que d’abord la question sociale, par la question démocratique il est possible de se situer dans la République.

Cette République, médiatico-personnaliste, je ne sais pas comment dire les choses tellement nous ne savons plus décrire ce fait nouveau qui s’installe, peut-être américanisé, nous pourrions dire, nous avons nous-mêmes à travailler sur ces questions, à nous maîtriser et engager comme nous le sommes, unis et rassemblées, vers, je le crois, nous le savons, des victoires. Je veux dire que les efforts louables que nous avons faits pour la rénovation de notre propre personnel politique, comme on dit, de transformer et renouveler l’ensemble des camarades qui porteront nos couleurs, nous avons là les premiers éléments de quelque chose qui nous donne beaucoup d’espérance.



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