Pour dénouer la crise, la seule solution passe par la dissolution de l'Assemblée nationale



Entretien avec Arnaud Montebourg, député de Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS), paru dans le quotidien Le Monde daté du 31 mars 2004
Propos recueillis par Isabelle Mandraud

 

Vous attendiez-vous à une telle victoire de la gauche aux élections régionales et cantonales ?
Pas à ce point, mais nous avons tout fait pour. Les électeurs sont entrés dans une révolte sans précédent. Ils se sont servis de l'instrument électoral, après avoir été privés d'un candidat de gauche le 21 avril 2002, et après avoir tenté d'infléchir, sans succès, les choix gouvernementaux par le mouvement social. Il s'agit d'une sanction qui place le président de la République dans une situation intenable. Tout changement de gouvernement ou de premier ministre est vain.

Vous demandez la démission du premier ministre ?
Remplacer M. Raffarin par un autre n'est pas une réponse à la hauteur de ce coup de massue. Le problème posé, c'est l'orientation politique. C'est elle qui est en cause et non les hommes qui la mettent en œuvre. La seule solution politique acceptable passe par la dissolution de l'Assemblée nationale pour dénouer la crise politique dans laquelle est placé le pouvoir. Cette fois, une dissolution serait constitutionnellement employée à bon escient. Or la paralysie du gouvernement Raffarin III que concocte M. Chirac est programmée. Il est nécessaire que l'exécutif de ce pays retourne chercher une légitimité électorale qu'il n'a plus, au risque de faire la démonstration qu'il n'en a pas. Si M. Chirac refuse cette éventualité - ce que l'on peut imaginer compte tenu de ses mœurs politiques -, alors il ne reste que la démission du président de la République et le retour à l'arbitrage populaire.

Vous avez peu de chances d'être entendu...
Le problème n'est pas d'être entendu mais de qualifier la situation actuelle et d'en interpréter justement la portée. Ce vote est un désaveu cinglant de l'orientation ultralibérale du gouvernement Raffarin qui aura un retentissement certain dans toute l'Europe. En réunifiant, dans les urnes, les couches sociales qui semblaient s'être désunies et opposées entre elles le 21 avril 2002, il démontre qu'il est possible de construire une majorité politique alternative à la stratégie libérale de la plupart des gouvernements européens.

Quelle alternative le PS propose-t-il ?
Depuis le congrès de Dijon, les choix fondamentaux du PS n'ont toujours pas été faits. Les programmes régionaux et les projets locaux du scrutin de dimanche ont masqué l'absence de projet et de ligne politique claire. Qu'avons-nous à dire sur les délocalisations qui font des ravages ? Quelle stratégie utiliser à l'égard de l'Europe devenue, surtout élargie à 25, une passoire de la mondialisation libérale ? Quelles positions la gauche est-elle en mesure de prendre à l'égard de la protection sociale démantelée par M. Raffarin, mais également par des socialistes européens comme Gerhard Schröder ? Tous ces choix sont à faire à l'occasion de l'élection présidentielle de 2007 - à moins que l'histoire ne s'accélère, auquel cas nous aurions besoin d'être prêts plus tôt.

Le succès électoral modifie-t-il le rapport de forces au sein du PS, entre la majorité et les courants minoritaires comme le vôtre ?
Je ne le crois pas. La ligne d'opposition frontale à l'égard de la droite et de ses chefs que nous avons toujours défendue, depuis la demande de mise en accusation de Jacques Chirac devant la Haute Cour jusqu'à l'exigence que nous formulons pour une Europe politique et sociale, est d'une cruelle actualité. Les circonstances montrent que l'intransigeance paie. Pour le reste, le danger qui guette le parti est celui de la reconstitution des écuries présidentielles. La priorité de la gauche tout entière, c'est au contraire le projet.

François Hollande n'a-t-il pas gagné en légitimité à la tête du PS ?
Sa légitimité a été plus souvent contestée par ses propres soutiens. Je rappelle que nous n'avions pas présenté de candidat contre lui à Dijon. Sa réaction modeste et modérée montre qu'il a mesuré l'urgence de bâtir un projet. Il lui reste à démontrer que nos idées y auront toute leur place.

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