Le PS a besoin qu'on lui administre du Viagra



Entretien avec Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS).

Paru dans Le Télégrammme daté du 11 juillet 2003
Propos recueillis par Philippe Reinhard


 

Deux mois après Dijon, comment va le PS ?
Il a besoin qu'on lui administre du Viagra. Ce pays désespère de la politique parce que bon nombre de responsables de la gauche se sont laissé gagner par la croyance qu'il y a une fatalité économique plus forte que le reste. Cette démission explique que certains de nos électeurs se réfugient dans la radicalité ou dans l'abstentionnisme. À Dijon, les militants ont préféré l'ordre et la stabilité (François Hollande) à l'évolution et au mouvement que nous incarnions. Nous allons payer les conséquences de cette préférence pour le statu quo pendant encore un moment.

Que faudrait-il changer pour que les socialistes apparaissent à nouveau comme porteurs d'espérance ?
S'il n'y a pas de transformation du Parti socialiste dans ses idées, ses pratiques et ses dirigeants, les électeurs qui ne croient plus en nous ne nous reviendront pas. Notre parti s'est un peu encroûté. Il vit sur des concepts et des analyses qui datent d'il y a vingt-cinq ans. Or, le monde a changé. Le problème de demain est de rassembler les deux gauches qui ne se parlent plus et divergent dans leurs analyses.

Regrettez-vous qu'on n'ait pas suffisamment entendu le PS dans un dossier comme celui des retraites ?
Je regrette qu'on ait surtout entendu les socialistes qui approuvaient le texte gouvernemental. Nous aurions dû développer un vrai projet alternatif et dire que nous faisions le choix d'un niveau de protection sociale maintenu. Un pays comme le nôtre peut accepter une augmentation des impôts qui garantirait la santé de nos concitoyens et leurs retraites. Pour un pays riche comme la France, c'est possible. La recherche obsessionnelle d'une baisse des prélèvements obligatoires met en péril la protection sociale.

Cette obsession est partagée entre la droite et la gauche. Laurent Fabius n'avait-il pas fait de la baisse des impôts une priorité du précédent gouvernement ?
C'est précisément une des raisons qui explique pourquoi nous avons perdu. En s'engageant dans des baisses d'impôts sur le revenu qui n'ont profité qu'aux plus favorisés, nous avons justifié l'action des ultra-libéraux qui travaillent cyniquement à détruire les mécanismes de la solidarité. Et la situation s'est aggravée avec le gouvernement Raffarin qui pratique le contraire de la politique de Robin des Bois. Avec l'actuel Premier ministre, c'est « Je prends aux pauvres pour donner aux riches ».

On n'a guère entendu les socialistes dans le cadre du conflit des intermittents du spectacle. Auriez-vous souhaité un soutien plus appuyé en faveur des grévistes ?
L'accord imposé par le MEDEF, et signé par des syndicats ultra-minoritaires, est un mauvais accord parce qu'il traite de façon comptable un problème qui relève de l'identité culturelle française. Il faut défendre le régime d'indemnisation des intermittents du spectacle parce qu'il participe de l'exception culturelle française.

Sur le dossier corse, on a également eu le sentiment que les socialistes étaient gênés. Êtes-vous satisfait du résultat du référendum insulaire ?
Dans cette affaire, la droite paye son arrogance, et une manière tout à fait déplaisante de traiter les Corses. Le gouvernement et la majorité, par la bouche d'Alain Juppé, se sont livrés à un chantage indigne sur le thème : « Vous aurez des subventions si vous votez oui ». On n'achète pas les Corses.

Ne pensez-vous pas que l'arrestation d'Yvan Colonna gommera aux yeux de l'opinion l'échec de la consultation corse ?
Disons que l'interpellation de Colonna à la veille du référendum est une coïncidence heureuse. On est en droit de se demander si elle n'a pas été mise en scène. On pourrait ainsi interroger M. Sarkozy sur les raisons qui ont conduit le n° 2 des RG à rencontrer, le 13 juin dernier, l'avocat d'Yvan Colonna à l'hôtel Lutétia. Cette rencontre rend plausible l'hypothèse d'une reddition organisée et négociée. Cela évoque curieusement la libération des otages du Liban à la veille du scrutin présidentiel de 1988.

Si on vous entend bien, vous prônez une opposition plus résolue à l'égard de la droite au pouvoir. Pourtant, le président et son gouvernement sont les héritiers de « l'esprit de mai »...
Ils ont oublié depuis longtemps cet « esprit de mai » qui nous a contraints à voter Chirac au deuxième tour de l'élection présidentielle. Ce gouvernement s'installe en réalité dans un ordre autoritaire et inégalitaire, protecteur des intérêts de l'élite proche de l'argent et du pouvoir, et impitoyable pour les citoyens ordinaires (les mendiants, les prostituées, les étrangers, les gens du voyage ou des militants syndicaux comme José Bové).

José Bové paie pour un délit constaté. Pourquoi serait-il intouchable ?
Si Bové a effectivement commis un délit, c'est au nom de la défense légitime du principe de précaution que Jacques Chirac veut précisément introduire dans le préambule de la Constitution. Car José Bové souhaitait, par l'arrachage des plants transgéniques, éviter leur dissémination irréversible dans l'espace naturel.

Qu'est-ce qui fait courir Arnaud Montebourg ?
Tout simplement le plaisir d'inventer et d'agir.

Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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