Traité constitutionnel européen
Informer complètement et refuser les amalgames

Pierre Moscovici
Entretien avec Pierre Moscovici, député européen, secrétaire national aux questions internationales, paru dans Le Journal du Dimanche daté du 10 avril 2005
Propos recueillis par Pascale Amaudric


 

Quel est le message essentiel de votre Mouvement ?
La France a besoin de l’Europe, qui est une ambition française. Et l’Europe a besoin de la France. De grands Européens sont venus nous le dire hier.

Pourtant, selon les sondages, le « oui » reste à la peine !
En effet, mais je sens un vrai changement d’état d’esprit. Après un premier moment de refus, une curiosité bienveillante s’installe. Les gens deviennent attentifs, ils éprouvent un vrai besoin de connaissance et d’information. L’heure est donc à la mobilisation des partisans du « oui ».

Dans ce nouvel état d’esprit des Français, quels arguments portent le mieux, quelles formules touchent le plus ?
Précisément, le temps n’est ni « à la bonne formule », ni au « bon slogan » de meeting. Il faut informer rigoureusement, point par point, et dénoncer les amalgames entre la Constitution et une Europe supposée libérale alors que, au contraire, ce texte offre un réel antidote au libéralisme.

Que répondez-vous aux partisans d'un « non européen » pour lesquels il serait « très simple » de se remettre autour de la table pour tout remettre à plat ?
C’est absurde et mensonger. Ces apprentis sorciers ces docteurs Folamour du « non », font mine d’ignorer que l’Europe est une construction lente, complexe, pluraliste. Cette Constitution n’est pas sortie de la cuisse de Jupiter. Elle est le fruit de trois ans de travaux, avec une Convention associant les gouvernements, une centaine de responsables politiques de tous bords, les syndicalistes européens...

Mais pas Madame Michu !
Mais, si, Madame Michu était là, à travers tous les parlementaires qui la représentaient au sein de la Convention ! Ne soyons pas démagogues. C’est un mensonge de prétendre que l’on peut tout refaire. La vérité est qu’on a aujourd’hui le meilleur compromis possible. Une éventuelle « renégociation » aurait toutes les chances de pousser vers une Europe de droite, moins sociale, plus souverainiste, voire xénophobe, compte tenu du rapport de force politique aujourd’hui : dix-huit gouvernements de droite sur vingt-cinq.

Enlever la troisième partie -qui reprend les traités antérieurs, et dont même Giscard ne voulait pas- ne simplierait-il pas les débats, ramenant nombre de soutiens au camp du « oui » ?
Mais ces traités existent et existeront, quel que soit le résultat du référendum ! Raisonnons par l’absurde : si le « non » l’emporte le 29 mai, que reste-t-il ? La troisième partie ! .... Si la Constitution est repoussée, on vivrait avec les traités actuels qui ne seraient pas caducs. Avec eux resteraient les dispositions honnies par les partisans du « non » sur l’Otan, sur la concurrence libre et non faussée, etc... qui figurent dans les traités depuis 1957 ! En revanche, l’objectif du plein-emploi, la charte des droits fondamentaux, la base juridique pour une directive sur les services publics, la création d’un ministre des Affaires Etrangères de l’Europe, tout cela tomberait. Et j’insiste : pour réviser ces traités, il faudrait l’unanimité et non la majorité qualifiée, réclamée par les partisans du « non ». C’est tout le paradoxe du « non » : les plus critiques envers le traité œuvrent pour le maintien de ce qu’ils récusent, ils travaillent pour l’Europe libérale.

Autre demande « simple » des partisans du « non » : faciliter davantage les coopérations renforcées...
Pour moi, l’entrée de dix nouveaux membres est une solution, quand les partisans du « non » en font un problème. L’Europe élargie doit combiner unité et diversité. Avec la Constitution, si les Européens le veulent, ils le peuvent.

© Copyright Le Journal du Dimanche


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