Projet de Constitution européenne
          Évaluer le texte

Pierre Moscovici
par Pierre Moscovici, secrétaire national du Parti socialiste chargé des questions internationales.
Entretien accordé au quotidien Le Monde daté du 24 octobre 2003
Propos recueillis par Christine Garin


 

Vous vous êtes déclaré favorable à la ratification du projet de Constitution européenne. Vous appellerez donc à voter " oui " ?
Il n'est pas temps de répondre par " oui " ou par " non ". Nous ne connaissons pas le texte final. Le texte de la Convention est une base de travail intéressante. Si on dit " oui " tout de suite, on s'interdit d'exercer une influence sur le président de la République et le gouvernement qui négocient. On se désarme et ce n'est pas le moment d'être désarmé. Si on dit " non " sans attendre, on s'isole vis-à-vis de la quasi-totalité de nos partenaires socialistes européens, favorables à la Constitution, et on rate une occasion historique de permettre à l'élargissement de trouver sa dimension. Il faut donc évaluer le texte. Là où je me distingue nettement de mes camarades des courants minoritaires et d'amis de la majorité du parti, c'est que je souhaite pouvoir voter " oui " le moment venu et que mon travail est de faire progresser le texte pour continuer d'avancer.

Si le texte n'est pas modifié, comme certains le craignent à gauche, ne serez-vous pas obligé de l'approuver quand même ?
On verra à ce moment-là. Nous formulons des exigences fortes d'amélioration, que nous présenterons au président de la République, concernant les valeurs et les politiques communes. Nous demandons notamment qu'il y ait la possibilité d'une loi-cadre sur les services publics, le vote à la majorité qualifiée en matière fiscale et sociale et que le texte aille plus loin dans le sens de la coopération des politiques économiques. Sur le plan des valeurs, nous réclamons que le caractère de la Constitution reste laïque, autrement dit que, sur ce point, on s'en tienne au texte de la Convention sans y inscrire l'idée d'un " héritage chrétien ". C'est sur ces points que nous allons nous battre.

Les lignes de fracture s'agrandissent au sein du PS. Ne risque-t-on pas de voir les positions se crisper ?
Je souhaite surtout qu'on regarde ce texte comme il est, avec ses qualités mais aussi ses défauts. Il y a un certain nombre de mauvais arguments que je réfute. Les courants minoritaires nous disent, par exemple, que ce texte serait la consécration du libéralisme. C'est faux. Il ne fait que reprendre des traités existants, de Rome, de Maastricht, avec lesquels nous vivons et dont je rappelle que les socialistes, avec François Mitterrand, ont été parmi les promoteurs. Le fait que l'Europe soit un marché intérieur ne nous a pas empêchés d'agir au pouvoir et de faire bouger les lignes, en France et en Europe. Non seulement ce texte ne comprend aucun recul par rapport aux traités existants, mais il les corrige. En introduisant une base juridique sur les services publics, en incluant le plein-emploi ou le développement durable parmi les objectifs de l'Union. Cette Constitution n'est en rien un recul social ou la sacralisation du libéralisme. La vraie question, c'est : est-ce qu'elle nous permet, ou pas, d'être socialistes en Europe ? Ma réponse est claire : cette Constitution est une règle du jeu qui ne nous empêche en rien de déployer nos valeurs.

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