Oui à Amsterdam
pour aller au-delà

Henri Nallet


Point de vue de Henri Nallet, secrétaire national aux questions européennes, paru dans L'Hebdo des Socialistes daté du 12 juin 1998


 
Le débat sur la ratification du traité d'Amsterdam s'engage d'étrange façon. N'est-on pas en train de faire de ce traité une sorte de monstre, chargé de tous les défauts du libéralisme et qu'il faudrait combattre au point de le refuser ?

Mais avant de partir en guerre, nous ferions bien d'examiner le contenu de ce fameux traité, même si la lecture de son texte n'est pas aisée (1).

D'abord, le traité d'Amsterdam ne traite pas de toutes les questions européennes. En particulier, il n'aborde pas les questions monétaires; celles-ci ont été tranchées de façon "irréversible" par le traité de Maastricht. Mais les négociateurs d'alors n'étaient pas parvenus à se mettre d'accord sur le contenu et les formes d'une "Union politique", pour laquelle François Mitterrand s'était battu. Il avait obtenu cependant une "clause de révision" destinée à jeter les bases de l'Europe politique dans une conférence intergouvernementale qui serait convoquée en 1996. C'est en cela, et seulement en cela, que l'on peut dire qu'Amsterdam est le prolongement de Maastricht.

DISPOSITIONS SOUHAITÉES PAR LES SOCIALISTES

Quand on analyse le contenu du dernier traité européen, on doit reconnaître qu'il comporte d'abord toute une série de dispositions souhaitées depuis longtemps par les socialistes :
     un chapitre sur l'emploi (art. 125 à 130) obtenu in extremis par le nouveau gouvernement de Lionel Jospin;

     l'intégration au Traité du protocole social (art. 136 à 141), consécutive à la victoire électorale des travaillistes britanniques;

     le principe de la non-discrimination et de l'égalité homme-femme (art. 13);

     la protection des consommateurs comme objectif de l'Union (art. 153);

     le "développement durable" qui fait également partie des objectifs de l'Union (art. 2).

On trouve aussi, dans le nouveau Traité, un accroissement des pouvoirs de la Cour de justice et du rôle du Parlement européen dans l'élaboration des décisions communautaires, ce qui correspond à une avancée de "l'État de droit" qui fait partie de nos objectifs politiques traditionnels. Enfin, le Traité innove sur ce que l'on appelle les "coopérations renforcées", possibilités offertes aux Etats membres qui le souhaitent de pousser plus loin l'intégration.

On le voit, il n'y a vraiment pas de quoi se mettre dans tous ses états... En réalité, le Traité d'Amsterdam est surtout critiquable parce qu'il ne contient pas, et en particulier, cette fameuse "réforme institutionnelle '' destinée à donner plus d'efficacité à la machine européenne dans la perspective de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale. Réformer la Commission, réviser le système de vote au sein du Conseil européen, élargir les domaines (la fiscalité notamment) où les décisions sont prises à la majorité, s'est révélé, une fois encore, au dessus des forces des négociateurs, en particulier du gouvernement Juppé. Et il appartiendra au gouvernement de Lionel Jospin et aux autres gouvernements européens d'apporter une réponse à ces difficiles questions avant le premier élargissement.

Car il faut aussi envisager sereinement l'autre hypothèse: quelles seraient les conséquences d'un refus de ratification ? Une crise européenne ? Une perte de confiance de la part de nos partenaires européens ? A quel profit ? L'Europe ne se construit pas par l'affirmation d'une volonté solitaire: un pas est franchi, il faut aller de l'avant.

RÉPONDRE AUX INSUFFISANCES

Ainsi, le problème qui se pose objectivement à nous n'est pas tant de savoir s'il faut rejeter le contenu du traité d'Amsterdam, dont aucun élément n'est inacceptable, mais plutôt de déterminer comment y ajouter ce qui manque pour que l'Europe puisse aller davantage dans le sens que nous souhaitons. Nous avons déjà obtenu des résultats en matière de coordination des politiques de lutte pour l'emploi.
Nous devons nous inspirer de la méthode employée par Lionel Jospin, faite de détermination et de respect des partenaires, pour faire bouger l'ensemble de la construction européenne dans le sens espéré. Nous allons avoir une nouvelle occasion de débattre avec eux et de mobiliser tous les socialistes européens pour une Europe sociale à l'écoute des citoyens avec la préparation des élections européennes de juin 1999. Pour beaucoup d'entre nous, ce sera une manière positive de répondre aux insuffisances du traité d'Amsterdam.

(1) Les traités européens sont difficiles à lire car ils modifient des textes antérieurs. Seule la lecture synoptique est efficace : on peut se reporter aux "textes comparés des traités de Rome, de Maastricht et d'Amsterdam", édition 1998, La Documentation française.

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