Pour un nouveau féminisme |
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![]() 18 janvier 2003 |
![]() ![]() ![]() ![]() Pour elles, la parité n’a rien changé ! Les cités ont continué à se déglinguer et les garçons à dériver. Toujours pas de boulot pour Maryse. Et Catherine hésite encore pour le deuxième. Ce sont les femmes qui vivent en France. Elles, leurs mères, leurs sœurs. Bien sûr, certaines savent manier les outils de l’émancipation, ont appris à serrer les dents pour être les meilleures à l’école, les meilleures au boulot. A quel prix ? Bonnes mères, bonnes secrétaires, bonnes épouses, bonnes amantes, bonnes DRH, bonnes militantes. Jamais prises en faute, nulle part. Elles sont lasses. Fatiguées que les règles n’aient pas changé depuis qu’elles sont entrées dans le jeu. Leur pouvoir d’achat et leur autonomie n’ont pas pour autant fait d’elles des femmes qui ont accédé à l’égalité. A quelques pas de celles-ci, d’autres s’enfoncent dans la misère et l’échec. Dans le monde, les femmes produisent 66% du travail, reçoivent 10 % des richesses et en possèdent 1 %. En France, leurs salaires sont en moyenne inférieurs de 25 % à ceux des hommes. Les 35 heures se sont traduites, pour elles, en temps supplémentaire pour s’occuper de la maison et, pour les hommes, en temps de loisir. 7 % des cadres sont des femmes. Les familles monoparentales sont, à 99 %, des femmes seules qui élèvent leurs enfants. 2 millions de femmes sont victimes de violences conjugales. Ces quelques chiffres sont une raison suffisante pour refonder l’idéal socialiste en affirmant sa dimension féministe. Il n’y a pas de pente naturelle vers l’égalité entre les sexes. Seul un volontarisme politique conscient de l’oppression spécifique des femmes peut emporter la bataille culturelle en faveur de l’égalité entre les sexes et de l’émancipation des femmes. Ce combat féministe nous concerne tous, hommes et femmes. Il est la traduction directe de l’idéal égalitaire qui porte les socialistes. Lionel JOSPIN a été le premier homme d’État à se revendiquer comme féministe. Comme chef de gouvernement, il a consacré l’égalité dans les droits de la famille et des personnes et porté une loi fondatrice : la parité politique. Mais les fruits de ces révolutions se sont dilués, faute d’être relayés et portés par le Parti Socialiste. La parité est devenue une politique de quotas. Les circonscriptions femmes ont constitué le fonds de réserve des accords avec les partenaires. Le PS a préféré payer l’impôt femmes, comme les entreprises achètent le droit de polluer. Faute d’avoir inscrit la parité dans un projet féministe global et plus vaste, faute d’avoir pris en compte la diversité des inégalités, l’avancée de la parité n’a pas concerné toutes les femmes. Pour nous, la parité n’est pas justifiée par le présupposé que les femmes feraient naturellement de la politique autrement, mais par l’idée que le partage de l’espace démocratique bouleverse l’ordre établi et change la politique. Le féminisme est à la fois, un ferment idéologique de progrès et de transformation sociale et un outil de résistance à la sainte alliance du désordre libéral et de l’ordre moral ! Deux facteurs rendent plus difficile le combat féministe : le premier est certainement la diversité des situations des femmes par rapport au travail, à l’éducation, à la famille, à la place dans l’espace public et l’espace privé. La parité est une avancée symbolique essentielle et doit se traduire concrètement. Mais aujourd’hui combien de femmes ont d’abord des difficultés de vie quotidienne, d’organisation des temps de leur vie, de solitude face à leurs responsabilités au travail et dans leur famille ? La situation des femmes recouvre de vraies urgences sociales. Le second facteur tient à ce que nous vivons une nouvelle étape du féminisme. Aujourd’hui plus que de conquêtes spécifiques pour les femmes il s’agit de repenser l’organisation même de la société : travail, loisirs, éducation. Il s’agit aussi de repenser une répartition de tâches qui relèvent de l’espace privé et qui touchent à une forme d’intimité et à des habitudes culturelles. On comprend donc que ce nouveau féminisme est tout aussi important que celui des années 1970, mais qu’il est très ardu à mener. On comprend aussi que parce qu’il touche à l’espace privé et aux habitudes culturelles, s’il n’est pas porté par des institutions comme l’école, le risque existe qu’il ne se diffuse pas de la même manière au sein de la société. Et que la différence des conditions entre femmes s’accentue. Le sort réservé aux femmes est le miroir grossissant de notre société Les inégalités de salaires, l’enfermement dans le travail précaire traduisent le retour d’un capitalisme d’exploitation. Les violences subies par les femmes sont aussi la conséquence des situations d’exclusion, de chômage, de dégradation du lien social qui touchent un nombre croissant de personnes. Nous sommes une société qui discrimine, qui enferme et exclut les femmes, particulièrement celles de milieux défavorisés. Et ce n’est pas un hasard si c’est par des jeunes filles issues de l’immigration que s’exprime aujourd’hui la synthèse d’un nouveau féminisme qui s’insurge tout à la fois contre les violences, l’enfermement, la négation de leur liberté sexuelle et les inégalités sociales. Mener la bataille culturelle pour la mixité et l’égalité, porter les propositions qui la traduiront, sont aussi une méthode pour refonder la gauche. |
I/ Tout se partage ! | |
Les femmes sont massivement entrées dans le monde du travail, en en assumant seules
les conséquences : l’organisation des entreprises n’a pas évolué, les services publics
n’ont pas suivi, la redéfinition des rôles hommes/femmes change lentement. Les femmes continuent à assurer plus de 80% de la production domestique en plus de leur travail et de leurs autres activités. La déréglementation et la flexibilité les fragilisent encore d’avantage, elles constituent la majorité des salariés qui travaillent le dimanche. Notre objectif est double : libérer les femmes des tâches domestiques qui leur incombent quasi-exclusivement. Libérer les hommes du travail pour les autoriser à vivre leur identité plurielle de père, de fils, d’amant, d’ami, de militant… Il s’agit de traduire que le travail n’est pas la seule richesse d’une société. Une action publique multi-formes est nécessaire pour assurer un équilibre dans les rôles remplis par les deux sexes, source d’égalité et d’épanouissement. Par l’égalité professionnelle![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Par une politique familiale féministe et l’adaptation des services publics aux besoins nouveaux des parents.De réformes en réformes, la politique familiale n’a plus de sens collectif. Celle que nous proposons doit afficher son ambition : libérer les femmes de la double journée et de la double culpabilité qui freinent leur épanouissement et leur égal accès à l’emploi.
Pour toutes, qu’elles vivent ou non seules, la prise en charge publique des modes de garde individuels et collectifs est la clef de voûte. ![]() ![]() ![]() ![]() |
II/ Le droit à la dignité | |
Qu’elles soient célibataires ou en couple, au travail, au chômage ou au foyer, au minimum
vieillesse ou à l’allocation de parent isolé, assujetties à l’impôt sur la fortune ou dans des
quartiers d’immigration, lesbiennes ou hétérosexuelles, les femmes sont victimes de
discriminations spécifiques et toujours soumises à des humiliations inhérentes à leur sexe. La loi antisexiste tant attendue doit enfin être déposée, et faire l’objet d’une campagne de masse du Parti socialiste. Cette loi doit s’articuler avec les dispositifs prévus en matière de harcèlement moral et de discriminations au travail. C’est non seulement contre la violence faite aujourd’hui au corps et à la sexualité des femmes qu’il faut lutter, mais aussi contre les stéréotypes sexués véhiculés en direction du plus jeune âge. Lutter contre la marchandisation du corpsTout ce qui s‘achète se vole ! Aussi longtemps que les corps seront exposés et considérés comme des objets, il sera toujours possible d’en abuser au mépris du consentement et du désir de l’autre. L’égalité ne peut s’accommoder de la prostitution qui n’est ni un mal nécessaire, ni le plus vieux métier du monde. Nous sommes abolitionnistes par philosophie. Ce débat, ainsi que celui des représentations et des images des femmes (et aussi des hommes…), doivent être portés devant la société pour déterminer le cadre législatif le plus pertinent pour lutter contre la prostitution et le sexisme. Face au mouvement en faveur de la liberté de prostitution, nous affirmons n’avoir rien à partager avec cet esthétisme bourgeois travesti des oripeaux du féminisme. Dans le même esprit, la complaisance et la confusion qui s’installent dans nos propres rangs ou chez nos compagnons de route doivent être débattues et combattues : quelle tristesse de lire sous la plume d’Elisabeth Badinter que la liberté de prostitution relève du droit de disposer de son corps comme la liberté d’avorter ! Quelle inquiétude d’entendre notre camarade Alain Vidalies dire que l’expression « travailleur du sexe » ne doit pas être taboue ! Et pour soutenir le développement du clonage thérapeutique, sont ils prêts à accepter la création d’un grand marché des ovocytes, prélevés par des interventions lourdes sur des femmes qui n’ont rien d’autre à vendre ? A celles-ci réserverons nous le statut de travailleuses des ovaires ? ![]() ![]() Lutter contre les violences spécifiquesSous le mot « insécurité » se cachent des réalités différentes. Que les incendies de voitures diminuent est une bonne chose. Mais pour la même année 2002, les viols ont augmenté de près de 10 % et les crimes de 26 %. Les victimes des violences sexuelles et conjugales ne sont pas asexuées : ce sont principalement des femmes. Dans nos
analyses et nos propositions, nous devons clairement dire qu’il existe une violence
spécifique qui s’exerce à l’encontre des femmes et qu’elle appelle un traitement spécifique. Pour cela, les statistiques et les enquêtes sur les victimes doivent être sexuées (comme les chiffres du chômage ou de la pauvreté). Il est nécessaire d’accroître la formation et la sensibilisation des personnels de police aux violences que subissent les femmes et de féminiser les corps de fonctionnaires de police. Pour une plus grande efficacité de la justice et un meilleur accueil des victimes il est utile de créer, dans les tribunaux, un pôle spécifique chargé des violences sexuelles, au même titre qu’ il existe un pôle financier ou un pôle antiterroriste. Enseigner le respect de l’autre pour promouvoir une sexualité choisie pour chacunLa régression que dénoncent les jeunes filles les plus exposées au machisme, aux
phénomènes de bande et à la violence est la partie émergée de la domination masculine.
Sommées de choisir entre l’enfermement et l’humiliation, elles sont progressivement
exclues de l’espace public, renvoyées à la préhistoire des femmes. Aujourd’hui, la norme dominante, quoiqu’en disent les procureurs du procès contre mai 68, est celle des hommes hétérosexuels et virils. Elle n’opprime d’ailleurs pas que les femmes : bon nombre d’hommes refusent de s’y conformer ! C’est avant tout une bataille culturelle qu’il faut mener, et dans les quartiers populaires, il faut la conduire avec des moyens et des objectifs clairs :les politiques sociales, associatives et éducatives dans les quartiers doivent être prioritairement orientées vers les filles pour les soutenir. Les politiques de prévention doivent avoir comme première perspective de présenter aux garçons une autre image positive d’eux mêmes que celle de la violence machiste et du mépris. L’égalité entre les hommes et les femmes est une idée laïque, contraire à l’ensemble des religions et la vigilance par rapport à la laïcité est une dimension indissociable du féminisme. L’espace public laïque est celui dans lequel chacun évolue en toute égalité, quels que soient son sexe, sa religion, son origine. L’attention portée à la condition des femmes dans les quartiers doit donc aller de pair avec une vraie éducation à la citoyenneté pour tous, hommes et femmes de toutes générations. Respect de l’espace public et des lois, participation associative, contrôle de l’intégrisme religieux sont au coeur de ce processus. Il implique une présence active des services publics, notamment sociaux dans ces quartiers qui doivent rester des lieux de présence prioritaire de l’État. Cela doit se traduire dans les moyens et les choix budgétaires. Une culture de l'égalitéIl ne faut pas sous estimer les résistances culturelles à l’égalité entre les sexes, surtout quand le désordre libéral consonne avec l’ordre conservateur. Tous les leviers culturels
seront mobilisés, en particulier des campagnes d’information pour le respect des femmes
dans les entreprises mais aussi une véritable politique antisexiste dans l’éducation, la
transmissions des connaissances et l’orientation scolaire. Pour cela, il est nécessaire
d’inciter les enseignants à lutter contre la reproduction des inégalités sexuées. L’enseignement de l’histoire des rapports entre les sexes devra être développé. Plus largement, la féminisation de la langue française devra amener notamment à parler de droits humains à la place de l’expression historiquement située de « droits de l’homme ». Il faut résister à la campagne engagée contre la mixité scolaire au prétexte qu’elle amplifierait la violence scolaire et fragiliserait les garçons ! Bien que l’école reproduise les inégalités sexuées, comme les inégalités sociales, l’école mixte est une condition nécessaire aux progrès de l’égalité et le lieu où filles et garçons apprennent à vivre ensemble. Pour les mêmes raisons, nous nous opposons à la suppression du collège unique qui réserverait la mixité à l’élite. |
III/ Développer la contraception et assurer l’égalité d’accès à l’IVG | |
La loi du 4 juillet 2001, a été incontestablement pour les femmes une nouvelle avancée.
Cependant de nombreuses difficultés persistent : Quelle réponse donner aux femmes, et
tout particulièrement aux mineures, qui demandent une IVG au-delà des douze semaines
légales ? Quels moyens budgétaires pour l'information à la contraception et à
l'avortement ? Où en est la formation des personnels dans les milieux hospitaliers ?
L’information dans les établissements scolaires reste très insuffisante. Peu de postes
d’infirmières scolaires et la sexualité reste un sujet tabou. Il y a peu de structures adaptées
notamment dans les quartiers en difficulté. Nous proposons donc : ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Les liens historiques que le Parti socialiste avait su tisser avec les associations agissant
en faveur de la maîtrise des naissances doivent être maintenus et renforcés. |
IV/ Pour une mondialisation féministe | |
![]() ![]() ![]() Le mouvement pour une autre mondialisation, tel qu’il s’exprime et se construit autour du Forum Social de Porto Alegre, est un point d’appui fort pour combattre la surpauvreté des femmes dans le monde. Nous en sommes aussi partie prenante, à ce titre. |
V/ La rénovation féministe du Parti socialiste | |
Changeons la politique et la démocratie !La Vème République est peu favorable aux femmes. Les logiques implacables de la Vème République leur ont été très défavorables, alors même qu’elles avaient jusque là exercé de manière prometteuse leur tardive citoyenneté. La conception verticale et présidentialiste du pouvoir incarné par un homme avec l’élection présidentielle est en
cause. De même que la prime au notable territorialement implanté avec le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Cette présidentialisation du pouvoir ne s’est d’ailleurs par arrangé avec une décentralisation qui consolide la logique des fiefs. Le pouvoir des patrons de collectivité locale est fortement personnalisé. C’est pourquoi nous voulons rompre avec cette conception verticale et descendante du pouvoir. Par une République ouverte, aérée par une limitation stricte des mandats et par un statut de l’élu. Contre la culture de la technocratie et de l’irresponsabilité politique, il s’agit d’assurer une meilleure représentation politique et une plus grande participation, un plus fort contrôle citoyen et de promouvoir une culture et une obligation de compte-rendus chez les élus. En ce sens, notre objectif est la généralisation des scrutins de liste, aménagés pour assurer une majorité. Le mandat unique doit imprimer une nouvelle façon d’exercer la politique qui mette un terme aux baronnies et au monopole des pouvoirs. Et la mise en place du statut de l’élu, qui semble faire consensus, permettra d’ouvrir au plus grand nombre l’accès aux fonctions électives. La loi sur la parité doit être aménagée et étendue aux exécutifs ainsi qu’aux intercommunalités en rendant impossible après l’élection la modification de l’ordre de la liste présentée aux électeurs. Pour les élections sénatoriales et législatives, vue l’application cynique de la parité, les partis ne respectant pas la parité se verront refuser dorénavant la totalité de leur subvention. Les réformes électorales doivent être conçues ou combattues en tenant compte du critère de la parité : le font-elles progresser ou reculer ? Dès maintenant, il faut s’opposer au projet de réforme des élections européennes s’il doit mette en cause la représentation paritaire de la France à Strasbourg. L’exigence de parité dans la représentation ne doit pas être limitée à la représentation politique, elle doit aussi s’appliquer à tout le champs de la démocratie sociale et s’appliquer dans le même esprit aux organisations syndicales et aux élections représentatives des salariés : élections professionnelles, prud’homales, caisses de sécurité sociale etc… Changeons le Parti socialisteLes citoyens sans plan de carrière ont souvent du mal à trouver leur place dans le Parti socialiste. Nombreuses sont les femmes qui considèrent qu’on y perd, au mieux son temps, au pire son âme ! C’est toute la pratique militante d’une machine purement électorale, professionnalisée, verticale, notabiliaire qui est rejetée. La parité ne sera égalité que lorsque les femmes ne seront plus choisies et parrainées par des hommes, heureuses bénéficiaires du fait du prince ou de ses barons. Lorsque les secrétaires nationaux chargés de compter les mandats, de préparer les congrès et de désigner les candidats seront des femmes alors, l’égalité aura progressé ! Pour y parvenir, il convient, d’abord, d’appliquer dès ce congrès la parité dans toutes les instances, des bureaux de section au secrétariat national ! Mais il ne suffit pas que les statuts changent. Les pratiques doivent évoluer. Celles qui consistent à faire prendre en charge la parité par les minorités dans les listes proportionnelles, par exemple. C’est une culture qui doit évoluer : nos structures de formation ou de recherche (l'Ours, Condorcet, Jean Jaurès) doivent intégrer dans leur travaux l’histoire des femmes, de leur oppression, de leurs luttes. Dans les mois à venir, le Parti organisera une convention sur la nouvelle étape de transformation sociale qu’exige l’évolution des rapports hommes/femmes et de leurs rôles respectifs. Cette réflexion s’inscrira dans l’élaboration du programme de gouvernement que le Parti se doit de proposer au pays. Que le Parti socialiste se dise féministe et qu’il fasse ce qu’il dit, et nous pourrons être fiers de sa mixité et de son action pour l’égalité. |
Contribution présentée par : |
Laurence Rossignol SN, membre du conseil national, Oise |
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