L'« euro-Méditerranée »
en question

Béatrice Patrie
Point de vue signé par Béatrice Patrie, députée européenne, paru dans le quotidien Le Figaro daté du 15 mars 2005

 
En 1995, la conférence de Barcelone a ouvert la voie d'un long processus de rapprochement entre les peuples des deux rives de la Méditerranée. Au lendemain de la signature des accords d'Oslo, la création d'une zone commune de paix et de prospérité partagée pouvait apparaître à portée de main. Il n'en demeure pas moins que la mise en œuvre d'un partenariat politique, économique, social et culturel entre les Etats de l'Union européenne et dix pays de l'autre rive de la Méditerranée (Algérie, Tunisie, Maroc, Egypte, Jordanie, Israël, Liban, Autorité palestinienne, Irak, Turquie) relevait de la gageure.

Aujourd'hui, après l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafic Hariri, l'ombre de la guerre plane encore sur le Liban, même si l'immense ferveur du peuple libanais laisse espérer la reconquête démocratique du pays.

De fait, l'horizon ne devait pas tarder à s'assombrir. Rapidement, l'incertitude liée à la situation au Proche et au Moyen-Orient a considérablement fragilisé le processus. Plus récemment, l'intervention américaine en Irak, l'absence, il y a peu de temps encore, de perspective de règlement du conflit israélo-palestinien ont pesé négativement sur ce partenariat ambitieux et prometteur.

Dix ans plus tard, alors que l'on se prépare à en célébrer l'anniversaire, le processus de Barcelone a-t-il encore un avenir ? Certes, au regard des efforts entrepris - notamment par l'UE -, le bilan peut être jugé comme trop maigre : les dizaines de conférences ministérielles, l'installation d'un « Parlement de la Méditerranée », la mobilisation de milliard d'Euros destinés à financer les programmes de développement Meda, ou la mise en place par la Banque européenne d'investissement (BEI) d'une « facilité euro-méditerranéenne d'investissement » n'auront pas suffi à atteindre, loin s'en faut, les objectifs de Barcelone.

Pourtant, le processus reste porteur de grands espoirs liés, pour partie d'ailleurs, aux espérances que font entrevoir les élections en Palestine pour l'avenir du Moyen-Orient et l'évolution démocratique du Liban. A cet égard, faut-il rappeler que le processus de Barcelone constitue le seul cadre institutionnel permettant aux Israéliens et aux Palestiniens de siéger ensemble ? Cependant, si les ambitions doivent demeurer intactes, les chances du processus reposent sur la capacité politique des trente-cinq partenaires de se fixer des objectifs concrets.

En premier lieu, il devient urgent de se doter d'une vision stratégique commune, qui, à ce stade n'existe pas. C'est la condition pour faire pièce à l'initiative « great Middle East » avancée par les Américains. A cet égard, on attend beaucoup de la nouvelle stratégie européenne de voisinage qui vise à étendre les bénéfices de l'Union élargie - à savoir la paix, la stabilité, la prospérité aux voisins de l'Union élargie -, par la constitution d'un cercle d'Etats impliqués dans des relations de plus en plus étroites.

En deuxième lieu, le partenariat euro-méditerranéen doit se bâtir sur la base de valeurs universelles, susceptibles de garantir un minimum de cohérence et de crédibilité à un projet complexe. Cela suppose un respect absolu du droit international par l'ensemble des pays partenaires, mais également l'adoption formelle d'un socle de valeurs communes, une sorte de « charte des droits fondamentaux ».

En troisièle lieu, la création d'une zone de prospérité partagée allant de paire avec un développement économique et social durable est le meilleur gage de stabilité. En ce sens, l'horizon de 2010 fixé pour la mise en œuvre d'une zone de libre-échange demeure d'actualité. Cet objectif implique surtout que l'Union européenne n'infléchisse pas son effort financier, quelles que soient les autres priorités de l'heure, car le développement de politiques euro-méditerranéennes dans des domaines aussi stratégiques que l'eau ou l'énergie est essentiel.

Enfin, se battre contre la théorie inacceptable du « choc des civilisations » par un inlassable travail de rapprochement des cultures constitue peut-être, parmi tous les objectifs du processus de Barcelone, l'ambition majeure et indépassable. C'est la mission qui incombera ; notamment, à la fondation Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures qui ouvrira ses portes sous peu à Alexandrie.

Les parlementaires de l'Assemblée euroméditerranéenne se réunissent en session plénière au Caire du 12 au 17 mars 2005. Ils représentent les peuples des deux rives de la Méditerranée. La relance du processus de Barcelone dépendra également de leur capacité à s'accorder sur l'ensemble de ces objectifs.
© Copyright Le Figaro


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