Polynésie
Temaru, l'espoir

Point de vue signé par Christian Paul, député de la Nièvre, ancien secrétaire d'Etat à l'outre-mer (août 2000 - mai 2002), paru dans le quotidien Le Monde daté du 5 mars 2005.

Oscar Temaru a été élu nouveau président du gouvernement de la Polynésie, qui vient de reconquérir sa dignité. Ce changement suscite un intense espoir. Avec maturité et sans désordre, la Polynésie vient d'offrir trois leçons à la République française.

Une leçon de démocratie, bien sûr. Le peuple, là-bas, a permis par son vote le règlement d'une crise que les pouvoirs, ici, tentaient de nier et d'étouffer. Ici et là-bas, c'est un signe fort qui doit redonner à ceux qui doutent confiance dans le suffrage universel et, donc, dans l'action politique. Le choix électoral de mai 2004 avait été confisqué. Les Polynésiens ont amplifié largement leur préférence, malgré l'usage des peurs qui alimenta la campagne. Le peuple souverain ne s'en est pas laissé conter.

Une leçon d'éthique républicaine, ensuite. La corruption, un " système " ont été sanctionnés, faits d'emplois fictifs à l'échelle industrielle, d'un usage sans contrôle de l'argent public, d'un clientélisme immodéré jusqu'aux dernières heures précédant le scrutin. Les Polynésiens n'ont pas voté sur l'indépendance. Si ce fut un référendum, alors il portait sur l'intégrité en politique.

Une leçon d'outre-mer à la République, enfin. On oublie que départements, territoires et maintenant pays d'outre-mer relèvent depuis longtemps des défis qui sont aujourd'hui ceux de la France. Multiculturelles, ces sociétés ont une expérience historique à partager. Là-bas comme ici, l'ambition de peser sur le cours des choses oblige à penser la complexité, la diversité des cultures et la nécessaire évolution des institutions. Au fil du temps, la critique du stalinisme par Aimé Césaire, la résistance à l'oppression de Jean-Marie Tjibaou, le droit à l'histoire des victimes du crime esclavagiste défendu par Christiane Taubira furent parmi les leçons mémorables que la République ne saurait oublier.

Ces jours-ci, la France est tentée par le désenchantement. Le message démocratique et pacifique que lui adressent les Polynésiens et Oscar Temaru paraît d'autant plus éclatant.