Il faut un changement de majorité dans le PS

Vincent Peillon

Entretien avec Vincent Peillon, député européen, coanimateur du Nouveau Parti socialiste, paru dans le quotidien L'Humanité daté du 4 novembre 2005.
Propos recueillis par Olivier Mayer


 

Votre objectif déclaré est de changer le PS. Changer d’orientation ? de méthodes ? de direction ?
C’est d’abord changer l’orientation politique. Nous avons depuis plusieurs années pesé pour que le Parti socialiste ait une analyse beaucoup plus critique de la mondialisation. Nous avons pesé pour une réorientation de la construction européenne, et c’est pourquoi nous avons été partisans du « non » au traité constitutionnel. Nous avons indiqué qu’il y avait une nécessité absolue à revoir les instruments de la démocratie politique et sociale française. Et notre analyse, fondatrice du NPS après le 21 avril 2002, c’est de créer les conditions pour réconcilier notre base politique et notre base sociale, et donc de nous adresser aux 15 millions de Français qui gagnent entre le SMIC et deux fois le SMIC, dont les conditions de vie, de travail, de logement se sont extrêmement détériorées. C’est ce qui nous intéresse d’abord. Ensuite, il faut une rénovation du parti, des pratiques, des équipes, parce que le parti s’est un peu fossilisé. Il faut dans le parti un brassage en termes de générations, de territoires, de professions, d’origines sociologiques. La diversité aujourd’hui n’existe plus. Et il faut pour cela de nouvelles équipes, de nouvelles façons de travailler. Il ne faut pas d’exclusive, mais un changement de majorité dans le parti.

Quelles sont les mesures phares qui vous distinguent des autres motions ?
Ce qui nous distingue, c’est que nous ne faisons pas que proclamer des objectifs, mais nous avançons des outils pour les réaliser. Par exemple sur les salaires, oui à l’augmentation du SMIC, oui à la négociation salariale, mais c’est insuffisant. Il faut créer un ordre public salarial, c’est-à-dire la possibilité pour l’État d’imposer une augmentation des salaires là où il y a carence de la négociation. Concernant la démocratie sociale, elle doit faire partie du projet de la VIe République et doit être mise en oeuvre dans les six premiers mois par le président de la République, s’il est de gauche. En ce qui concerne l’Europe, nous sommes les seuls à défendre la perspective d’un traité social et d’une république européenne. Nous sommes les seuls aussi à dire que nous ne voulons plus d’un régime présidentiel et que les pouvoirs du président doivent être transférés au premier ministre. Les seuls à proposer un contrat autonomie pour la jeunesse... Contrairement à ce que dit François Hollande, il y a des différences entre les propositions des uns et des autres.

Et les mesures les plus urgentes ?
Il faut d’abord dire qu’on va revenir sur les lois de la droite, notamment pour l’emploi, les retraites, le droit du travail, la protection sociale. Il faut que la volonté de la gauche ne se dilue pas au bout de quelque temps et, pour cela, il faut se donner les moyens de la réforme. Les moyens institutionnels notamment. La VIe République est donc en fait pour nous une priorité. Il y a aussi la nécessité d’une grande initiative européenne.

Quelle est votre conception des rapports avec les autres forces de gauche ?
Il n’y a dans le PS ni dérive centriste ni suivisme de l’extrême gauche, pour moi, c’est un faux débat. En France, il n’y a pas qu’une gauche, il y a des gauches. Les familles politiques ont une histoire et on ne refait pas ces histoires. Et nous ne gagnons que lorsque nous sommes ensemble. Nous ne pouvons bien gouverner qu’ensemble. Il faut donc rechercher les convergences sur le fond et il ne faut demander à personne de renoncer à soi-même. Il faut être dans le respect des différentes familles. Il ne faut pas instrumentaliser, un coup les verts, un coup les rouges. Lorsque la gauche travaille collectivement, elle travaille bien. Si elle n’est qu’un cartel électoral, comme en 2000-2002, où l’on ne se réunissait au sommet de la gauche plurielle que pour les listes de places aux régionales ou aux municipales, en évacuant tous les débats de fond, on a la catastrophe qu’on a eue. Il faut un contrat de gouvernement dans le respect de chacun.

Avec la division des listes opposées à l’actuelle majorité, les jeux semblent faits pour le congrès ?
Je ne le crois pas du tout. Ce qui est triste dans la préparation du congrès est qu’il est instrumentalisé pour autre chose et on n’a pas le débat d’orientation qu’on souhaiterait. Laurent Fabius est en permanence dans l’arrière-pensée de sa candidature. François Hollande est dans la réassurance de sa propre position politique. Nous, nous avons voulu éviter le bloc des « oui » contre celui des « non », et ça rend plutôt le congrès plus ouvert qu’on ne le croit ces jours-ci.

© Copyright L'Humanité


Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]