Donnons tous ensemble de la force à l'espoir
Congrès de Dijon - 17 mai 2003

Discours de Vincent Peillon, coanimateur du Nouveau Parti socialiste
Tribune du Congrès de Dijon


 
Chers amis, chers camarades,

le socialisme démocratique français est aujourd'hui face à son avenir et, cet avenir, c'est vous. Cet avenir, nous tous, nous l'appelons, nous le désirons, nous en ressentons la nécessité, parfois même l'impatience mais, d'un autre côté aussi, nous le redoutons, nous le craignons, nous le différons et nous allons même parfois jusqu'à lui tourner le dos.

Quelle doit être notre ambition collective ? Quelle doit être notre tâche commune dans ce congrès ? Elle doit être de rompre ensemble cette ambivalence, elle doit être de trancher cette hésitation, elle doit être de retrouver la confiance et la volonté d'affronter ensemble notre présent et d'enfanter ensemble notre avenir. Oui, donnons tous ensemble de la force à l'espoir. Cette force réside d'abord dans nos convictions socialistes. Et l'espoir des socialistes, c'est d'abord chacune et chacun d'entre vous, avec vous, nous devons être en capacité de retrouver la force de convaincre nos concitoyens et de vaincre la droite. Cela suppose, ne nous le cachons pas, du courage, le courage de la vérité, comme disait Jaurès, et le courage de la justice qui, pour les socialistes, est indissociable. Cela exige une analyse et cela exige une volonté.

Une analyse : la société française vit une crise profonde, crise de son identité nationale, de sa vie démocratique, crise sociale au-delà des raisons conjoncturelles qui ont toute leur part de vérité C'est cette crise qui a provoqué notre échec de l'année passée, c'est donc à cette crise qu'il nous appartient tous ensemble de répondre, ne tardons pas trop.
Crise de notre identité nationale d'abord
Qu'est-ce qu'être Français aujourd'hui ? Nous n'avons pas su apporter de réponse à cette question, nous ne l'avons même pas posée, nous l'avons esquivée et trop souvent moquée, c'est un grand tort. C'est dans le cadre de la nation que pendant près de deux siècles nos pères ont construit, par leurs actions et leurs combats, les protections sociales et les instruments démocratiques dont le socialisme républicain fut toujours le premier, le plus ardent, le plus pugnace conquérant : impôt progressif, service public, école laïque, protection sociale, droit du travail, droits politiques, économiques, sociaux, civils, voilà toutes ces conquêtes arrachées, jamais données aux forces de l'argent, du conservatisme, de l'obscurantisme et aujourd'hui remises en question par une mondialisation libérale qui fait prévaloir les règles du marché, de la libre concurrence du profit sur toutes les autres règles et toutes les autres valeurs, et d'une Europe qui se soumet plutôt qu'elle ne résiste à cette dérégulation.

Ces conquêtes, mes camarades, ces valeurs, sont le terrain sur lequel nous avons grandi, elles sont le témoin que l'on nous a passé, elles sont la fidélité et l'exigence qui doivent aujourd'hui nous guider. Et voilà pourquoi nous devons engager clairement le combat contre cette mondialisation libérale et poser des actes forts pour permettre à l'Europe d'y peser et non de s'y diluer.

Cela suppose une volonté, qui n'a pas toujours été au rendez-vous, ni assez ferme, ni assez convaincue. La volonté de porter, dans le cadre de la globalisation et de l'Europe, les mêmes combats que nous avons menés dans le cadre de l'État-Nation pendant deux siècles. Nous ne prônons ni repli sur nous-mêmes, ni retour au passé, au contraire. La globalisation est un fait, l'Europe est notre patrie. Nous ne nous gargarisons pas davantage de révolutions ou de coups de force, mais nous revendiquons le travail, la volonté, Martine, l'entêtement, mais aussi la responsabilité devant la crise européenne qui se profile et qui déjà s'exaspère.

Permettre l'adhésion de notre peuple à l'idéal européen mais aussi au fait européen, réussir l'élargissement en réunissant les conditions de cette réussite, organiser une autre mondialisation, et j'ai tracé le chemin, jeté le pont entre l'idéal d'une autre gouvernance à laquelle, et tant mieux, chacun semble maintenant souscrire, et la réalité désolante d'aujourd'hui. Alors oui, mais par quel combat, quel choix, quel instrument concret de puissance publique, de reconquête de la volonté politique ? C'est aux socialistes de le dire, ils doivent le dire à Dijon, c'est à nous de tracer le chemin.
Crise de notre démocratie ensuite
Nos concitoyens se détournent de l'action publique, ils votent de moins en moins, surtout les jeunes, surtout les couches populaires, et toujours davantage aux extrêmes. La politique, notre passion, le ciment de notre nation, leur semble devenue un théâtre d'ombres, la confiance est rompue. L'efficacité de l'action publique, l'autorité de l'État sont remises en question. L'idéal d'émancipation individuelle et collective que nous avons forgée autour de notre école des valeurs de la raison et de la laïcité, de la critique des dogmes et des déterminismes ethniques, sociaux, nationaux, est attaqué et battu en brèche chaque jour. Voilà pourquoi nous devons, mes camarades, affronter de façon déterminée cette crise, et proposer un nouveau pacte de confiance entre nos concitoyens et la République, une République nouvelle, il faut là aussi marquer notre volonté avec force. C'est une affaire de démocratie politique, de démocratie sociale, de démocratie locale. La VIème République pour nous, ce n'est pas seulement un mécano institutionnel, c'est le moyen de refonder ce projet commun, cette confiance commune qui font aujourd'hui défaut. C'est pourquoi il faut aussi que la gauche s'engage à nouveau dans une grande bataille idéologique et culturelle autour de ces valeurs, celles du service public, de la laïcité, de l'intégration, de l'égalité des conditions avec fermeté, courage, autorité, contre l'opinion reçue, moyenne ou dominante.
Crise sociale enfin
Crise sociale enfin qui nous atteint en profondeur et qui renforce la crise démocratique et nationale. Nous sommes dans un pays où les accidents du travail augmentent, où il y a une montée de la précarité, une émergence des travailleurs pauvres, une dureté paradoxale mais cruelle de ce que l'on ose nommer la souplesse, des inégalités qui persistent, s'accroissent, se cumulent entre le capital et le travail, bien sûr, toujours, mais aussi entre les territoires, entre les générations, entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, entre les femmes et les hommes, entre les Françaises et les Français selon la couleur de leur peau, leur origine ou leur croyance religieuse, la difficulté des petits producteurs, artisans, paysans, les droits du travail bafoués, la liste est longue, sans compter les remises en cause et les inquiétudes, aujourd'hui les retraites, demain la protection sociale, après-demain la marchandisation de l'éducation.

Face à cette crise sociale, il faut faire des choix, il faut parler clair, il faut fixer des priorités, il faut dire avec force et précision quel nouvel ordre public social les socialistes ensemble veulent construire et proposer aux Français. Dans le contexte de notre congrès, les Français nous attendent, il nous faut avoir le courage de la vérité et le courage de la justice. Il nous faut une analyse et une volonté. Nous avons, ces dernières années, servi notre pays dignement. Nous avons soulagé des misères, nous avons prévenu des détresses, nous avons amélioré des conditions, nous avons préservé des acquis sociaux, nous avons conquis de nouveaux droits mais nous n'avons pas su dire aux nôtres et à la France notre passion, notre amour, nous n'avons pas su unir les Françaises et les Français autour d'un projet partagé de valeurs communes, d'une ambition collective. Nous avons mis en place des dispositifs, nous n'avons pas forgé, comme nos anciens, un esprit public, nous n'avons pas dégagé un intérêt général, nous n'avons pas construit un destin commun, c'est là maintenant notre tâche commune : gagner au socialisme son avenir, battre la droite demain dans la rue, après-demain dans les urnes, rendre à nos compatriotes l'espérance et pour cela nous avons besoin de retrouver énergie, disponibilité, attention aux humbles, combativité, nous avons besoin de sortir demain de la lenteur, de la mollesse, nous avons besoin d'affirmer tous ensemble des ambitions claires.

C'est tout l'enjeu de notre congrès. Nous avons proposé une analyse, nous avons forgé une ambition, nous ne voulons rien d'autre que les partager avec vous. Je m'adresse solennellement à toi, François, demain il faudra, tu le dis, rassembler les gauches. Essayons, ce soir, de commencer par rassembler tout le Parti socialiste, nous y sommes prêts, nous avons besoin de redonner tous ensemble à l'idée socialiste sa force et son avenir.



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