Le PS a besoin d'une majorité plus large

Vincent Peillon
Entretien avec Vincent Peillon, député européen, coanimateur du Nouveau Parti socialiste, paru dans le quotidien Libération daté du 7 novembre 2005
Propos recueillis par Paul Quinio
 

Le Mans sera-t-il, comme le souhaite François Hollande, le congrès du projet ?
C'est un congrès qui esquive le débat de fond. Les Français ne comprennent pas nos débats, juste qu'il existe pléthore d'ambitions individuelles concurrentes. Ce n'est pas la première fois que nous tenons un congrès inutile : si nous n'y prenons garde, nous risquons de sortir du congrès du Mans aussi invertébrés qu'après celui de Dijon, en mai 2003.

La faute à qui ?
Aux mauvaises querelles permanentes que cherche François Hollande. Le débat entre réformistes et révolutionnaires ? Faux clivage. Abroger ou proposer ? Faux clivage. Tentation de l'extrême gauche contre préservation de l'identité PS ? Faux débat. Au lieu de poser les vrais enjeux sur l'Europe, les institutions, la question sociale, le pouvoir d'achat, Hollande ajoute du désordre à la confusion en mettant sans cesse en avant les questions de pouvoir et de personnes.

Pourquoi ne dites-vous pas dès aujourd'hui que vous êtes candidat à sa succession ?
Le débat et le vote sont d'abord sur l'orientation. Ce n'est qu'après que nous désignerons le premier secrétaire. En braquant les projecteurs sur cette question, François Hollande révèle surtout qu'il ne cherche pas prioritairement la synthèse. Si on veut des socialistes rassemblés, il ne faudra qu'un seul candidat. Il prend sans cesse le risque de diviser plutôt que rassembler.

Vous avez quand même déclaré que le PS devait changer de direction...
Il faut changer d'orientation, puis, ensuite, de direction. Elle est aujourd'hui trop étroite. A Grenoble, c'est Emmanuelli qui l'a quittée. A Dijon, c'est nous, en créant le NPS. Aujourd'hui, c'est Fabius qui n'en est plus. Depuis des années, la direction se rétrécit. C'est pour cette raison que j'ai expliqué que l'on ne pouvait pas diriger ce parti à 54 %. Il faut une majorité plus large, sur une base de rénovation. J'ajoute que le désordre se profile, car la coalition autour de François Hollande est feinte. Dès le congrès fini, le PS sera déstabilisé à nouveau par les ambitions présidentielles. Je ne veux pas que nous fassions ce cadeau à la droite.

Le NPS a déjà choisi Fabius ?
Il n'y a pas eu de motion commune avec lui, car nous ne voulions pas d'un congrès préprésidentielle, ni pour désigner un candidat, ni pour en éliminer un. Nous voulons un rassemblement de tous les socialistes. Est-ce que Fabius doit en faire partie ? Bien sûr. Mais pas seulement. Il doit s'ouvrir à tous ceux qui veulent s'engager dans la rénovation, sur une orientation claire, sincère et ancrée à gauche.

Ancré à gauche, qu'est-ce à dire ?
Le débat n'est pas d'être plus ou moins à gauche, mais mieux à gauche. Le vrai sujet, puisque nous avons déjà gouverné pendant quinze ans, c'est celui des outils à inventer pour lutter contre le chômage et la précarité, assurer une meilleure redistribution, garantir l'avenir de la sécurité sociale, refonder notre démocratie politique et sociale...

Et sur l'Europe, quels seraient vos nouveaux outils ?
Si le non l'a emporté lors du référendum du 29 mai, c'est parce que l'Union européenne n'a pas tenu ses promesses en termes de prospérité économique et d'égalité sociale. Il faut que nous prenions avec le PSE (Parti socialiste européen, ndlr) une initiative en faveur du traité social européen. Là encore, c'est la question des outils qui se pose, pour créer une fiscalité et un budget européens, lever l'emprunt, coordonner les politiques économiques, préserver les services publics, harmoniser les systèmes sociaux. Les Européens attendent des socialistes qu'ils prennent des initiatives, pas qu'ils soient défaitistes.

Vous prônez l'élection d'un Président dépourvu de tout pouvoir. N'est-ce pas contradictoire ?
J'ai entendu Hollande moquer cette proposition. Il dissimule un embarras, puisque son texte ne tranche pas entre dyarchie maintenue, donc irresponsabilité, ou régime présidentiel. Quand on veut réformer, il faut avoir du courage. Si on pense que le système institutionnel aggrave la crise sociale, il faut apporter des solutions. Les Français sont intelligents. On peut leur dire ce que nous voulons faire, à charge pour nous de les convaincre que ce sera utile et juste.

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