Les socialistes se retrouvent sans projet et sans stratégie

Vincent Peillon
Entretien avec Vincent Peillon, coanimateur du Nouveau Parti socialiste, paru dans le quotidien Le Monde daté du 7 janvier 2003
Propos recueillis par Daniel Psenny
 

Pourquoi avez-vous décidé d'abandonner votre poste de porte-parole du PS ?
Dans la perspective du congrès de Dijon, en mai, j'ai besoin de retrouver ma liberté de parole. En tant que coanimateur du Nouveau Parti socialiste (NPS), je veux pouvoir me consacrer pleinement au débat. Nos divergences d'appréciation avec François Hollande sur ce qu'il convient de faire sont connues. La discussion entre nous a été amicale et ininterrompue tous ces derniers mois. Elle le restera, et François Hollande a pris acte de ma décision, dont je l'ai informé à la mi-décembre.

A cinq mois du congrès, quel est l'état des forces de votre courant ?
La démarche du NPS rencontre une forte adhésion auprès des militants. Nous menons un débat d'idées au sein du parti, où beaucoup de questions n'ont pas été tranchées. Nous le faisons sans tabou, en dépassant toutes les préventions liées aux appartenances des uns ou des autres à des courants désormais obsolètes. Retrouver une crédibilité auprès des militants est la première étape, et le préalable, pour retrouver demain une adhésion de nos concitoyens. Certains dirigeants du parti ne l'ont pas compris. Ils préconisent aujourd'hui des réformes auxquelles ils se sont opposés il y a encore peu de temps et s'apprêtent, pour préserver des positions personnelles, à signer des textes auxquels ils ne croient pas. Ils reproduisent ainsi des comportements à l'égard desquels la lassitude, pour ne pas dire l'exaspération, est grande. Personne ne s'y trompe : les socialistes se retrouvent actuellement sans projet et sans stratégie. C'est pourquoi il nous paraît nécessaire d'ouvrir un nouveau cycle politique. Il ne s'agit pas seulement de changer de disquette, voire de logiciel, mais bien de système.

Quels seront les grands axes de la contribution que vous allez déposer au Conseil national ?
L'architecture de notre contribution se fera autour de trois thématiques : la définition d'un nouveau Parti socialiste et d'une nouvelle stratégie pour la gauche ; la mondialisation et l'Europe ; la démocratie politique et sociale. Tout le monde est pour plus de démocratie, pour mieux maîtriser la mondialisation ou pour une Europe plus sociale, mais qui est prêt à l'obligation du mandat unique, à la transformation du Sénat, à l'institution d'une véritable Cour constitutionnelle, à la suppression d'un échelon de territorialité, à l'instauration d'une parité effective ? Qui est prêt à un grand impôt progressif avec assiette large, à un véritable impôt sur le capital ou à des pénalités fortes contre la précarité au travail et l'inégalité hommes-femmes ? Le vrai débat politique n'est pas celui des intentions mais celui des propositions !

Qu'avez-vous retenu du débat militant à l'intérieur du PS ?
Beaucoup de choses, notamment une volonté de transformer en profondeur le parti pour retrouver le sens de l'engagement politique. Les militants veulent à la fois un meilleur ancrage dans nos valeurs socialistes et dans la modernité. Ils veulent plus de combativité et de force, dans l'opposition comme dans la proposition. J'ai noté aussi leur inquiétude quant à la coupure entre les responsables et la base. Ils veulent en finir avec les habiletés et les arrangements au sommet, avec les écuries électorales et la guerre des chefs. Ce sont des exigences élémentaires qui doivent se traduire dans les faits. Le rôle du NPS, dont la vocation est d'être majoritaire, est de les rendre possibles.

Laurent Fabius prend ses marques pour la présidentielle de 2007. N'y a-t-il pas un risque d'assister à un congrès de transition en attendant celui de 2006 où sera désigné le candidat du PS ?
Si c'est le scénario qui se dessine, les militants n'accepteront pas que les arrière-pensées l'emportent sur la sincérité et les convictions, les ambitions personnelles sur l'intérêt et le projet collectifs. Il est possible que Laurent Fabius pose un problème à François Hollande. Au sein du rassemblement du premier secrétaire, il veut occuper toute sa place et même toute la place. Nous occuperons la nôtre et ce congrès sera celui de la refondation et de la clarification. Il permettra aux socialistes de retrouver l'espoir de la reconquête.

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