Le silence de François Fillon est un vrai scandale

Paulette Guinchard-Kunstler

Entretien avec Paulette Guinchard-Kunstler, ancienne secrétaire d'Etat aux personnes âgées, députée du Doubs, paru dans Libération daté du lundi 18 août 2003
propos recueillis par Alain Auffray


 

Mattei assure qu'il n'a « en conscience aucun regret ni aucun reproche » à se faire. Qu'en pensez-vous ?
C'est vraiment douloureux à entendre. J'ai en tête tout ce qui a été démonté par ce gouvernement : le financement du plan pluriannuel visant à augmenter les personnels dans les maisons de retraite a été réduit de moitié en 2003. Et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) a été revue à la baisse. C'est bien ce gouvernement qui a mis en place cette politique, provoquant, pour la première fois, une manifestation de responsables de maisons de retraite sous les fenêtres du ministre de la Santé le 18 juin. Cela fait longtemps qu'il fait chaud. Depuis plus d'un mois, les maisons de retraite tirent le signal d'alarme. On ne s'est mobilisé que quand on a vu la mort. Les professionnels n'ont pas été entendus. Ils se sentent abandonnés.

Les directeurs de maisons de retraite soulignent le sous-encadrement des personnes âgées dépendantes en France. La gauche n'en est-elle pas coresponsable ?
Ces dernières années, il y a eu deux plans pour les maisons de retraite: le premier, lancé par Claude Evin, ministre de Michel Rocard, a été stoppé en 1993 par le gouvernement Balladur, le second lancé par Elisabeth Guigou et moi-même a été arrêté en 2003 par Raffarin. Avec l'APA, on avait lancé une dynamique. Un chiffre m'avait frappée : le taux d'encadrement des personnes âgées dépendantes. Pour chacune d'elles, on ne compte en moyenne que 0,4 agent. Pour un malade hospitalisé on mobilise en moyenne 2,8 agents et 1,1 pour une personne handicapée. Notre objectif était de nous rapprocher de ce dernier chiffre.

Le Premier ministre a parlé d'un drame français de l'abandon et de la solitude.
Les politiques ont réagi conformément aux réflexes de l'opinion. A part les urgentistes et les directeurs de maisons de retraite, personne ne s'est mobilisé. On se dit que les vieux, ce ne sont que des vieux. On se dit : «Ils seraient morts de toute façon.» C'est évidemment vrai. Mais la question n'est pas là. Il s'agit de savoir si les gens ont été accompagnés correctement jusqu'au bout. Tant que la vie est là, elle doit être respectée. Nous tous, collectivement, nous n'avons pas assez travaillé sur l'accompagnement des fins de vie. Contrairement aux familles de handicapés, les familles de personnes dépendantes ne se constituent pas en groupe de pression. On accompagne ses parents, mais dès qu'ils décèdent, on ne s'occupe plus de cette question.

Où sont, selon vous, les principales responsabilités politiques ?
Il a celle de Jean-François Mattei, parce que rien n'a été fait pour développer dans les services d'urgence des dispositifs adaptés. Il y a des urgences sociales et des urgences psychiatriques, pourquoi pas des urgences gériatriques ? Dans ce domaine, des expériences existent ; nous avions mis en place des dispositifs pour les multiplier. Tout a été stoppé. Il faut aussi pointer la responsabilité de François Fillon, ministre des Affaires sociales et donc aussi des personnes âgées. Son silence est stupéfiant, c'est un vrai scandale. Et bien sûr, il y a Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux Personnes âgées, que l'on n'a commencé à entendre que la semaine dernière alors qu'il avait la responsabilité de mettre en place, très tôt, un plan. Il fallait lancer un appel aux familles, expliquer les gestes quotidiens, dire qu'il suffit parfois pour prévenir la déshydratation de linge humide. On aurait pu dire cela dès juillet. On n'a rien fait. Hubert Falco n'a pas du tout été à la hauteur.

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