La thérapie nécessaire
du Parti socialiste

Bernard Poignant
par Bernard Poignant, député européen

Point de vue paru dans le quotidien Le Figaro daté du 4 novembre 2003

 
La fin du communisme pèse sur le Parti socialiste. Il n'en a pas fait l'analyse historique au moins officiellement. Il n'a consacré aucune de ses conventions nationales à cet événement historique. Il n'a rédigé aucun texte spécifiquement consacré à cela et soumis à discussion dans toutes ses sections. Alors, cette question continue à roder et le Parti socialiste attend d'élection en élection ce que vont dire les Français à travers les résultats des scrutins.

Pendant longtemps, c'était simple : un socialiste était un non communiste. Son identité était définie par comparaison ou par opposition. Il se situait dans le camp libéral avec son propre combat anticapitaliste mais dans le cadre des institutions démocratiques. Son problème était d'amener les voix communistes nombreuses à se reporter sur lui dans les seconds tours et inversement à convaincre ses amis socialistes d'en faire autant.

Aujourd'hui, il y a des électeurs communistes mais il n'y a plus de référence idéologique, historique, politique communiste. La révolution d'octobre 1917 a sombré dans le totalitarisme et Moscou n'est plus ni un repère ni un soutien. Alors, il ne faudrait pas qu'au sein du Parti socialiste on s'amuse à jouer les deux rôles par compensation : celui des révolutionnaires, sous prétexte de capter des électeurs de cette obédience ; celui des réformistes, pour éviter de perdre ceux qui se réclament de cette dernière.

Il ne faut pas regretter la fin du communisme. Il ne faut pas se lamenter sur la disparition de l'Union soviétique. C'est vrai que ce double échec a débouché sur une mondialisation dite libérale. Mais leur succès aurait conduit à une mondialisation communiste à dimension totalitaire. La première formule pose des problèmes et crée des inégalités ; la seconde aurait empêché d'en discuter par privation de libertés.

Cette absence de débat ouvert sur la fin de cette histoire commencée en 1917 freine l'affirmation de l'identité du socialisme démocratique français et risque de l'isoler de plus en plus à l'intérieur du Parti socialiste européen. Car il y a une spécificité du Parti communiste en France : en Angleterre, il n'a jamais existé ; en Allemagne de l'Ouest, il n'a pu renaître après la guerre notamment parce qu'il dirigeait l'Allemagne de l'Est ; en Italie, il s'est muté doucement en Parti socialiste ; en Espagne, comme au Portugal, il n'a pu renaître après la chute des dictatures : les sociétés de ces pays ne s'y reconnaissaient pas et Soljenitsyne avait ouvert des yeux.

Par contre, en France, le PCF s'est éteint d'élection en élection après avoir raté sa mutation dans les années 70. Le Parti socialiste continue à le sauver dans les quelques fiefs électoraux qu'il détient. Personne ne cherche à avoir un dialogue d'un nouveau type.

Alors, il se développe un double sentiment. Celui de l'éternelle culpabilisation du socialiste normalement constitué. Il est toujours impressionné par celui qui se déclare plus à gauche que lui. Ce petit jeu s'épanouit en ce moment à l'intérieur du Parti socialiste. Il offre à l'extrême gauche un champ d'influence et de critique qui lui évite de se découvrir elle-même : les héritiers de Trotski remplacent les héritiers de Staline !

L'autre réalité, c'est la diabolisation des mots : social-démocrate passe encore, mais social-libéral relève de l'insulte suprême. C'est pourtant un beau mot « libéral » puisque sa racine intègre toutes les libertés. Là aussi, il vaudrait mieux oser parler du capitalisme du XXIee siècle : chacun y retrouverait mieux ses petits sans gâcher une belle idée incarnée dans un beau mot.

Pourtant, le Parti socialiste devra vivre un bon moment dans ce monde issu de la fin du communisme. Même le Parti communiste Chinois l'a compris. Dans son congrès de 1992, il en a pris acte en inventant cette merveilleuse formule « d'économie socialiste de marché » qu'on peut résumer ainsi : le capitalisme autant que possible, la dictature autant que nécessaire !

A Chemmitz, le Parti (P.D.S) qui rassemble les anciens communistes de l'ex-Allemagne de l'Est vient de procéder dans son congrès à son aggiornamento considérant que désormais « l'entreprise privée et le profit constituaient des facteurs de développement et d'innovation ». Lénine doit se retourner dans son mausolée !

Il n'y a pas de retour en arrière : Lénine, Trotski, Staline, Mao Zedong, Che Guevara sont au cimetière de l'histoire. Demain, ce sera le tour de Castro et du leader de la Corée du Nord.

Le 21 avril 2002 n'est pas seulement un temps de campagne. Il clôt cette longue période. La page suivante ne sera écrite qu'après une analyse sans concession du chapitre qui précède.
© Copyright Le Figaro

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