La citoyenneté des étrangers résidant en France

Contribution au Congrès de Grenoble de novembre 2000
présentée par des élus et militants de la fédération de Paris.
Premiers signataires : Pierre Aidenbaum, Medhi Allal, Geneviève Bellenger, Pervenche Bérès, Dominique Bertinotti, Serge Blisko, Pierre Castagnou, Philippe Chauvet, Stéphane Chomant, Olivier Cloarec, Najwa Confaits, Jean-Baptiste Dulos, Flavien Errera, Pierre Gatignon, Catherine Gauthier, Patrice Grenier, Jean Guiloineau, Pascal Jouanne, Xavier-Alexandre Keddar, Bariza Khiari, Jean Lhopital, Laurence Magnan, Philippe Moine, Michèle Mouratille, Annick Olivier, Floriane Paillard, Danièle Pourtaud, Guillaume Quercy, Christine Rimbaut et Frédéric Sans.


 
En démocratie, la souveraineté appartient au peuple : il s'exprime directement ou par l'intermédiaire d'élus.

L'étendue du collège électoral, c'est à dire des personnes habilitées à voter, témoigne de la maturité démocratique d'une société : les artisans de la citoyenneté cherchent à l'élargir, les conservateurs s'efforcent de le contenir : en tous temps, ce combat a été rude. Il se poursuit.

L'élargissement de la citoyenneté est un combat pour la démocratie

Dans l'Athènes antique, l'Agora où s'élaboraient les lois de la Cité était ouverte aux seuls " citoyens ", c'est à dire à l'aristocratie lettrée.

Après les révolutions du 18ème siècle, les constitutions bourgeoises ont exclu du droit de vote les " minorités indésirables ou inaptes " pour en réserver la prérogative aux privilégiés :
  • en Amérique, les noirs ont été soumis à des contrôles de connaissances juridiques qu'ils ne pouvaient pas avoir, faute d'instruction publique.


  • en France, au siècle dernier, on a inventé le suffrage censitaire pour n'offrir le droit de vote qu'aux possédants.

Il a fallu attendre 1944 pour que le combat des " suffragettes " et celui des femmes dans la Résistance débouche sur l'attribution du droit de vote aux deux sexes. C'est après mai 68 que l'abaissement de la majorité de 21 à 18 ans a permis de faire accéder à la vie publique les jeunes, malgré les craintes de certains défenseurs de l'ordre public.

Ainsi, la Démocratie s'est-elle construite par des audaces successives qui ont balayé la frilosité, l'égoïsme. Ce combat n'est pas fini. Il doit à présent bénéficier aux personnes résidant en France, quelle que soit leur nationalité, dans des conditions équitables.

La Constitution française a réservé le droit de vote aux nationaux puis l'a ouvert aux ressortissants de l'Union européenne.

La Constitution dispose en son article 3 que : " Sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ".

Depuis la ratification du Traité de Maastricht, approuvée par référendum sur proposition de François Mitterrand, un article 88-3 énonce que " Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité de l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs ".

Une brèche est donc ouverte : on peut voter en France en n'ayant pas la nationalité française. La situation qui en résulte n'est pas équitable. Elle doit s'améliorer.

Les étrangers ressortissants des Etats membres de l'union européenne peuvent voter, être élus conseillers municipaux, concourir à la vie des communes.

Des étrangers résidant en France sont admis à voter aux élections municipales, où se jouent les questions de vie quotidienne : habitat social, transports, urbanisme, cadre de vie, activités récréatives, sportives, culturelles.

Ils s'inscrivent sur les listes électorales, font campagne, délibèrent des affaires de la commune en qualité de conseillers municipaux. Ils ont le droit de parler de la vie locale avec l'autorité que confère le suffrage universel et l'acquis d'une campagne permettant d'appréhender les difficultés d'une localité.

Ils ne peuvent cependant ni accéder aux fonctions exécutives de maire ou d'adjoint, ni prendre part aux débats relatifs aux collectivités départementales, régionales ou nationale.

Les Français qui résident dans les autres pays de l'Union européenne jouissant des mêmes prérogatives : un Danois élira le maire d'Athènes, un Portugais celui de Hambourg, un Irlandais celui de Palerme et un Albigeois celui d'Helsinki.

Aucune condition préalable de durée de présence sur le territoire où se déroule le vote n'est posée. Il suffit d'avoir un domicile et de s'inscrire sur une liste électorale pour peser sur la vie locale.

Les étrangers non communautaires établis en France ne peuvent pas voter.

Les étrangers des pays tiers installées en France depuis plusieurs années ne jouissent pas des prérogatives des résidants communautaires, alors qu'ils travaillent dans ce pays, qu'ils contribuent au dynamisme économique de la collectivité, que leurs enfants y fréquentent les écoles, que mille liens culturels et historiques tissent des relations complexes entre leur pays d'origine et leur pays d'adoption.

Des européens vont faire campagne, être élus, recueillir des doléances, s'en faire les interprètes auprès des autorités alors qu'eux, établis de longue date, ne disposeront d'aucun droit civique.

Alors que les affiches électorales s'étalent sous leurs yeux, que les télévisions leur diffusent les images des campagnes, que leurs boîtes à lettres s'emplissent de tracts, qu'ils comprennent l'importance de ce qui se joue à chaque élection, peuvent-ils ressentir cette situation autrement que comme du désintérêt, de la défiance, du mépris ?

Certes, en droit international, les avantages qu'un pays accorde aux ressortissants d'un autre pays doivent être assortis de réciprocité : les Français votent en Finlande, les Finlandais en France. L'ouverture du droit de vote aux nationaux non communautaires devrait donc logiquement permettre aux Français de voter dans leurs pays.

Mais cela n'est évidemment pas envisageable alors même que la plupart de ces pays ont récemment acquis leur indépendance, souvent au terme de luttes anticoloniales, restent étroitement dépendants d'un système international dominé par les grandes puissances et s'ouvrent à peine à la démocratie. Poser la condition de réciprocité dans ces conditions, c'est refuser de reconnaître le poids de l'Histoire et la dissymétrie des situations.

Au moins peut-on offrir le droit de vote aux élections locales aux ressortissants communautaires sans condition de durée de séjour, au motif que les Français jouissent de ce même droit dans leurs pays et soumettre à une condition de séjour de cinq ans les ressortissants des Etats avec lesquels la réciprocité n'existe pas.

Les Socialistes sont favorables au droit de vote des étrangers. Ils doivent être entendus

Il ne s'agit pas de donner aux étrangers des droits identiques à ceux des Français. La pleine citoyenneté va avec la nationalité.

Il s'agit de ne pas priver de parole, sur les seuls enjeux locaux, des personnes qui séjournent en France depuis cinq ans au moins. Il s'agit de montrer que la communauté française accorde une place et des droits civiques à ceux qui se situent durablement sur le territoire national. Il s'agit d'offrir la possibilité d'un apprentissage des responsabilités publiques et de mieux faire percevoir les devoirs collectifs qui en résultent.

Le civisme n'est pas inné. Il s'apprend, s'entretient, se diffuse.

Les Socialistes se sont maintes fois prononcés en faveur du droit de vote des étrangers. Le temps ne fait que rendre plus impérieuse la transformation de cette intention en acte. Des parlementaires PS ont encore déposé une proposition de loi constitutionnelle en ce sens, à l'Assemblée nationale, le 12 janvier 2000. Cette démarche, après bien d'autres, ne doit pas rester sans suite.

Nous voulons rester fidèles à la philosophie des droits de l'Homme.

Nous voulons que la France, en faisant une juste place à ceux qui vivent sur son sol, comme l'ont fait avant elle l'Irlande, le Danemark, les Pays-Bas, l'Espagne, le Portugal, serve ses propres intérêts.

Nous voulons que la démocratie marque un nouveau progrès en entrant dans un autre millénaire.

Nous voulons que les promesses électorales se traduisent en actes concrets.

Nous voulons que soit adoptée au cours de la présente législature une loi constitutionnelle accordant le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant en France depuis cinq ans.


– Premiers signataires :

Pierre Aidenbaum : maire du IIIème arrondissement, conseiller régional  Medhi Allal  Geneviève Bellenger : membre du conseil fédéral.  Pervenche Bérès  :députée européenne, membre du bureau national  Dominique Bertinotti : conseillère de Paris  Serge Blisko : député, conseiller de Paris  Pierre Castagnou : conseiller de Paris, vice-président du groupe socialiste à l'Hôtel de Ville  Philippe Chauvet : secrétaire fédéral  Stéphane Chomant  Olivier Cloarec  Cyril Coat  Najwa Confaits  Jean-Baptiste Dulos  Flavien Errera : secrétaire de section  Pierre Gatignon : membre du conseil fédéral  Catherine Gauthier  Patrice Grenier : secrétaire de section  Jean Guiloineau  Pascal Jouanne : membre du conseil national  Xavier-Alexandre Keddar : délégué fédéral  Bariza Khiari : secrétaire fédérale, secrétaire de section  Jean Lhopital : secrétaire de section  Laurence Magnan  Philippe Moine : membre du conseil fédéral  Michèle Mouratille : secrétaire fédérale  Annick Olivier : secrétaire de section  Floriane Paillard  Danièle Pourtaud : sénatrice, secrétaire fédérale  Guillaume Quercy  Christine Rimbaut  Frédéric Sans : membre du conseil.

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