| Introduction
Au lendemain d'un terrible revers électoral,le congrès de mai 2003 à Dijon sera sans doute l'un des plus importants de l'histoire des socialistes depuis le congrès d'Epinay de 1971. L'enjeu : saurons-nous apporter des réponses à la crise de sens que traversent les socialistes depuis près de 15 ans ? A nous de réfléchir sur ce qui fonde notre identité, ce qui commande notre engagement collectif et ce qui guide notre action. En somme, nous devons nous interroger sur ce que signifie et implique d'être socialiste aujourd'hui. Cette réflexion est primordiale, nous avons fait le choix d'y prendre toute notre part, en toute indépendance. Refusant d'accepter les inégalités et l'injustice, les socialistes se sont historiquement donnés pour ambition de transformer en profondeur la société. Nous ne devons pas perdre cette ambition. Notre horizon politique ne peut se limiter à l'échéance d'une mandature. Nous devons définir un véritable projet de société, forcément pensé à long terme, qui implique une rupture avec la logique du capitalisme. Prisonniers d'un cadre d'action à horizon trop rapproché, trop de socialistes considèrent pour acquis les fondements du capitalisme. La querelle imposée au sein de la famille socialiste, entre les « anciens » et les « modernes » ne doit pas structurer le débat qui s'engage. Les uns comme les autres restent trop attachés au dogme de la richesse productiviste et à l'idéologie du travail, éléments déterminants du fonctionnement du capitalisme. En refusant cette alternative, nous entendons créer les conditions d'un débat ouvert, seul capable de redonner du sens à notre engagement, de redonner du souffle à notre projet. Pour cela, nous sommes convaincus qu'il nous faut revenir aux sources mêmes de notre identité socialiste. Profondément humanistes, les socialistes n'ont
d'autre dessein que de permettre et d'assurer le bien être collectif. Parce que nous
refusons une société où la compétition et l'individualisme sont devenus la
règle, nous préférons mettre en avant le citoyen, comme maillon de la communauté humaine. Attachés au « bien vivre ensemble », nous devons faire en sorte que l'épanouissement individuel aille de pair avec l'épanouissement collectif. L'objectif de l'approfondissement du lien social doit donc être au cœur de notre projet de société.
C'est l'ambition que nous nous fixons. Or, notre société ne répond pas à cette
double exigence. Les considérations économiques ne trouvent plus de frontières
et la « rationalité économique » tend à régir une part toujours plus importante
de notre existence. Face à cela, nous optons de manière radicale pour un développement pluriel de nos sociétés, pour une mise en valeur du monde qui ne se réduise pas à la production et à la consommation. L'augmentation de la production et de la consommation ne saurait être considérée comme le seul indicateur de richesse pertinent d'une société. La société n'est pas une entreprise qui aurait simplement à reproduire chaque année un plus gros chiffre d'affaire. Rompons avec la conception d'une richesse dont l'unique
indicateur serait le PIB. Substituons à l'objectif de croissance celui de « développement ». La répartition des biens, des revenus, l'accroissement du niveau d'éducation, la capacité à maîtriser la violence, l'accès et la qualité des services publics, la vitalité de la vie sociale et démocratique, le niveau
de respect de l'environnement... sont les vrais indicateurs d'une société « riche ». De même, face à l'objectif de mondialisation, nous préférons construire ensemble un autre projet de « civilisation », un véritable projet de « développement universel ». Il doit permettre à chaque individu d'intégrer en société, de devenir un sujet autonome disposant des moyens, non seulement d'être indépendant financièrement mais aussi d'exercer son jugement, de participer aux choix communs, d'être
éclairé. Dessiner un projet de société ne nous libérons pas pour autant d'une réalité sociale très difficile. Nous affirmons également l'urgence de fixer comme objectif la
disparition de la précarité dans nos sociétés autour de 4 droits : droit à la revalorisation des rémunérations et prioritairement des bas salaires, droit au logement, droit à un revenu minimum tout au long de la vie, droit à une
activité reconnue.
Une société libérée de l'emprise du travail
Repenser notre rapport au travail
Si nous acceptons l'économie de marché, nous refusons de nous soumettre à la société de
marché. Si nous acceptons que le travail soit une dimension de notre vie, nous refusons qu'il la conditionne. Né avec le capitalisme, le travail dans sa conception actuelle a acquis une place prépondérante dans notre société, au point que certains ont pu dire que nous vivions dans une société fondée par le travail. Cette situation est le résultat du développement du capitalisme, marqué par la soumission de l'ensemble des sphères de la vie aux considérations économiques, aux principes de l'économie de marché. Il ne s'agit pas ici de remettre en cause le travail en soi, et de prôner, comme certains, sa « fin ». Ce n'est pas sa « fin » mais sa place qui est en cause. Nous devons nous interroger : le
travail doit-il être le seul lien social ? Est-il le meilleur lien social ?
Nous répondons clairement : non. S'interroger sur l'emprise du travail dans la vie des individus pourrait paraître indécent quand beaucoup en sont privés. Il faut néanmoins le faire car ses principes fondateurs sont des principes économiques de rentabilité et d'efficacité qui nient l'homme et son épanouissement. Le travail reste aliénant pour beaucoup d'hommes et de femmes. C'est pourquoi il est nécessaire de le remettre à sa juste place et de libérer la société de son empire. Dire cela, ce n'est pas dire que nous renonçons à lutter contre le chômage. Au contraire, nous devons affirmer
l'objectif du plein-emploi, car la sortie du chômage permet aussi de détendre notre rapport au travail. Le chômage n'est-il pas précisément ce moment où l'on prend conscience que « tout s'écroule », que notre vie entière est construite autour de cet unique lien social ? Par contre, nous refusons clairement de reconnaître ce que certains appellent la « société du travail » comme idéal de société. Une telle orientation scellerait notre renoncement à définir un nouveau modèle de société, en rupture avec celle que nous connaissons, marquée par la toute puissance de la sphère économique. C'est pourquoi nous militons pour la mise en place d'une société fondée sur une pluralité des modes d'accès à la reconnaissance sociale, seule garante de l'épanouissement de tous. Cette ambition nous conduit à repenser
notre système de protection sociale et à engager une véritable politique en
faveur du temps libéré.
Une protection sociale universelle
Hérité des compromis sociaux de la Libération, le système de protection sociale de notre pays repose sur le travail. Les différentes prestations sont pensées comme autant de revenus de
substitution aux revenus du travail. Il s'agit d'assurer autrement les 4 grands piliers de notre protection sociale (maladie, famille, vieillesse, chômage) qui peuvent entraîner l'arrêt provisoire ou définitif de l'activité professionnelle. Le financement des mécanismes de protection sociale est assuré par le prélèvement, sur les seuls revenus du
travail, de cotisations sociales. La solidarité ne s'opère qu'entre les travailleurs, à travers une forme de mutualisation des risques. Les droits sociaux doivent être attachés à l'individu et à ses besoins fondamentaux. Ils ne doivent pas être conditionnés à l'exercice
d'une activité professionnelle. Ils doivent être ouverts à tous dès la naissance. Notre système de protection sociale doit donc être radicalement réformé. Cela doit entraîner une évolution des modalités de
financement de notre système de protection sociale.
Ainsi, nous souhaitons que le financement par l'impôt se substitue au financement par
les cotisations sociales. Dans cette optique, la gestion des organismes de
protection sociale doit être totalement réorganisée. Nous plaidons pour que
celle-ci soit conjointement assumée par le Parlement et un organe représentatif
de la société civile, au sens large. Dans le domaine de la santé, Le versement
de compléments au travers des mutuelles, principe généreux lors de sa mise en
place, est aujourd'hui le reflet de l'inégalité des citoyens devant l'accès aux
soins. Les remboursements doivent prendre en compte l'intégralité des soins requis, et non plus être limités à un quelconque plafond. Nous proposons la suppression du système des complémentaires santé et le remboursement intégral des soins via un régime unique quelle que soit la catégorie sociale ou professionnelle.
De même, le versement et le montant de la retraite ne doivent pas dépendre exclusivement de l'exercice d'une activité professionnelle.D'autres éléments tels que l'exercice de fonctions sociales utiles à l'ensemble de la société doivent être pris en compte. Enfin, le minimum vieillesse ne peut être inférieur au SMIC.
Une nouvelle politique de réduction du temps de travail Un nouveau rapport au temps
Nous devons nous libérer de l'emprise « morale et sociale » du travail. Nous devons également combattre son emprise temporelle et réfléchir à la question du temps. La réduction du temps de travail peut être un levier de création d'emplois ou de réorganisation du travail au sein de l'entreprise. Elle doit avant tout être un formidable outil de transformation des modes de vie. Elle libère du temps que l'on peut consacrer aux autres, à sa famille, à ses amis, à la société, à soi-même. Elle est un facteur d'épanouissement individuel en même temps qu'elle cultive le lien social. A ce titre, nous regrettons que la mise en œuvre des 35 heures n'ait pas été pensée aussi dans cette perspective. Nous ne faisons pas partie de ceux qui crient haro sur les 35 heures. La réduction du temps de travail peut être une chance pour chacun d'entre nous, et pas seulement, pour les
salariés les plus aisés. Aussi, nous considérons que l'objectif de temps libéré
doit être poursuivi et réaffirmé. Pour cela, nous militons pour la mise en place de la semaine de quatre jours et pour une nouvelle diminution de la durée légale, sans perte
de salaire et accompagnée d'une revalorisation des bas salaires. Nous nous prononçons pour une diminution de la durée légale du travail à 32 heures. Dans le même temps, nous devons envisager de nouvelles formes de réduction du temps de travail, conçues sur l'ensemble de la vie. Cela pourrait se traduire par la mise en œuvre d'un crédit-temps. Par ce biais, chaque travailleur se verrait reconnaître le droit de cesser momentanément son activité professionnelle pour mener un projet hors de la sphère du travail. Un tel dispositif permet de repenser la place du temps de travail dans les temps de la vie. Le temps libéré ouvre de nombreuses perspectives. Mais si l'on n'y prend pas garde, il peut
être un nouveau facteur d'inégalité sociale entre, d'un côté, ceux qui pourraient mettre à profit ce temps libéré et, de l'autre, ceux qui seraient condamnés à le perdre. Le temps libéré ne doit pas être le temps des seules classes supérieures. Au contraire, il doit donner à chacun la chance d'accéder à la culture, aux loisirs, aux sports. Il ne s'agit bien évidemment pas de décréter quel est le bon usage du temps libéré. Chacun doit pouvoir user de son temps comme il l'entend. Il n'est pas interdit de ne rien faire. Mais cette liberté de choix doit être la même pour tous. Cela suppose des politiques d'accompagnement culturel, d'éducation, de loisirs et de jeunesse véritablement volontaristes. Notre conception de la richesse nous amène à remettre en cause le système capitaliste fondé exclusivement sur l'activité de production. Il faut repenser le lien social comme un élément fondateur de notre "vivre ensemble". Nous devons promouvoir des liens sociaux renouvelés, diversifiés qui fondent notre idéal de justice et de solidarité.
Des liens sociaux renforcés et diversifiés... pour
de nouvelles solidarités
Les solidarités dans l'entreprise et le monde du travail |