Régionales 2004 : Rhône-Alpes
Une volonté de changement et de signes forts

Jean-Jack Queyranne


Entretien avec Jean-Jack Queyranne, député du Rhône, paru dans l'hebdomadaire Lyon Capitale daté du 31 mars 2004
propos recueillis par Philippe Chaslot et Raphaël Ruffier
 

Vous avez été trois fois ministre ; cette victoire régionale représente-t-elle quelque chose d’important dans votre carrière ?
Oui, c’est important d’obtenir directement la confiance de plus d’un million d’électeurs. La participation a été encore en hausse en ce second tour : près de 65 %, soit une progression de plus de 4 points. Ce nouveau scrutin donne à la région une autre dimension. C’est un moment fort pour moi. Je mesure aussi le poids des responsabilités. C’est passionnant parce que les régions arrivent à l’âge adulte.

Quand avez-vous commencé à y croire ?
Fermement, une semaine avant le 1er tour. Mais j’ai toujours pensé qu’on avait notre chance. Je crois aussi que les Rhônalpins ont apprécié la position que j’avais prise en 1998-1999 face à Millon : avoir fait passer les intérêts de la région avant des ambitions partisanes ou personnelles. Et puis la droite n’a pas su se positionner.

Quelle erreur stratégique à commis Anne-Marie Comparini ?
Elle est entrée dans la campagne avec une image positive. Cette image s’est dégradée parce que, dans la constitution de ses listes, elle a joué à contre-sens de ce qu’elle avait fait depuis 5 ans. Dans la campagne, madame Comparini ne s’est jamais positionnée par rapport au Front. Or c’était sa raison d’être ! Enfin, elle a surestimé son bilan. Au lieu de dire : “ J’étais dans une situation politique difficile, tout n’a pas pu être fait ”, elle s’est enfermée dans un discours, convaincue que son bilan était bon. Ça n’a pas tenu la route. Cette triple erreur de positionnement a accentué, en Rhône-Alpes, le mouvement national.

Qu’est-ce que cette campagne vous a appris ?
Il y a une formidable attente d’un retour au politique. Mais d’une façon plus participative. Les gens sont plus à la recherche de sens et de valeurs que d’un catalogue de mesures. Ce retour au politique a été pris en compte par la presse écrite mais pas du tout par la télévision nationale. La couverture de ces régionales par TF1 et F2 n’a pas été digne de ce qu’elles représentaient. Mais ça n’a pas empêché les gens de s’y retrouver ce qui prouve que les citoyens gardent leur autonomie de jugement !

Le basculement de Rhône-Alpes dans le camp de la gauche est historique et rappelle celui de Paris et de Lyon. Allez-vous, comme Delanoë, envoyer des signes de changement ou au contraire, comme Collomb, jouer sur la continuité ?
Les régionales ne sont pas la même chose que les municipales. Le territoire est vaste, les attentes sont multiples. Mais il faut faire exister la région différemment. Nous ne jouerons pas la continuité, il y a une volonté de changement et de signes forts, notamment sur la façon de gérer. Je souhaite la mise en œuvre de budgets participatifs et la mise en place d’antennes décentralisées : il faut sortir la Région de Charbonnières-les-Bains !

Quel type de président voulez-vous être ?
Je ne crois pas au management autoritaire. Je suis plutôt un homme de synthèse qui délègue et qui fait confiance. Je veux être un président qui anime une équipe, qui incarne une image de Rhône-Alpes, plus présente sur le plan national et européen. Pas pour aller se balader… Mais pour parler au bon moment sur les dossiers importants comme le Lyon-Turin.

Dans nos colonnes, vous avez brocardé la bureaucratie qui selon vous s’installait à la Région sous Comparini…
Cette bureaucratie s’est renforcée parce que l’exécutif était faible. Les politiques doivent assumer leurs rôles sans prendre la place des fonctionnaires non plus.

Oui ou non, votre mandat sera-t-il enfin celui d’une identité rhônalpine plus réelle ?
Cette identité se construira. Il y a une attente dans tous les milieux. J’ai rencontré des viticulteurs rhônalpins qui regrettent de ne pouvoir bénéficier d’un label, de promotions ou de démarches communes comme les crus de Bourgogne. Pourquoi n’y a-t-il pas non plus d’identité autour des festivals rhônalpins comme il y en a une en PACA ? On peut aussi imaginer, à moyen terme, une “ université Rhône-Alpes ” avec différents pôles comme il y a une université de Californie. On n’y est pas encore ! L’identité de Rhône-Alpes qui n’est pas basée sur l’histoire ne peut pas se décréter de façon artificielle. Elle ne se fera pas au forceps ! Mais elle va progresser.

Très vite quelles sont les mesures que vous allez prendre ?
Nous serons très vite au boulot ! Dès le mois de mai, nous réunirons une conférence sociale avec les partenaires sociaux qui sont disposés à le faire, afin de définir un cadre de travail. Il faut inventer de nouvelles solutions en Rhône-Alpes. Mais je ne crois pas aux formules magiques ! La gratuité des livres scolaires, c’est pour la rentrée. En terme d’énergies renouvelables, nous mettrons aussi le paquet sur le solaire et nous ferons un plan de gestion des ressources en eau, c’est indispensable.

Vous avez promis de doubler le budget de la culture. Pour quoi faire ?
Il y a des projets à soutenir sur les musiques actuelles, sur le spectacle vivant et la culture scientifique et technique. Les festivals ont des problèmes. Le coup de pouce de la Région doit intervenir. Les milieux culturels veulent surtout un pouvoir politique réceptif, attentif, efficace. Il y a une formidable attente. Et c’est pourquoi nous allons organiser un forum permanent de la culture.

Pour la gauche ces élections sont une sorte de “ divine surprise ”. En quoi est-ce l’étape d’une reconquête nationale ?
Le PS et la gauche ont encore beaucoup de travail devant eux. La période du désamour est passée, l’espérance est à nouveau à gauche. Mais il faut définir un projet et nous n’en sommes pas encore là. C’est à la gauche et au PS de se définir. On sent bien qu’il y a besoin de nouvelles synthèses entre l’individuel et le collectif. Et aussi entre le courant socialiste et le courant écologiste. Nous devons réaliser cette double synthèse.

Les régions font renaître la gauche plurielle ?
D’une certaine façon, oui. Mais la gauche plurielle n’a pas si mal fonctionné. Le problème c’est qu’elle reposait sur un accord national de gouvernement et sur des désistements locaux, c’est tout. À présent, il va y avoir la gestion de régions en commun, sur le terrain.

Êtes-vous un indécrottable jospinien ?
Mon parcours est différent. Il commence ici, pas à Paris. J’ai un rapport aux gens et au territoire. Je suis de cette culture qui prend ancrage dans une région. Mais il y a dans ce vote d’une certaine façon une réhabilitation de Jospin.

Jospin pourrait-il revenir au premier plan ? Comment vous situez-vous par rapport aux prétendants Fabius et DSK ?
Il faudrait des circonstances exceptionnelles pour qu’ils reviennent. Je mets en garde ceux qui feraient trois années de campagne pré-présidentielle. Les Français n’attendent pas l’homme ou la femme providentiels. Ils veulent des idées neuves.

Qu’attendez-vous de vos vice-présidents ?
Qu‘ils soient sur le terrain, qu’ils aient beaucoup de temps à consacrer à la région pour incarner notre volonté de changement.



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