Régionales 2004 : Rhône-Alpes
La Région mérite mieux pour l’avenir, il faut un nouveau souffle

Jean-Jack Queyranne


Entretien avec Jean-Jack Queyranne, député du Rhône, paru dans l'hebdomadaire Lyon Capitale daté du 19 novembre 2003
propos recueillis par Philippe Chaslot
 

Vous voilà de nouveau tête de liste du PS pour les régionales, qu’est-ce qui vous permet de penser que cette fois-ci sera la bonne ?
La dernière fois en 98, nous avions gagné en voix sur l’ensemble de la région face au président sortant Charles Millon, avec 8 000 voix d’avance. On sait comment Millon a joué avec le FN pour conserver sa présidence. Ce scrutin aura une double dimension. Nationale, parce que beaucoup de Français veulent exprimer leur mécontentement par rapport au gouvernement dont M. Gaymard, tête de liste UMP, est un des principaux ministres. Régionale, parce que les Rhônalpins veulent que la Région fonctionne mieux et sorte de l’apathie qui a marqué ces cinq dernières années avec la gestion à petite vitesse de Mme Comparini. La gauche représente cette double alternance.

Vous ne conduisez plus une liste de gauche plurielle, les Verts ayant choisi de partir au 1er tour avec une liste autonome. Cet éclatement de la gauche plurielle ne souligne-il pas des divergences importantes sur le nucléaire et la politique routière ?
Je ne perds pas espoir de rassembler toute la gauche. Chacune de ses composantes se doit de privilégier l’intérêt commun plutôt qu’une comptabilité partisane. En ce qui concerne les Verts, il y a bien sûr des divergences sur le projet de société, mais, quant à l’orientation de la Région, je n’ai pas senti, ni au cours de ces dernières années ni dans les dernières déclarations de M. Leras à votre journal, d’oppositions irréductibles. Bien au contraire, il me semble que nous convergeons pour développer les transports en commun et promouvoir les énergies alternatives. Partir sur deux listes séparées, c’est un risque d’affaiblissement pour la gauche. C’est rester sur son quant-à-soi et oublier les deux adversaires que nous avons à affronter : la droite qui - au-delà des simagrées actuelles - sera probablement unie derrière le tandem Comparini/Gaymard, et le FN, qui lors des dernières élections régionales et présidentielles représentait 20 % en Rhône-Alpes.

Vous oubliez votre troisième adversaire, constitué par LO et la LCR. Une extrême-gauche qui vous refuse déjà son soutien au 2e tour…
LO et la LCR se mettent hors du champ régional. L’opération “ Arlette et le postier ”, montée par Krivine, relève de la manipulation dans la tradition trotskiste. Les électeurs tentés par l’extrême-gauche parce qu’ils sont révoltés par les injustices et par une mondialisation impitoyable se rendront compte qu’il ne s’agit, à travers une opération électoraliste, que de renforcer des appareils sectaires.

Démonter cette “manipulation” ne suffira pas à vous rendre attractifs. Vous serez sans amenés à vous engager sur du concret…
C’est exact, et notre attractivité doit venir de notre programme. Notre priorité sera l’emploi. Je proposerai la création d’un contrat de retour à l’emploi qui pourrait concerner 25 000 personnes. Voilà du concret. Nous ferons aussi du ferroviaire une priorité. Si la régionalisation des TER a été engagée, il y a beaucoup d’insatisfaction. Wagons surchargés, matériel obsolète, parkings encombrés, horaires non respectés. Je proposerais une charte qualité. Autre axe important, celui de la formation professionnelle. La chambre régionale des comptes vient de constater que 21 mois de crédits régionaux n’ont pas été utilisés. Pourquoi ? Parce que le système est trop centralisé, trop bureaucratique. Je proposerai donc que les crédits soient délégués au niveau de chaque bassin d’emploi, avec un conseil d’orientation formé par les partenaires sociaux. Ce sera une forme concrète et nouvelle de budget participatif, dans l’esprit d’une vraie participation citoyenne.

N’est-il pas paradoxal qu’en tant que socialiste, vous dénonciez le centralisme bureaucratique de la Région Rhône-Alpes ?
(Rires) Je ne me suis jamais reconnu dans cette doctrine ! Je crois à l’implication des personnes. La tendance est vraiment trop lourde en Rhône-Alpes de reproduire le centralisme parisien à Charbonnières.

Le bilan d’Anne-Marie Comparini est sévèrement critiqué, à droite et à gauche, par les élus régionaux. N’est-ce pas un peu injuste, alors que sa position politique était délicate et que droite et gauche ont participé de ce bilan ?
Mme Comparini a été élue dans les circonstances que l’on connaît, avec de faibles soutiens dans son camp. Trop souvent ses amis d’aujourd’hui ont cherché à bloquer ses projets au conseil régional. La censure de l’affiche du festival de Vienne il y a un an, lancée par l’extrême-droite et relayée par l’UMP, en est une illustration. La gauche a souvent permis à la Région de fonctionner, mais beaucoup de nos projets ont été édulcorés ou tronqués, comme la gratuité des livres scolaires qui n’est pas réalisée, ou le projet d’une carte orange unique, etc. Le bilan de Comparini est modeste, la Région mérite mieux pour l’avenir, il faut un nouveau souffle.

Comment interprétez-vous un certain raidissement d’Anne-Marie Comparini vis-à-vis de la presse, et son retranchement derrière un “ apolitisme ” affiché ?
Mme Comparini doit bien sûr assumer son bilan et répondre aux critiques, c’est la règle en démocratie. Elle ne saurait faire oublier non plus qu’elle est parlementaire UDF et qu’à ce titre, elle a voté les projets les plus libéraux du gouvernement Raffarin. On ne peut se présenter en gestionnaire apolitique à Charbonnières et en parlementaire engagée à droite à Paris.

Votre campagne régionale de 98 n’avait pas “ cassé des barres ”. Quelles leçons en tirez-vous pour la campagne qui s’ouvre ?
En 98, il s’agissait de 8 campagnes départementales. Mon rôle avait été de rassembler la gauche qui était éclatée en listes rivales en 92 et de donner une impulsion qui nous a permis de dépasser monsieur Millon - président sortant avec un bilan non négligeable et qui n’était pas à l’époque engagé sur le chemin d’un accord avec le FN. La campagne qui s’ouvre aura une dimension régionale plus affirmée. On ne votera plus département par département mais pour une liste unique, comme on le fait dans les Länder allemands.

Dans la crainte d’un élargissement de l’Europe qui provoquerait sa paralysie, des responsables allemands et français planchent sur un scénario d’union extrêmement poussé entre les deux pays. Est-ce que cela vous paraît réaliste et souhaitable et quelle déclinaison pourrait-on imaginer au niveau des régions ?
J’ai participé en tant que ministre, à de nombreux conseils européens : chaque fois que la France et l’Allemagne étaient d’accord, l’Europe avançait. Raison de plus pour renforcer les politiques communes. Pourquoi pas une union ? MM. Raffarin et Schroeder viennent de réunir les présidents des Régions françaises et des Länder allemands. Mais tout cela reste trop formel, comme nos coopérations avec le Bade-Wurtemberg. Pour les Régions, les frontières n’ont plus de sens.



Entretien reproduit avec l'aimable autorisation de
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