Invoquer l'identité socialiste me semble dangereux

Paul Quilès
Intervention de Paul Quilès, député du Tarn, lors du conseil national du parti socialiste, le 9 octobre 2004.


 
Parmi les arguments échangés, celui qui consiste à invoquer l’identité socialiste me semble dangereux. D’abord c’est prendre le risque de diviser les socialistes de façon durable. C’est de plus faire une analyse incomplète et même inexacte de ce qui fait l’identité socialiste.

Celle-ci est définie par nos statuts, mais surtout par notre projet, par nos congrès et elle est précisée dans l’intervalle par nos conseils nationaux.

S’agissant de l’Europe, il n’y a pas, contrairement à ce que j’ai lu et entendu, 2 identités socialistes, la bonne et la mauvaise. L’Europe que veulent les socialistes, celle que nous avons si bien décrite aux dernières élections européennes est clairement explicitée dans des textes qui nous engagent devant nos militants et devant les Français. Par exemple, dans la motion A du Congrès de Dijon, qui prévenait :" le texte sur lequel les militants auront voté majoritairement devra être scrupuleusement appliqué. Il engagera tous ceux qui l'auront porté ".

Cette motion disait :
    “ L’Europe est devant des choix essentiels qui correspondent à un clivage politique majeur. Que veut-on ? Un espace de solidarité et non une zone de libre-échange. Une Europe des citoyens et non une Europe des seuls Etats. Une Europe puissante et non une Europe alignée sur les Etats-Unis (…)

    Les socialistes, qui auraient dû prendre leurs responsabilités, lorsqu’ils étaient en situation de contrôler onze gouvernements sur les quinze de l’Union doivent saisir l’occasion de la “ Convention Européenne ” pour promouvoir l’Europe de leurs valeurs. Ce qui veut dire aujourd’hui, pour nous, avancer notre propre idée de l’Europe (…)

    Il faut aller jusqu’au bout de la logique fédérale (…). Ce qui signifie que les décisions à la majorité deviendront la règle dans tous les domaines et qu’aucun Etat ne pourra plus, par le jeu de l’unanimité, bloquer le processus. C’est la seule façon de faire progresser l’Europe (…), qui ne peut plus continuer à fonctionner sur la seule logique de la concurrence
     ”.

Nous avons espéré que la Convention prendrait en considération nos exigences, fixées par le conseil national du 10 octobre 2003 et que je rappelle :
     “ Des mesures d’harmonisation de la fiscalité, de transparence, de taxation des mouvements de capitaux et de lutte contre l’évasion fiscale doivent pouvoir être adoptées à la majorité qualifiée.

    Ce doit être aussi le cas en matière sociale, si nous voulons que l’Europe soit un espace de progrès économique et social plus performant et plus juste.

    Les critères de l’emploi et de la croissance doivent être introduits pour guider les interventions de la Commission et de la Banque Centrale Européenne.

    L’Europe doit être dotée d’un gouvernement économique, disposant d’un budget suffisant et d’un impôt, pouvoir recourir à l’emprunt pour financer des grands travaux d’intérêt européen, la recherche, l’innovation, et garantir la cohésion sociale et territoriale ”.

     “ La majorité qualifiée doit aussi devenir la règle pour la politique extérieure et de sécurité commune, l’unanimité étant l’exception. C’est souhaitable pour donner de la force à l’action du futur ministre des affaires étrangères de l’Union, et permettre à l’Europe de peser sur la scène internationale ”.

     " Les mécanismes de coopération renforcée entre les Etats membres doivent être assouplis, afin de permettre à un groupe de pays volontaires de se constituer”.

     " Les révisions futures de la Constitution doivent pouvoir être adoptées à la majorité qualifiée ; c’est nécessaire, si nous voulons éviter que la future Constitution ne soit la règle définitive et intangible de l’Europe".
Aucune de ces exigences n’a été satisfaite, à notre désespoir, car nous avions dit : « les socialistes n’accepteront aucun recul sur les éléments acquis à la Convention et souhaitent que la CIG permette des progrès supplémentaires ».

Nous avons alors demandé (avant les élections européennes) que « la nouvelle phase du débat soit utilisée pour l’emploi et à des garanties renforcées pour les services d’intérêt général » et nous ajoutions : « il est décisif que les modalités de révision de la Constitution distinguent les matières constitutionnelles, pour lesquelles il faut faire prévaloir durée et stabilité, des politiques de l’Union, pour lesquelles une procédure allégée, de décision à la majorité qualifiée, est indispensable. La Constitution ne peut figer dans le marbre toute évolution future et interdire toute politique alternative”. (Conseil National du 17 avril 2004)

On le sait, rien de tout cela n’a été obtenu à la CIG du 18 juin, qui a, de plus, fortement dégradé le projet de la Convention. Exemples :
     l’introduction par les Britanniques d’une « clause de sauvegarde », qui risque de réduire à néant la portée de la Charte des droits fondamentaux.

     le relèvement du double seuil de la majorité qualifiée, qui rend plus difficile la prise de décision.

     la suppression des avancées en matière fiscale. Même la disposition prévoyant une majorité qualifiée pour les questions touchant à la fraude fiscale et à l'évasion fiscale illégale a été supprimée !

     la promotion de la " stabilité des prix " dans les objectifs de l'Union, avant même l’objectif du plein-emploi ! Si les socialistes votent ce texte, comment pourront-ils plaider en 2007 pour un infléchissement de la politique monétaire dans un sens plus favorable pour l’emploi ?

     l’unanimité requise pour l’adoption des perspectives financières de l’Union européenne, ce qui constitue un recul par rapport au traité de Nice.
Cette situation négative rend l’approbation du projet de constitution très difficile, puisque nous avions prévenu que « c’est en fonction des résultats de la CIG que les socialistes, consultés par referendum interne, se prononceront sur la Constitution européenne » (Conseil national du 10 octobre 2003).

Alors, qui respecte l’identité du PS : ceux qui restent fidèles à ses engagements, ou ceux qui les oublient ? Je n’utiliserai pas pour ma part cet argument, conscient de la nécessité de rassembler les socialistes après ce débat, dont je rappelle qu’il porte sur les moyens de la construction européenne.

Je suggère donc d'abandonner ce mauvais argument de l’identité du PS, et surtout n’oublions pas que nous avons clairement défini les valeurs et les objectifs des socialistes, qui ne doivent en aucun cas être une cause de division entre nous.

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