Retrait de la Commission Barroso :
C'est une
grande victoire

Michel Rocard



Entretien avec Michel Rocard, député européen, paru sur le site du Nouvel Observateur le mercredi 27 octobre 2004
Propos recueillis par Benjamin Cherrière
 

Le retrait de la Commission Barroso était inattendu. Quelles en sont les conséquences pour l'Europe et pour la Parlement européen ?
Le retrait était effectivement inattendu, mais le principe que le vote serait perdu n'a été assuré qu'hier soir [mardi soir, ndlr]. C'est une grande victoire pour la démocratie, une grande victoire pour la construction européenne. La Commission proposée par monsieur Barroso était composé de personnalités discutables, et la Parlement a marqué son opposition. Grâce à cet événement, le parlement se place comme un organe important de l'Europe. C'est un événement fondateur pour la démocratie européenne. Mais il n'y a aucune crise, la Commission de monsieur Prodi est prolongée de quelques semaines afin que monsieur Barroso recompose une Commission, mais cette prolongation n'est pas très grave. La Commission de monsieur Delors avait elle aussi été prolongée, de 4 mois, il y a quelques années.

Quelles sont les raisons qui ont poussé les députés européens à s'affirmer contre la proposition de Commission de monsieur Barroso ?
Il y a deux raisons qui expliquent l'irritation des parlementaires vis-à-vis de la Commission Barroso : des raisons techniques et de compétences pour deux commissaires, dont celui destiné à s'occuper de l'agriculture, et des raisons d'éthique pour deux autres. Il s'agissait de la commissaire néerlandaise destinée au poste très important de commissaire à la concurrence. Cette dame, sans remettre le moins du monde en cause ses compétences, est membre du conseil d'administration d'une douzaine de sociétés internationales, et il semblait difficile pour elle d'être juge dans certains dossiers. Même si monsieur Barroso avait assuré qu'il s'occuperait personnellement des dossiers posant problème. L'autre commissaire posant problème pour des raisons d'éthique est l'italien Rocco Buttiglione, un catholique fervent, ce qui est parfaitement son droit, mais dont les déclarations sur l'homosexualité et sur le rôle de la femme, semblent difficilement compatibles avec le rôle de commissaire à la Justice, la Liberté et la Sécurité qui lui était destiné.

De plus l'attitude de monsieur Buttiglione et de monsieur Barroso vis-à-vis du parlement européen était très méprisante, notamment lorsque monsieur Barroso a affirmé qu'un vote contre sa proposition de Commission serait un vote eurosceptique.

Quelle est aujourd'hui la marge de manœuvre de la gauche, minoritaire au sein du Parlement européen ?
La gauche est assez grande pour se débrouiller, et elle l'a encore prouvé puisqu'elle a réussi, avec l'appui d'autres groupes parlementaires, à faire plier monsieur Barroso. D'ailleurs dans ce cas précis c'est plutôt la commissaire néerlandaise qui a choqué une partie des députés libéraux et qui les a poussés à s'affirmer contre la proposition de monsieur Barroso, que les déclarations de monsieur Buttiglione.

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