Traité constitutionnel : | |
Entretien accordé par Michel Rocard, ancien premier ministre, député européen, au quotidien Le Monde daté du 10 juillet 2004. Propos recueillis par Isabelle Mandraud |
Avec un peu de recul, comment avez-vous vécu votre victoire, et celle du PS, aux élections européennes ?En effet, si l'on agglomère PACA avec la Corse et Rhône-Alpes, compte tenu de l'influence du FN et d'un certain affaissement d'une tradition social-démocrate, nous étions au-dessous de la moyenne nationale du PS. Or nous sommes parvenus exactement au niveau national. C'est une progression historique. Je ne sais pas si elle se confirmera. Au-delà du sentiment de colère des Français vis-à-vis de Jacques Chirac et de son gouvernement, je crois que la campagne a donné une aura forte au PS. Vous voulez dire que le vote-sanction, additionné au thème de l'Europe sociale, a bien fonctionné ?Jacques Delors avait critiqué le choix des socialistes français de concentrer leur campagne sur l'Europe sociale. A-t-il eu tort ?Que répondez-vous à ceux qui, au PS, rejettent le projet de Constitution européenne ou qui émettent des doutes, comme Laurent Fabius ?En campagne, vous évoquiez un " bain de jouvence ". Mais, dans Les Carnets de la psychanalyse (" Gouverner, éduquer, psychanalyser, trois métiers impossibles ", no 15/16, juin 2004), vous tenez des propos désabusés sur l'exercice du pouvoir. Comment expliquez-vous cette contradiction ?Or la communauté des économistes ne nous a pas fourni un nombre d'outils suffisant. Dans cette période 1970-2000, on a aggravé la dérive en se dogmatisant au profit de l'ultralibéralisme et du monétarisme, doctrines économiques de la perfection des marchés pour qui le chômage est un solde malheureux, mais pas du tout une priorité. Il existe, aussi, une dérive médiatique que la presse n'a pas su ou voulu corriger. C'est la télévision qui choisit les sujets, fixe les priorités sur le mode de la dramatisation. Le système est devenu totalitaire et ne diffuse que des visions unanimisantes. Cette situation entraîne un certain nombre de conséquences, dont la disparition du " temps long " dont ont justement besoin les politiques, qui se trouvent aujourd'hui dans l'impossibilité croissante d'expliquer ce qu'ils font. J'ai découvert ça un peu tard, me direz-vous. Mais, j'aurais 30 ans aujourd'hui, je me poserais des questions... Pour ce qui concerne la France, partagez-vous le sentiment dominant au PS qu'il faut un changement des institutions ? |
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