L'Europe montre la voie

Yvette Roudy


Point de vue signé par Yvette Roudy, ancienne ministre aux droits des femmes, députée-maire de Lisieux, présidente de la commission des droits des femmes au Conseil de l'Europe, paru dans le quotidien Libération daté du lundi 28 juin 1999


 
Une chose est certaine: il était devenu insupportable pour les représentants de la France, berceau des droits de l'homme, de s'asseoir à la table des grands et de défendre les principes de notre démocratie tout en s'affichant parmi les derniers de la classe européenne en matière de représentation féminine en politique avec 10,9 %. Le vote de ce lundi constitue donc une avancée, un progrès qu'il a fallu arracher, mais c'est un tout petit pas et le gouvernement doit absolument le confirmer. Il peut dans ce domaine s'inspirer des « recommandations » de l'Europe.

Ainsi, mardi dernier, lors d'un débat qui eut lieu à Strasbourg, le Conseil de l'Europe a fixé à 30 % le seuil critique au-delà duquel le poids des femmes, leur culture, leur vision des choses, peut commencer à peser vraiment sur les décisions. Seuls la Suède (42 %), le Danemark (37,5 %), la Norvège (36,4%), les Pays-Bas (36 %) et l'Allemagne depuis peu (30,9 %) ont atteint ce chiffre.

Le thème de la parité est venu de l'Europe, de la charte d'Athènes, adoptée en 1992. La France y faisait pâle figure. Depuis, pressés par les institutions européennes, de nombreux pays ont fait de sérieux efforts pour rattraper leur retard : l'Autriche (26,2 %), l'Espagne (24 %), le Luxembourg (20 %), la Grande-Bretagne (18 %)

La France doit la faible progression (+4 %) du nombre de ses femmes parlementaires aux seuls efforts du Parti socialiste en juin 1997, qui a triplé sa représentation féminine à l'Assemblée nationale.

Saurons-nous lundi soir ce que le gouvernement compte adopter comme méthode pour nous sortir de ce rang peu glorieux ? Les recommandations ne manquent pas, qu'elles viennent de l'Europe ou de l'ONU, de la convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ou encore de la Conférence interministérielle européenne sur l'égalité entre les femmes et les hommes comme critère fondamental de la démocratie (1997)

Mardi dernier, le Conseil de l'Europe a avancé un certain nombre de recommandations: l'instauration de la parité au sein des partis, le calcul de leur financement en fonction de leurs efforts de féminisation, une loi mettant en place un système d'éducation paritaire, la création de commissions ou de délégations parlementaires aux droits des femmes, la création d'une structure publique chargée de l'égalité des chances et d'un système de statistiques permettant de suivre l'évolution de la parité, des campagnes d'information permettant de faire évoluer les mentalités...

Pour ma part, j'avais proposé dès l'automne 1997 de prévoir une sanction financière pour tout parti qui ne ferait pas d'efforts de féminisation et ne s'engagerait pas à assurer la parité dans la décennie. Enfin, pour la proportionnelle, on peut également prévoir la parité tout de suite: faute de quoi les listes seraient refusées.

Ce ne sont pas les idées ni les exemples qui manquent en Europe depuis vingt ans. C'est la volonté politique de nos dirigeants qui fait défaut.
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