Revoir la loi sur l'IVG

Yvette Roudy


Point de vue signé par Yvette Roudy, ancienne ministre aux droits des femmes, députée-maire de Lisieux, paru dans le quotidien Libération daté du mercredi 5 juillet 2000


 
Au moment où le Conseil d'État décide d'abroger la décision de Ségolène Royal, ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance, autorisant les infirmières scolaires à prescrire la pilule du lendemain aux élèves des collèges et lycées, la presse nous apprend que Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, reviendrait sur sa décision d'élargir la possibilité de recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) aux femmes enceintes jusqu'à 12 semaines.

Lors du colloque organisé par la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale le 30 mai 2000, il est clairement ressorti qu'il était urgent de modifier la loi relative à la contraception et à l'IVG, notamment sur quatre points essentiels :

 L'information sur la contraception doit devenir permanente. En particulier à l'égard des très jeunes filles, qui se retrouvent de plus en plus fréquemment enceintes, faute d'avoir trouvé à leurs côtés les conseils et l'assistance auxquels elles ont droit. La campagne de sensibilisation du gouvernement s'est avérée trop brève et trop discrète pour permettre la diminution du nombre de grossesses précoces.

Aussi longtemps que la contraception ne sera pas intégrée à notre culture et dans nos écoles, nous aurons à déplorer encore trop d'interventions volontaires de grossesse.  Par ailleurs, les délais légaux d'accession à l'IVG, il faut le rappeler, sont en France parmi les plus courts de ceux que l'on observe en Europe.

Contrairement à ce qu'a affirmé le professeur Nisand, qui reprend aujourd'hui d'anciennes positions du corps médical que nous connaissons trop bien, la proposition d'allongement des délais ne présente aucun risque au regard d'un quelconque abus de la part des femmes. Pour une femme, mettre un terme à une grossesse est toujours une décision particulièrement douloureuse. Les femmes sont adultes et responsables. Elles sont capables de prendre une décision qui concerne leur corps.

Cela leur a d'ailleurs été reconnu par la loi Veil de 1975 qui précise que, pour ce qui concerne l'IVG, la décision revient en dernier ressort à la femme, et non au corps médical.

 En outre, l'autorisation parentale obligatoire pour qu'une mineure puisse accéder à l'IVG n'est plus opportune aujourd'hui, dès l'instant que la jeune fille n'a pas trouvé auprès de ses parents le soutien que le législateur de 1975 pensait qu'elle rencontrerait. Cette obligation peut être remplacée par l'intervention d'un adulte référent choisi par l'adolescente.

 Enfin, l'avortement ne doit plus figurer dans le code pénal. Les femmes qui ont recours à l'IVG ne sont pas des criminelles, contrairement à ce que pensait le législateur de 1920. Ce sont des êtres humains en détresse. Il n'est pas convenable de maintenir cet acte dans le code pénal. Nous devons l'intégrer dans le code de la santé publique.

Plusieurs députées ont aujourd'hui pris la décision de déposer un texte de loi allant dans le sens de ces propositions. Elles sont certaines de répondre ainsi à l'attente d'une opinion féminine qui comprend de moins en moins les atermoiements du gouvernement, d'autant qu'il existe au Parlement une majorité prête à voter un tel texte.
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