Un parfum d'Epinay
flotte sur le PS

Yvette Roudy

 Point de vue d'Yvette Roudy, ancienne ministre au Droit des Femmes.
4 avril 2003

 
Les socialistes sont entrés en conclave. Ils préparent leur Congrès loin des regards indiscrets. Ils se réunissent chaque soir en des lieux fermés, où ils présentent tour à tour leurs motions selon un rituel soigneusement élaboré. Plus tard ils voteront à bulletins secrets. Puis ils se réuniront à Dijon avec solennité et de la fumée blanche sortira le nouveau premier secrétaire.

" Qu'est ce qu'un Congrès ? " s'interrogeait un Mitterrand très en forme à Epinay. " Si c'est une fête ça me plait. Si c'est une cérémonie, c'est déjà ennuyeux. Si c'est un rite, ça se gâte. "

Epinay ce fut tout cela et bien d'autres choses encore. Ce fut le début de la grande aventure Mitterrandienne et c'est un vrai bonheur de pouvoir se dire " j'y étais ".

Aujourd'hui, pour les socialistes, après le séisme du 21 avril, c'est l'occasion de tirer les leçons de notre échec et de s'interroger sur notre avenir.

Premier choc de taille. Les inégalités se sont accrues. Et nous avons perdu le peuple de Gauche. En 1988, François Mitterrand recueillait les voix de 44 % des ouvriers et de 39 % des employés. En 2002, nous avons recueilli 13 % des voix des ouvriers et 12 % des voix des employés.

Comment avons nous fait pour en arriver là ?

En 1981, nous étions partis pleins d'enthousiasme et d'ardeur, sûrs de nous, ne doutant de rien. Nous étions forts de nos 110 propositions dont certains ricanaient. Mais elles étaient notre feuille de route. Nous l'avions longuement discutée de haut en bas du parti pendant des années. Nous l'avions confrontée dans des rencontres avec le groupe de nos amis Suédois d'Olaf Palme. Nous nous sentions prêts. Nous allions changer la vie.

Et nous l'avons fait. Pendant quelques temps.

Jusqu'à ce que les réalités nous rattrapent. De plus en plus absorbés par le souci de bien gérer le pays, écrasés par l'environnement libéral, envahis par une technocratie paralysante, nous nous sommes lentement éloignés de nos racines. Nous sommes devenus prudents, frileux, peureux. Tiraillés par une gauche plurielle infantile, soucieux de compromis, d'équilibres, notre discours s'est affadi et nous nous sommes effondrés dans une social-démocratie molle et sans saveur.

Le socialisme est une des plus grandes idées de tous les temps. Il faut y revenir. Se souvenir que c'est avant tout une révolte, une énorme colère contre les inégalités, l'injustice, la misère, la pauvreté, l'oppression, l'exploitation du plus faible par le plus fort. Ici et dans le monde. Tout simplement. Le socialisme est un combat permanent à soutenir sans faiblesse sans quoi les vieilles habitudes reviennent très vite par toute sorte de chemins. Insidieusement, puissamment.

François Mitterrand pensait qu'un appareil de parti doit se transformer, se régénérer tous les 10 ans, s'il ne veut retourner à ses vieux démons.

Il faut retrouver l'audace des années 70, savoir résister aux pressions du libéralisme sauvage, ne pas avoir peur de tout ce qui est nouveau. Différent. Ne pas avoir peur de ce qui dérange. Le Parti socialiste doit ouvrir ses portes aux idées, aux hommes et aux femmes nouveaux, même s'il faut leur faire un peu de place. Déjà Blum reprochait à ses socialistes leurs peurs des femmes et des jeunes. Où sont les femmes aujourd'hui ? Jospin leur avait ouvert les portes par une loi. Notre appareil les a refermées. Aux dernières législatives ce n'est pas 50% de femmes qu'il a présenté, mais à peine 30 % et notre groupe socialiste a régressé de 18 % à 16 % dans sa représentation féminine. C'est un indicateur sérieux de régression de notre démocratie interne.

Aurions-nous peur du débat ? On nous accuserait de division parce que nous croyons aux tendances ? Mais c'est la règle d'Epinay. C'est le choix de Léon Blum. On discute, on se compte, à la proportionnelle. Et au soir du Congrès on se retrouve et on peut faire la synthèse. C'est la démocratie. C'est la vie. Nous pouvons nous offrir cet espace de liberté : aucune élection n'est cette année à l'horizon. De quoi aurions nous peur ?

Nous sommes jugés sur ce que nous faisons et non sur ce que nous disons ou nous écrivons. Sachons le.

Un ami me demandait récemment : " Pourquoi as-tu choisi Montebourg ? ". Parce qu'il n'a pas eu peur un jour, de défier le Président de la République en lui rappelant qu'il ne pouvait être au dessus des lois, qu'il devait répondre à un juge si cela lui était demandé. Cela m'a plu. Et c'est cet esprit que je retrouve au sein du NPS avec Josy, Marion, Barbara, Arnaud, Vincent, Benoît, Thierry, Christian et les autres, comme un autre Epinay.

Le courage est sans doute avec l'audace, la détermination, l'imagination, l'esprit d'entreprise et le rêve, ce dont nous avons le plus besoin, ce qui nous permettra de retrouver le chemin du socialisme, et le cœur de ceux que nous avons déçus.


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