Parité : allons plus loin

Yvette Roudy


Point de vue signé par Yvette Roudy, ancienne ministre aux droits des femmes, députée-maire de Lisieux, paru dans le quotidien Libération daté du mercredi 16 décembre 1998


 
Le projet de loi du gouvernement discuté à l'Assemblée hier se propose de modifier la Constitution pour permettre au législateur de prendre des mesures garantissant la participation des femmes à la prise de décision politique, à parité. En l'état, ce texte est nécessaire mais pas suffisant. Il est nécessaire car il s'agit, pour le Premier ministre, de remplir l'un de ses engagements de campagne. Il est aussi nécessaire parce qu'un jour de 1982 le Conseil constitutionnel cassa le vote unanime de l'Assemblée nationale, qui tentait par une mesure de discrimination positive de réduire cette inégalité qui place les Françaises, avec 11 % de représentation parlementaire, au dernier rang des Quinze.

D'aucuns considèrent qu'il n'était pas nécessaire de modifier la Constitution dès lors que le principe d'égalité entre hommes et femmes y est déjà inscrit. Cela n'a cependant pas empêché nos sages gardiens de la Constitution de considérer qu'une mesure d'application de ce principe était inconstitutionnelle parce que favorisant qu'une mesure visant à réduire une inégalité puisse être contraire à l'égalité telle que la Constitution l'entend, ou alors il faut comprendre qu'il peut exister une conception de l'égalité qui soit contraire à la justice. Mais soit - modifions la Constitution afin de ne pas encourir les foudres de ses gardiens.

Cela étant, ce texte n'est pas suffisant car, une fois voté, tout restera à faire: définir un calendrier, des orientations, voire des sanctions que la loi d'application devra prévoir, pour nous garantir la parité et éviter que ce beau geste ne reste un vœu pieux. Parlons donc du contenu de cette loi d'application: plaidons pour qu'elle prenne place dans le courant de l'année 1999 et proposons au gouvernement de se tourner vers les partis dans leurs responsabilités afin qu'ils nous garantissent la parité graduelle, progressive mais intégrale dans la décennie, soit en 2009. Je propose que, dès le lendemain du vote de cette seconde loi, la subvention que l'Etat octroie aux partis pour les aider à faire élire leurs représentants soit calculée proportionnellement à l'effort de féminisation fourni. Il est bel et bien question d'envisager une sanction financière.

On peut considérer affligeant et consternant d'être obligé d'en arriver à de telles propositions, mais la place de la femme, peu glorieuse dans le concert des pays de l'Union, l'est encore davantage.

Il est plus que temps de mettre fin à ce pur scandale qu'est l'absence des femmes dans les lieux de décision. Elles nous apporteront dans un univers souvent décrié un peu d'air frais, un peu plus d'humanité et un regard neuf sur la chose politique. Nous n'avons que trop tardé, il faut prévoir une loi d'application de cette révision constitutionnelle dès maintenant, car demain se prépare aujourd'hui.
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