Bayrou
quitte le navire

Alain Rousset



Entretien avec Alain Rousset, président de la région Aquitaine, paru dans le quotidien Sud Ouest daté du 26 novembre 2003
Propos recueillis par Jean-Pierre Deroudille
 

Se dirige-t-on vers des primaires à gauche comme à droite, ou bien une liste commune est-elle probable ?
Nous nous orientons vers une liste d'union. En tout cas, je l'espère, parce que nous devons tirer les leçons du 21 avril et parce que nous avons un bilan commun à défendre. Nous avons aussi vocation à entretenir ensemble l'élan que nous avons donné à l'Aquitaine depuis six ans.

Partagerez-vous aussi un programme ?
Oui ! Et la réponse est assez simple. L'Aquitaine est mobilisée autour de la protection de ses espaces. Nous sommes engagés pour le report du trafic de marchandises vers le ferroviaire et le maritime. Nous partageons naturellement l'objectif d'égalité des chances face à l'emploi et à la formation. Le socle commun est tellement important que nous devrions arriver sans difficulté à nous unir.

De quel oeil voyez-vous les primaires à droite ?
Je n'ai pas à me prononcer sur la division de la droite, sauf si cette division ajoutait encore au désordre et au retard de l'Aquitaine, comme on l'a vu de 1985 à 1998. C'est le cas aujourd'hui : le ministre de l'Equipement est le seul ami de François Bayrou au gouvernement et c'est celui qui fait les coupes les plus massives dans les projets de l'Aquitaine. Tous les chantiers de la région ont pris du retard depuis que ce ministre est en poste.

A l'extrême gauche, la présence d'une liste commune ne risque-t-elle pas de vous gêner, même si vous parvenez à l'union de la gauche ?
J'observe qu'on ne parle guère du Front national qui est une de mes inquiétudes en tant que citoyen et démocrate.
Pour l'extrême gauche, l'histoire a montré que c'est toujours une impasse sociale et démocratique, même si elle témoigne d'une certaine réalité sociale. Mon ambition est de présenter une liste d'union et d'ouverture, qui portera un projet ambitieux pour que celles et ceux qui ont été déçus par la politique et s'abstiennent, se remobilisent.

Pourtant, on constate que, malgré l'impopularité de l'action gouvernementale, le PS n'arrive pas à réunir les Français en sa faveur ?
Nous devons d'abord valoriser ce que nous avons fait dans la région et comment nous l'avons fait. Ma candidature sera 100 % aquitaine. Celle de François Bayrou est 100 % parisienne. Même si les médias mettent l'UDF en avant, chacun sait que cette région a été gérée pendant quinze ans par ce parti allié au RPR. Il en est résulté une Aquitaine endormie, divisée, endettée, inaudible. C'est l'inverse de ce que nous faisons depuis bientôt six ans.
François Bayrou n'a jamais traduit, pas plus au gouvernement qu'au Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, ses paroles en actes. C'est un homme de droite qui quitte le navire au moment où il coule.
En revanche, je reconnais volontiers que le PS, pour être mieux écouté, doit savoir parler d'une même voix et s'ouvrir davantage à la société française.

Vous semblez mener actuellement une bataille contre le gouvernement en matière d'équipements, de recherche, etc. Est-ce une position tenable pour un Conseil régional ?
Oui ! Etre responsable de sa région, c'est se battre pour elle, au-delà des changements de gouvernement. Nous avons obtenu du gouvernement de Lionel Jospin l'une des meilleures progressions des crédits d'Etat pour le contrat de plan, alors que de 1985 à 1998, quand la droite gérait l'Aquitaine, elle était passée du 9e au 18e rang des régions françaises. Aujourd'hui je suis encore plus combatif, parce que jamais un gouvernement n'avait à ce point mis en cause les grands chantiers d'une région.

Si vous aviez seulement trois réussites à mettre en avant dans votre bilan, ce seraient lesquelles ?
Nous avons réussi à remettre en marche l'ascenseur social dans les lycées en modernisant considérablement les internats et en prenant en charge les frais de scolarité pour les lycéens professionnels, souvent les plus modestes. Aujourd'hui, nous constatons d'ailleurs que le nombre d'élèves dans l'enseignement professionnel et technologique progresse. Le début des travaux sur la liaison Bordeaux-Pau avec le chantier d'Aire-sur-l'Adour. La baisse du chômage, grâce également à l'action du gouvernement de Lionel Jospin. L'Aquitaine a créé plus d'emplois et d'entreprises que les autres régions. Parmi les exemples récents, signalons la Sadefa à Fumel, où nous avons contribué à la sauvegarde de 300 emplois industriels.
Permettez-moi d'en ajouter un quatrième : la filière, ô combien prestigieuse, de la vigne et du vin perdait son potentiel de recherche indispensable à son avenir. Nous créons pour y remédier un grand institut de recherche sur la vigne et le vin.

Avez-vous un regret ?
Avoir cru qu'on pouvait tout faire en même temps, ou tout au moins faire plus vite.

Quels sont vos projets ?
Il est un peu tôt pour exposer notre programme Aquitaine 2010. Mais on peut déjà dire que la région doit être une terre d'expérimentation pour la participation de ses citoyens à ses projets d'avenir. En termes d'emploi, de qualité de vie, et de formation tout au long de la vie.
L'Aquitaine a un potentiel magique en matière d'espace, c'est sa plus belle chance. Pour que la population ne se concentre pas sur deux grandes métropoles, il faut développer l'emploi sur l'ensemble du territoire. Je réfléchis à un fonds de garantie pour faciliter la transmission des petites entreprises en Aquitaine. L'avenir, c'est aussi la formation, nous devons doubler le nombre d'élèves ingénieurs dans la région. Pour l'égal accès de tous à cette formation, nous aurons des propositions créatrices.

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