Poitou-Charentes : OGM
La région se déclare opposée à tout essai public ou privé

Ségolène Royal



Entretien avec Ségolène Royal, présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, paru dans le quotidien Le Monde daté du 7 mai 2004.
Propos recueillis par Hervé Kempf
 

Pourquoi voulez-vous empêcher les essais et les cultures OGM en plein champ dans votre région ?
Un de mes objectifs est de faire de la région une zone d'excellence dans le domaine environnemental. Poitou-Charentes va ainsi devenir un territoire encourageant le développement de l'agriculture bio ou labélisée, ou de production de qualité, et les OGM sont incompatibles avec cet objectif. Donc, la région se déclare opposée à tout essai public ou privé d'OGM.

Vous pensez que l'agriculture biologique est l'avenir de l'agriculture en France ?
Oui. Nous importons 40 % de notre consommation de produits d'agriculture biologique, il y a donc un créneau à prendre, et je veux que la région que je préside soit la première à prendre position sur ce créneau. Cela correspond à son identité profonde : elle a toujours été la région des labels, d'une agriculture de qualité. C'est aussi une région de petites structures, donc adaptée au développement de l'agriculture bio. Et enfin, elle compte de nombreux agriculteurs et éleveurs motivés par la mise en place de cette filière. Il n'est pas question de basculer du jour au lendemain toute l'agriculture vers l'agriculture bio ; mais dans l'agriculture traditionnelle de qualité, on constate que les cahiers des charges des labels de qualité recourent à des critères d'agriculture biologique qui n'en portent pas le nom. Et diminuer la quantité d'intrants chimiques et de pesticides dans l'alimentation est une orientation clé pour l'agriculture.

Quelle forme juridique va prendre le refus des OGM en Poitou-Charentes ?
Le conseil régional émet le vœu que les maires prennent les arrêtés interdisant les cultures d'OGM en plein champ. La région n'a pas le pouvoir de police, ce sont les maires qui l'ont. Dans ses considérants, le conseil souligne la prise en compte des circonstances locales : cela à fin juridique, puisque le seul arrêté municipal d'interdiction des OGM qui n'a pas été annulé par la justice administrative est un arrêté qui prenait en compte une circonstance très locale.

Si un préfet poursuit tel ou tel maire, que ferez-vous ?
La région sera aux côtés des maires en cas de contentieux : elle va prendre en charge la rédaction des mémoires et assurer collectivement la défense des maires, si le préfet défère les arrêtés devant les tribunaux administratifs.

Vous entrez dans une tension juridique avec l'Etat...
Oui. Mais l'Etat prend parfois des décisions incohérentes qui conduisent à une évolution jurisprudentielle. Ainsi, il a fallu attendre une décision du tribunal pour que le ministère de l'agriculture réagisse sur les pesticides Régent et Gaucho. Je ne suis pas dans une logique de rapport de force, mais d'évolution de la jurisprudence. Dans le domaine des OGM, le travail juridique a été suffisamment approfondi pour permettre aux tribunaux de s'engager dans une telle évolution.

Espérez-vous que votre position sur les OGM sera adoptée par le PS ?
Je suis en avance sur le Parti socialiste là-dessus, je suis très en pointe sur les questions environnementales.

Pensez-vous qu'il faut maintenir le moratoire européen sur les OGM ?
Il y a une distorsion des règles qui n'est pas cohérente entre importation et production, et bien d'autres problèmes, en matière de brevets, de débat scientifique. Il faut maintenir le moratoire, tant que la totalité du problème des OGM n'a pas été mise à plat. L'Europe a toujours joué un rôle d'évolution en matière environnementale. Il serait paradoxal que, sur la question des OGM, l'Europe ait une posture de régression par rapport aux attentes des territoires.

Il existe une coordination européenne des régions "libres d'OGM". Vous y joindrez-vous ?
Bien sûr que nous allons nous y joindre. L'interrégionalité au sein de l'Europe est une bonne piste. Il y a un décalage, comme sur nombre de sujets, entre la Commission européenne et beaucoup de pays. Il faut toujours des avant-gardes pour faire bouger les bureaucraties.

© Copyright Le Monde

Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]