| Quel jugement portez-vous sur la mesure fiscale annoncée par Jean-Pierre Raffarin ?Ce n'est ni sérieux, ni juste, ni efficace. Ce n'est pas sérieux, car un gouvernement responsable ne ferait pas un tel cadeau au moment où les déficits se creusent de manière abyssale. Ce n'est pas juste, car, sous la pression de Jacques Chirac, le gouvernement a baissé l'impôt sur le revenu, ce qui ne profite qu'à ceux qui le paient. Ceux qui ne le paient pas auront à subir les hausses de la fiscalité locale et des tarifs publics déjà engagées. Ce n'est pas efficace : les baisses des deux dernières années n'ont servi qu'à augmenter la capacité d'épargne des plus riches, et elles ont aussi, nous le constatons dans nos villes, déchaîné la spéculation immobilière.
Le gouvernement fait tout de même un geste envers les non-imposables en augmentant de 20 % la prime pour l'emploi; une prime créée par la gauche...Cela pourrait aller dans le bon sens si elle n'était pas accompagnée d'un volume bien plus important de baisse de l'IR. Le gouvernement donne très peu à ceux qui ont peu et beaucoup à ceux qui ont beaucoup.
Vous pointez l'ampleur des déficits. Mais ne sont-ils pas nécessaires pour soutenir la croissance ?Ce qui serait nécessaire, c'est de véritables politiques pour l'emploi, car seul l'emploi peut soutenir la croissance. Raffarin proclame qu'il veut réhabiliter le travail; la meilleure manière de le faire, c'est de lutter contre le chômage. Un objectif auquel il a tourné le dos depuis deux ans. L'autre moyen de rechercher la croissance serait de travailler avec nos partenaires européens à des actions concertées pour soutenir l'activité économique. Or il agit envers ces derniers par provocation, car c'est ainsi que cette baisse d'impôt sera ressentie.
En 2000 et 2001, le gouvernement Jospin avait lui aussi baissé l'impôt sur le revenu. N'êtes-vous pas à l'origine de ce mouvement de baisse de la fiscalité ?Tout le monde avait bénéficié de la même manière des réductions d'impôt décidées par la gauche. Et le contexte était différent. Même si la croissance faiblissait, les comptes publics avaient été redressés. Il n'y avait pas cette part de bluff, de mensonge que l'on trouve dans l'opération d'aujourd'hui. Le gouvernement a perdu la raison sous la pression de Jacques Chirac.
Raffarin ne fait pourtant que respecter les engagements du président lors de la campagne électorale...C'est une injure faite aux Français que de laisser penser qu'en 2002 ils ont validé le programme de Jacques Chirac. Ils n'étaient que 18 % à le faire. Pour le reste, ils ont défendu la république. Si, au nom de la république, on mène une politique aussi injuste et inefficace, on trompe une nouvelle fois les Français.
A La Rochelle, le Parti socialiste a proclamé sa volonté de « réhabiliter l'impôt ». N'est-ce pas une bataille perdue ?Réhabiliter l'impôt, ce n'est pas vouloir plus d'impôt. C'est rehausser la notion de contribution collective pour l'action collective. Un discours nécessaire face au libéralisme forcené de certains de nos gouvernants. Il y a une majorité disponible dans notre pays pour une politique centrée autour de la cohésion sociale et territoriale. C'est là qu'est le véritable débat droite-gauche.
Pourtant, Jean-Pierre Raffarin dit s'inspirer de l'exemple du chancelier social-démocrate allemand Gerhard Schröder ?Dire cela, ce n'est qu'une habileté de langage. La politique de Schröder peut apparaître comme parallèle à celle du gouvernement français. Mais lui mène une politique courageuse pour réduire les déficits. La droite française, elle, est totalement laxiste.
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