| Comment jugez-vous les débats au sein du PS en cette période de congrès ?Qu'il y ait des débats et des positions divergentes, c'est plutôt un signe de la bonne santé du parti. Ceux qui sont sincères et constants dans leurs positions sont profondément respectables. Mais le positionnement de Laurent Fabius est une injure à la morale politique. Il incarne l'insincérité et le cynisme portés à un niveau rarement atteint.
Vous déniez à Laurent Fabius toute sincérité dans ses propos ?Je peux penser qu'il était sincère en 2000. Je peux penser qu'il l'est aujourd'hui, quand il prend une position inverse. Je regarde l'itinéraire et je constate qu'il n'a pas évolué sur quarante ans mais sur cinq ans seulement. Chacun se forgera son idée sur sa sincérité... La mienne est faite.
Quels exemples avez-vous de cette « insincérité » que vous fustigez ?Il est en contradiction dans tous les domaines. Sur la fiscalité, comment peut-on passer si brutalement de la décision, appliquée quand il était ministre des Finances, de réformer les stock-options et de baisser l'impôt sur le revenu pour les tranches supérieures, à sa diatribe sur le copinage fiscal de Dominique de Villepin ? Il réclame l'annulation des baisses. Très bien ! Mais on annule les siennes aussi ? Qui a le premier défendu et décidé la privatisation des sociétés d'autoroutes ? Laurent Fabius. Qui a défendu ouvertement en réunion de ministres l'ouverture du capital d'EDF pour dire aujourd'hui qu'il faudra renationaliser l'entreprise en cas de victoire de la gauche ? Qui s'est opposé à l'accord sur l'évolution des salaires des fonctionnaires ? Le même. Tout cela a contribué à l'affaiblissement de Lionel Jospin. J'en viens même à penser que Fabius est un des principaux responsables de la défaite du 21 avril.
Il explique son changement par l'évolution des circonstances...Les circonstances ont évolué ? Une seule chose a changé : il était au pouvoir hier, il est dans l'opposition aujourd'hui. C'est la caricature du double discours : « Dire le contraire de ce que l'on fera et faire le contraire de ce que l'on a dit. » Cette maxime reste sa règle de base. Son attitude me rappelle la girouette d'Edgar Faure : c'est le vent qui la fait tourner. Si le vent tourne aujourd'hui, il tournera demain. Quelle sera alors la position de Fabius ?
Ministre, il était sous les ordres de Lionel Jospin !Je n'exonère pas le gouvernement auquel j'appartenais d'un certain nombre d'erreurs. Mais, au fond, je me demande si la principale n'a pas été de faire entrer Laurent Fabius au gouvernement. Je me souviens de son autoritarisme, du mépris avec lequel il traitait les ministres en désaccord avec lui. Il pesait considérablement dans les décisions. Dire qu'il obéissait à Jospin, ce n'est plus du cynisme, c'est du mensonge.
A vous entendre, aucune synthèse n'est possible au congrès !Quand la sincérité est là, elle n'empêche pas le compromis. Mais cette question morale liée au comportement de Laurent Fabius va beaucoup peser. Dans toute politique, il y a une part de cynisme. Quand elle devient prépondérante, abusive, elle ôte toute valeur à l'action. |