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Avez-vous l'intention de former un recours contre l'ordonnance sur le partenariat public-privé ?Il serait légitime de déposer un recours, ne serait-ce que pour vérifier la compatibilité de l'ordonnance avec l'avis du Conseil constitutionnel. Celui-ci a émis de nombreuses réserves sur le projet et demandé des règles extrêmement précises sur la façon d'encadrer la procédure. Mais ses mises en garde n'ont pas été retenues dans le texte de l'ordonnance. Le Conseil constitutionnel demandait, par exemple, que soit défini l'intérêt général, qui est l'un des motifs pour retenir la procédure du partenariat public-privé. Cela n'a pas été fait. Cela crée une insécurité juridique importante qui risque de soulever de nombreuses questions ultérieures, notamment à l'occasion de contestations sur le choix de cette procédure.
Est-ce le principal reproche que vous adressez à la procédure ?Non. J'ai sur ce texte de nombreuses critiques de fond. La première est que c'est une technique d'habillage budgétaire. Le gouvernement, qui n'a pas les moyens de financer ses investissements, tente de les reporter sur les dépenses de fonctionnement. Je doute, cependant, que la Commission européenne se laisse abuser par ce bonneteau budgétaire. De plus, le poids de ces contrats risque de se révéler très onéreux pour la collectivité. Jamais un groupe privé n'arrivera à offrir les mêmes taux de l'argent que ceux que peuvent obtenir l'Etat ou les collectivités locales en direct.
Certains redoutent que le procédé ne conduise à un surendettement des communes. Partagez-vous cette crainte ?Le risque existe, d'autant plus que ce type de contrat à long terme paraît à première vue indolore. Cela peut conduire à un surengagement de l'avenir des communes. Cela revient à préempter le futur budgétaire et politique des villes et de l'Etat. On délègue à une personne privée un service public pendant des années. A travers un cahier des charges, on fixe une politique qui devient un engagement pour l'avenir sur lequel les majorités ultérieures ne peuvent revenir. On fige ainsi une ligne dans des domaines régaliens. Demain, ce seront des champs entiers de compétences qui se retrouveront dévolus à la sphère privée, sans que le politique puisse modifier les lignes fixées au départ.
Que vous inspire la disparition de dispositifs de contrôle ?La crainte vaut moins pour le texte que pour le contexte dans lequel ce projet apparaît. Le code des marchés publics vient d'être changé, des fondations politiques sont créées, des dons des entreprises aux partis sont à nouveau autorisés. On a permis de nouveau la possibilité de contreparties entre le privé et le public. La porte des risques est à nouveau ouverte.
Ce nouveau contexte remet-il en cause votre loi sur les financements politiques ?Je n'étais pas le seul à vouloir ces lois. Les dispositions prises sur le financement politique sont l'œuvre collective de partis et de personnalités, de droite comme de gauche, qui ont tous désiré un sursaut. C'est peut-être plus lourd, mais la confiance est à ce prix. C'est cet héritage républicain qui est en train d'être balayé, au nom d'urgences budgétaires et d'un libéralisme qui nourrit l'idée que tout ce qui vient du privé ne peut être que bon. Toutes les cordes de rappel ont été sectionnées. Chacun ne sera plus tenu que par sa seule conscience morale. |