Les régions ont dû se substituer à l'Etat

Michel Sapin


Entretien accordé par Michel Sapin, président de la région Centre, au quotidien Libération daté du 12 juillet 2005
Propos recueillis par Thomas Lebègue


 

La gauche a participé à la commission d'enquête, mais dénonce le résultat de ses travaux. Pourquoi ?
Un rapport parlementaire nécessite un minimum d'objectivité. Ce n'est pas le cas. Le rapport d'Hervé Mariton est tellement caricatural et partisan qu'il restera comme un épiphénomène. C'est un catalogue des idées reçues et des bêtises de la pensée ultralibérale, qui fustige toute dépense publique, toute action publique, d'où qu'elles viennent, en l'occurrence des collectivités locales. On pouvait s'y attendre, mais là on frise le ridicule.

Le rapport prouve pourtant que la décentralisation Raffarin ne peut pas expliquer la hausse des impôts régionaux en 2005...
C'est faux. La décentralisation des formations médico-sociales (dont celle des infirmières) est déjà effective. Et tous les experts s'accordent à constater que ce transfert ne s'effectue pas à l'euro près, comme l'avait promis le gouvernement.

Mais il est vrai que c'est plutôt le désengagement global de l'Etat qui conduit à des transferts de charges insidieux. Dans les domaines des aides aux entreprises, des aides à l'insertion, ou sur le financement des grandes infrastructures, les régions ont été obligées de se substituer à l'Etat. Voilà pourquoi elles ont dû augmenter leurs impôts.

Comment réagissez-vous au procès qui est fait à la gauche de céder à la « culture de la dépense » ?
Mais où en serait la France aujourd'hui sans les collectivités locales ? L'activité économique, les transports, le social... Les collectivités représentent 70 % de l'investissement public dans notre pays. Et plus l'Etat baisse les impôts au niveau national, plus il transfère l'impôt au niveau local.

Que pensez-vous de la recommandation du rapporteur qui vise à encadrer globalement la dépense publique ?
S'il s'agit d'une discussion ouverte au niveau national, ce n'est pas forcément une mauvaise chose. Mais là, l'esprit de la recommandation est coercitif : il faut obliger les collectivités à dépenser moins. C'est prendre les élus locaux pour des imbéciles, et faire fi du principe de l'autonomie des collectivités territoriales inscrit dans la Constitution. Nous n'avons pas besoin d'un tribunal libéral qui distribuerait les bons et les mauvais points.

Où en êtes-vous dans l'application de la loi Raffarin ?
La décentralisation n'est plus la vache sacrée du Premier ministre. Le nouveau gouvernement cherche à nous ouvrir des portes, en reportant le transfert des TOS (personnel technique des lycées et collèges) notamment, mais sans que ça se voie... De notre côté, nous sommes prêts au dialogue.

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