La dynamique de Paris | |
Christian Sautter, adjoint au maire de Paris chargé des Finances. |
Quand on regarde une photo de l'Europe prise la nuit par satellite, on voit un grand arc lumineux, qui court de Londres à Milan en passant par la vallée du Rhin - c'est la fameuse banane bleue - et un point brillant au foyer de cet arc, Paris. Paris pourrait se reposer sur cette image de « Ville-Lumière » et il est vrai que, durant de longues années, les responsables de la Ville se sont contentés de la concentration de musées et de ministères en notre belle capitale. Hélas, durant vingt ans, ce sont 350 000 emplois qui ont disparu, et ce sont des points forts de Paris qui ont été concurrencés par des métropoles européennes plus actives : Londres et Francfort pour la finance, Hanovre et d'autres villes allemandes pour les grandes foires commerciales, Milan pour la mode, etc. Mais, en parallèle, un phénomène heureux pour notre pays s'est produit : d'autres grandes villes françaises, que l'on appelait autrefois métropoles d'équilibre, telles que Lille ou Lyon, ont su mettre leurs qualités en valeur et combler une partie de l'écart qui les sépare de la région parisienne. Paris a en effet des atouts formidables. Paris - Ile-de-France, capitale économique, pratique un excellent « benchmarking » sur les forces et aussi sur les faiblesses de la région parisienne. J'insisterai sur une de ces forces : la remarquable concentration d'intelligence dans les universités, les laboratoires, les centres de recherche parisiens. Grâce à la loi Allègre sur l'innovation, les « découvreurs » de Paris sont maintenant prêts à se lancer dans l'aventure de l'entreprise. Encore faut-il qu'ils y soient incités et accompagnés. Dans les champs prometteurs des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), comme des biotechnologies, le potentiel parisien est impressionnant. Nous avons donc un devoir de créer les structures qui permettront à la jeune entreprise de naître, puis de faire ses premiers pas et enfin de devenir adulte. A cet effet, Paris manque d'incubateurs, de pépinières, d'hôtels industriels. Paris est aussi en retard pour les lignes de communication à haut débit, qui sont vitales pour les entreprises naissantes et précieuses pour les particuliers qui seront les clients des nouvelles entreprises des NTIC. La municipalité et le comité d'expansion de Paris, joli nom traditionnel de Paris-Développement, que la Ville anime avec la Chambre de commerce de Paris, vont se mobiliser pour encourager ceux qui innovent, qui créent des richesses et des emplois. Cela ne signifie pas qu'il faille laisser à elles-mêmes les activités, plus classiques, de la finance, du commerce ou du tourisme. Bertrand Delanoë, dès son élection à la mairie de Paris, est venu soutenir en personne les projets de Paris-Europlace. Il a encouragé le projet Euronext, qui rassemble les Bourses de Paris, Amsterdam et Bruxelles, parce que l'industrie financière est créatrice d'emplois hautement qualifiés et que son dynamisme est nécessaire pour que les centres de décision économique demeurent à Paris. Le maire entend bien que Paris, et la région parisienne, regagnent le terrain perdu pour les foires et expositions. J'ai parlé de région parisienne, et j'y insiste : Paris ne conçoit plus son avenir dans le splendide isolement d'antan. Paris veut conjuguer ses projets avec ceux du conseil régional, ceux des départements proches, ceux des villes voisines. Dans le vaste espace européen où la compétition s'aiguise, une certaine arrogance et certaines rivalités traditionnelles ne sont plus de mise. De même, Paris a beaucoup à apprendre des bonnes pratiques des autres capitales européennes. J'ai évoqué les bases immatérielles de la croissance - la recherche, la technologie, l'esprit d'entreprise - mais il ne faudrait pas pour autant négliger les infrastructures matérielles. Je me bornerai à en citer une, dont on parle depuis au moins dix ans, et qu'il devient urgent de réaliser : la liaison rapide Paris-Aéroport de Roissy. Un projet existe, qui ne ferait pas appel à l'argent du contribuable. Passons à l'action en ce domaine comme en bien d'autres. Paris peut-il, à son tour, lancer des idées pour que le dynamisme de l'Europe soit plus grand, que la croissance à long terme soit plus rapide, que l'horizon du plein-emploi se rapproche plus vite ? J'en citerai trois. Les deux premières suggestions ont pour but d'aider à rattraper le retard européen sur les Etats-Unis dans de nombreux champs de la connaissance et de la recherche. Je rêve d'un projet « super-Erasme » : des bourses nombreuses permettraient, de façon banale, de faire de vraies études supérieures européennes, en cumulant des unités de valeur obtenues dans des universités ou grandes écoles de différents pays ; le dispositif existe, il faut le décupler. Un de mes amis a aussi parlé à ce sujet d'« Airbus universitaire ». Je rêve ensuite d'un projet « super-Eureka », qui encourage financièrement les recherches appliquées proposées par des équipes de plusieurs pays membres ; là encore, le modèle réduit peut être construit en vraie grandeur. La troisième suggestion vise à réduire le fossé numérique qui se creuse entre les régions riches et denses, où il est rentable d'installer des autoroutes de l'information, et les territoires plus dispersés et moins fortunés. L'aménagement « haut débit » du territoire européen renforcerait le potentiel de croissance de notre continent, tout en limitant des inégalités naissantes. Voici quelques idées qui montrent que Paris s'efforce désormais de retrouver sa créativité. Elles sont enracinées dans la conviction que les grandes villes, si elles n'ont pas de statut dans les institutions européennes, peuvent néanmoins jouer un rôle d'entraînement pour que le projet européen traduise cette grande ambition collective qui est espérée par la jeunesse de ce continent émergent. |
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