Inventons un nouveau Parti socialiste |
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Contribution thématique au congrès national de Dijon présentée par Bernadette Merchez, Alexis Bachelay, Sylvie Cabassot, Mathieu Doiret, Anne-Eugénie Faure, Maurice Lobry, Georges Martel, Laurent Michon, Séverine Tessier, Patricia Teulet et Lucile Schmid. 18 janvier 2003 |
Le faible estime, portée par nos concitoyens aux partis politiques, n’est pas un phénomène nouveau. Néanmoins, le discrédit de l’ensemble de la classe politique et ses corollaires, l’abstention et la montée des extrêmes, le morcellement de la gauche devraient nous interpeller collectivement. Que doit devenir le principal acteur de la gauche ? - le Parti socialiste -, qu’en ont fait ceux qui l’ont dirigé depuis 5 ans ? qu’avons-nous fait, nous les militants ? Et quelles
leçons de démocratie et de citoyenneté donnons nous lorsque 60 % de nos militants s’abstiennent aux votes de nos orientations politiques, et que près de 40 % ne participent pas aux choix des investitures ? Pendant que la crise politique et le marasme démocratique deviennent immenses dans la société et dans notre parti, nos dirigeants continuent de faire des choix en fonction, non de leurs convictions, mais de leurs stratégies pour les prochaines présidentielles qui risquent d’être perdues si la gauche ne change pas. Nous avons le devoir de leur rappeler que si nous avons conquis des responsabilités, c’est dans la critique d’un système politique, celui de la Vème République, d’un système économique, le capitalisme sans limites et sans frontières. Malheureusement, le PS a calqué ses modes de fonctionnement sur le premier et a accepté de se plier à bien des exigences du second. Ce constat justifie pleinement une refondation basée sur les principes républicains « égalité, fraternité et liberté » certes, mais aussi sur nos valeurs socialistes « internationalisme, solidarités, justice, démocratie. » Rénover le parti : l’expression est bien sur toutes les lèvres, non ? C’est bien le moins après ce qui s’est passé en avril dernier. Mais lorsque tout le monde se proclame « pour la rénovation », nous, les militants nous avons le droit de penser que les mots ne veulent plus rien dire dans notre Parti. Alternances après alternances, congrès après congrès, nous constatons que l’écart entre nos programmes et nos réalisations, n’est pas seulement le fait de nos faiblesses idéologiques, mais aussi le reflet de pratiques politiques conservatrices. Il est vrai qu’en ce moment, les deux phénomènes se conjuguent au présent !!! Le « Plus à gauche », « moins à gauche » quel est l’intérêt de ces débats quand ils sont portés par des voix qui semble découvrir aujourd’hui l’état du Parti, alors qu’ils ont occupé les plus hautes responsabilités ? Personne n’est l’unique détenteur d’un brevet de socialisme et c’est pourquoi il faut juger sur pièce plutôt que sur les paroles. Aux militants de réaliser cet état des lieux afin de peser sur le fonctionnement de ce parti. Nous commençons ici, dans cette contribution, car nous ne croyons pas à un rénovation « par le haut ». Les militants doivent exercer leur poids et imposer des réformes dont nous pensons qu’elles sont indispensables pour l’avenir du Parti. Les auteurs de cette contribution considèrent qu’un des enjeux fondamentaux du congrès se joue dans notre capacité à transformer en profondeur notre Parti en même temps que sa doctrine ; nous souhaitons construire un Nouveau Parti Socialiste, lui donner une nouvelle identité. Nous proposons de changer les réflexes habituels dans un congrès socialiste. Nos congrès valident des orientations politiques majeures. Rôle de l’Etat, réforme des institutions, retraite, europe, entreprises, services publics, tout y passe. Avec des contributions de grandes qualités. Nous vous renvoyons à la relecture des contributions du congrès de Brest. La rénovation interne n’est, dans ce cadre, qu’une incantation à usage…interne et elle est insuffisante. Il s’agit le plus souvent de calmer l’ire de militants excédés par les dérives affairistes (1993) ou par l’autisme technocratique (2002). A l’arrivée, et malgré les sanctions électorales sévères la rénovation demeure dans les cartons. Nous pensons que la crédibilité de nos orientations doit être aujourd’hui directement construite à partir de pratiques respectueuses des militants et efficaces pour les élus. Nous devons être généreux dans nos principes, efficaces dans notre action et intègres dans nos pratiques. C’est sur ces fondations nouvelles que devra être bâti un Nouveau Parti Socialiste qui doit rester l’animateur principal d’une démocratie affaiblie et se doter d’un nouveau projet de gauche. Après avoir dressé un bilan critique, nous souhaitons immédiatement articuler des propositions alternatives pour faire avancer le débat sur notre identité et nos pratiques de socialistes. |
Comment renforcer le Parti | |||
Notre fonctionnement et notre organisation actuels sont insuffisants dans une démocratie affaiblie comme l’est celle de notre pays. La crise révélée par le scrutin du 21 avril mérite un véritable aggiornamento de notre Parti. Le recrutement des dirigeants du Parti s’opère actuellement selon des critères particulièrement restrictifs : des hommes, avec un ou plusieurs mandats électifs, dans la force de l’âge, plutôt diplômés. Paradoxe, alors que le Parti dispose de ressources militantes importantes, celles-ci sont sous-exploités. Le PS souffre également d’une structuration inégalitaire dans sa couverture géographique, et archaïque dans son
fonctionnement. Les disparités, notamment au niveau de l’organisation territoriale du parti, sont considérables. A l’heure du débat sur la décentralisation, la verticalité et le centralisme, pratiqués aux différents échelons du Parti, sont dépassés. Refonder notre organisation et réformer nos statuts, deux impératifs majeurs. 1) Un appareil politique dirigé majoritairement par les élus (députés, maires, conseillers régionaux, conseillers généraux, conseillers municipaux)Le PS est une machine électorale qui a vocation à exercer des responsabilités électives. Paradoxalement, les militants sont peu sollicités pour animer la vie du Parti. Par beaucoup d’aspects, le PS rappelle le parti radical-socialiste dans l’entre-deux-guerres. Beaucoup d’élus, d’aspirants et finalement peu de militants dans les instances de direction à tous les niveaux. L’ensemble est dominé par des directions fédérales et nationales opaques et composées en forte proportion d’élus. Ainsi, les élus dirigent outrageusement l’appareil et les positionnements politiques deviennent carrément frileux et peu lisibles au niveau du Parti. La culture de gouvernement et une vision gestionnaire ont tétanisé notre Parti par rapport à une société en perpétuel mouvement. Le Parti socialiste doit redevenir un parti de militants et retrouver la culture du militantisme, celle de l’action. Les élus sont aussi des militants. Ils sont investis de responsabilités particulières puisqu’ils sont doublement responsables devant les militants et les électeurs. Les élus doivent être disponibles, rendre compte de l’exercice de leur mandat devant les militants, être responsables de la mise en œuvre d’un programme élaboré collectivement. Cela devrait offrir un espace aux militants pour animer la vie du Parti à tous les échelons. Plus il y a d’élus qui ont des mandats électoraux à remplir, moins il y a d’espace pour les militants. C’est cette curieuse équation qu’il nous faut résoudre. Si vous êtes en conflit avec un membre du secrétariat fédéral, vous avez toutes les chances d’être convoqué dans les 15 jours par la commission des conflits. Si vous êtes un adhérent lambda en prise avec un baron local, vous avez toutes les chances que votre affaire soit enterrée sans couronne et sans musique. Combien de dossiers en instances font-ils l’objet e marchandage internes, combien d’exclusions et de décisions prononcées sans motifs et sans recours ? Combien sont à la fois juges et parties ? Combien de dossiers enterrés baladés de la fédération au national sans réponse aux attentes désespérés de camarades calomniés ou discriminés dans leur Parti. Ce dysfonctionnement démocratique est grave, il est l’illustration même des manipulations et petits arrangements qui discréditent toute notre formation. Il faut aussi avoir le courage de dire que le Parti remet à ses élus les fonctions de direction, car il ne se donne pas les moyens de former ses adhérents, afin de les préparer à prendre des responsabilités. Résultat, ce sont ceux qui ont déjà des responsabilités importantes dans le cadre de mandats électifs et qui sont donc déjà formés que l’on retrouve en haut des organigrammes avec des conséquences désastreuses.
2) Solférino et le désert français ?Dans notre Parti, il y a trois échelons importants : la section, la fédération et le national. Au niveau de l’organisation et des moyens financiers deux ont une importance capitale : le national (Solférino pour les intimes), le fédéral (la Fédé). Or, parce qu’ils sont éloignés du quotidien des militants, ces échelons échappent à un véritable contrôle démocratique et fonctionnement de manière opaque avec des conséquences négatives.
Nous avons tous entendus parler de ces grosses fédérations, avec beaucoup d’adhérents, des sections nombreuses et organisées avec de véritables moyens : 10 ou 15 permanents à la fédération et du matériels en quantité). Mais qui se soucie des petites fédérations qui vivent chichement avec des moyens qui confinent parfois au dénuement. Dans certaines fédérations, il y a un demi-poste de secrétariat, pour plus d’une centaine de permanents à Solferino. En région, on fonctionne souvent avec un ou deux permanents ou avec l’aide de bénévoles et d’élus. A Paris et dans les grandes fédérations, les moyens déployés sont considérables Si l’organisation nationale du Parti absorbe une part conséquente de nos financements publics et de nos cotisations, il faut s’interroger sur ce déséquilibre entre les fédérations et le national. Cela devrait nous amener à réfléchir sur le système de péréquation existant. Qui connaît les clés de répartition de la péréquation entre le national et les fédérations ? Autant de questions auxquelles les militants n’ont pas de réponses. Le caractère inégalitaire du développement de l’appareil socialiste n’est pas une fatalité. S’il existait une information plus transparente entre le National, les fédérations et les militants, cela permettrait d’avoir une meilleure gestion globale des ressources financières et humaines du Parti. Si l’on veut devenir un grand parti populaire, il faut s’en donner les moyens.
La fédération est trop souvent l’instrument de quelques élus ou personnalités qui « pèsent » alors qu’elle devrait justement garantir la transparence du fonctionnement des sections, la juste répartition des ressources fédérales et l’égalité de tous les militants notamment face aux excès de pouvoir. Dans le fonctionnement formel, les moyens des fédérations, sont souvent conséquents et gérés par les membres du bureau fédéral ou du secrétariat fédéral. Mais cela n’est que très théorique. En vérité, le système est extrêmement opaque et les arrangements avec les statuts sont légions. Le trésorier fédéral peut exercer sa charge en dehors de tout contrôle militant. Il peut exonérer tel ou tel élu de ses cotisations ou bien aider une section ou un candidat « ami ». Les militants et même le conseil fédéral n’entendent jamais parler ce ces questions pourtant hautement stratégiques. Résultat, beaucoup de sections ne dispose pas d’un soutien sérieux et équitable de leur fédération. Des choix sont opérés bien entendus, mais en dehors des instances et des sections, par des arrangements de réseaux plus que par de véritables considérations politiques. Tel section amie sera aidée, même si localement, il n’y aucune stratégie de conquête politique. Telle autre sera ignorée alors qu’il y a un potentiel électoral conséquent.
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Comment construire | |||
1. Un Parti dont la base sociologique se réduit comme peau de chagrinJamais le Parti socialiste n’a été aussi éloigné de ce qu’est aujourd’hui la société française : 3 % d’ouvriers, 3 % des chômeurs et d’exclus, 5 % de moins de 30 ans, 70 % de plus de 50 ans, 28 % de femmes et une minorité de salariés du privé. Et probablement, si rien ne change, une minorité d’actifs. Le « grand » Parti des travailleurs sera bientôt devenu le « grand » parti des retraités. Cela n’a rien de péjoratif évidemment, mais cela devrait nous interpeller. Malgré
l’afflux de nouveaux adhérents « post 21 avril », le nécessaire rééquilibrage de la pyramide des
âges et des catégories sociales n’est pas pour demain.
70 % de plus de 50 ans, 5 % de moins de 30 ans. Le Parti est complètement « coupé » des actifs. On peut légitimement s’interroger sur la capacité du MJS à attirer de jeunes militants vers le Parti. Il faudrait faire un audit de « l’autonomie » sur la période 1994-2002, car, pour
beaucoup, les souvenirs laissés par le MJS sont mitigés : mainmise de seniors (25/28 ans), jeux de pouvoirs incessants, contrôle bureaucratique de l’organisation par des majorités organisées, faible ancrage dans la jeunesse, faiblesse intrinsèque du débat politique lié à des enjeux internes (Parti, contrôle de l’organisation) et non aux enjeux réels pour la jeunesse etc..
Il y a d’abord une évolution commune à toutes les démocraties avancées. Le militantisme est en train de disparaître au profit d’un engagement à géométrie variable, très ciblé (single issue politiques). Des sociologues ont décrit les nouveaux adhérents des mouvements politiques et associatifs, comme des Nimbies (de l’anglais Not In My Backyard : pas dans mon jardin), parce qu’ils ne s’engagent que dans la mesure où leur engagement est compatible avec leurs autres activités privées ou publiques et n’empiète pas sur leurs loisirs. Mais aussi plus fondamentalement, parce que les modes de fonctionnement obsolètes des
partis politiques sont peu ouverts à des personnes qui s’investissent dans leur projet professionnel ou familial. En outre, le PS est devenu un parti ringard. Ses instruments de formation, d’information et de communication sont devenus inadéquats en comparaison des efforts de “ marketing ” remarquables, qu’ont réalisé certaines associations transnationales de l’Anti-mondialisation, de défense de l’environnement ou de promotion du commerce équitable.
Combien de sympathisants peuvent raconter leur aventure de l’adhésion ? Faut-il parler du parrainage ou de parcours du combattant imposé par certains potentats ? Ils sont nombreux à pouvoir raconter comment, le jour où ils ont tenté d’adhérer, ils se sont fait éconduire ou tout simplement oublier. Sans oublier les questionnaires dignes de la PJ ! Il vaut mieux s’accrocher, car au pays des apparatchiks du PS c’est plutôt la suspicion généralisée qui règne ! En transférant la démarche d’adhésion à un responsable clairement identifié, il faut également énumérer des clauses strictes sur l’adhésion. Si un quelconque responsable du PS est identifié comme bloquant de façon non expliquée telle ou telle adhésion, une instance (BF, BFA ou CF) doit pouvoir dessaisir le responsable de ses fonctions, quand bien même il aurait été élu par les adhérents.
2. Le Parti socialiste doit être un parti pluriel, ouvert vers la société, avec une culture de réseau positiveLe Parti socialiste ne répond plus aux attentes de nos concitoyens, parce qu’il s’est coupé
d’eux. Cette tautologie exprime tout à la fois la perte de nos repères identitaires, et l’éloignement physique de notre base électorale et militante. Pourtant, le Parti, sans stratégie du Cheval de Troie, doit puiser et relayer les préoccupations et les propositions des
organisations citoyennes et de l’économie sociale dont la plupart se disent proches idéologiquement de la gauche mais pas nécessairement du Parti socialiste. Si nous voulons un Parti à l’image de la société qui bouge, et reconstruire le rassemblement de la gauche, alors il nous faut mieux représenter la diversité politique du mouvement social, ses aspirations. Il faut franchir une nouvelle étape dans la structuration au niveau européen des partis socialistes et sociaux-démocrates. Il faut élargir notre horizon politique aux problématiques européennes et permettre à nos militants l’adhésion directe au PSE (Parti Socialiste Européen). Il n’est plus possible de fonctionner en vase clos avec des commissions d’experts qui se réunissent à Solferino, qui produisent des textes, qui rédigent nos programmes électoraux sur des fondements théoriques contestables et sur des bases pratiques inexistantes.
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Les signataires : |
Bernadette Merchez membre du Conseil national Alexis Bachelay Colombes Sylvie Cabassot Nanterre Mathieu Doiret Châtillon Anne-Eugénie Faure Levallois Maurice Lobry membre du secrétariat fédéral 92 Georges Martel fédération du 95 Laurent Michon membre du secrétariat
fédéral 92 Séverine Tessier Clichy, membre du conseil fédéral 92 Patricia Teulet Levallois Lucile Schmid Vanves |
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