Porter un nouveau féminisme
dans un monde marqué par les inégalités sociales et le retour des violences

Lucile Schmid
par Lucile Schmid, candidate socialiste dans la 10ème circonscription des Hauts-de-Seine en juin 2002,
paru sur le site Internet du Nouveau Parti socialiste
mardi 15 avril 2003
 
Aujourd'hui le procès du féminisme est engagé, alors même que les repères sur lesquels s'était fondée, dans les années 1960 et 1970, la recherche d'une égalité réelle entre les hommes et les femmes restent d'actualité, et que les acquis des combats féministes demeurent fragiles. La question des droits des femmes, de leur place dans la société et de l'égalité entre hommes et femmes est plus que jamais un enjeu politique primordial. Les changements économiques et sociaux -une société mondialisée où de nouvelles formes de violence économique et sociale apparaissent, une société où la situation des femmes reste très inégalitaire en matière d'emploi, d'accès à l'éducation, aux responsabilités sociales et politiques- nécessitent de placer le combat pour l'égalité et contre les discriminations au cœur de la démarche socialiste. C'est un combat qui doit être mené dans le monde, en Europe et en France, dans les quartiers défavorisés, dans les lieux de responsabilité et de pouvoir. La cause des femmes ne se réduit pas à au changement des textes, elle concerne l'ensemble des champs de la vie, elle est un domaine privilégié d'application d'une solidarité entre le Nord et le Sud.

1) Pour une mondialisation féministe

La situation des femmes dans le monde nécessite une révolution. La lutte contre les violences, les sévices, les discriminations et la féminisation de la pauvreté et de la précarité sont des défis majeurs pour l'avenir. Plus de 550 millions de femmes sont au dessous du seuil de pauvreté en zone rurale. 2/3 des illettrés qui peuplent cette planète sont des femmes. La lapidation est toujours considérée dans certains pays comme la sanction possible de relations sexuelles illicites. Citons le procès d'Amina Lawal une jeune femme nigériane de 30 Ans condamnée à être lapidée à mort pour avoir eu un enfant hors mariage ; au Yemen Layla Radman Aesh risque d'être lapidée jusqu'à ce que mort s'ensuive et Naji Hizam Abdullah est menacé de flagellation pour adultère.

Le Nouveau parti socialiste veut porter la cause des femmes au niveau international. Il veut œuvrer pour plus d'égalité dans tous les champs de leur vie : l'éducation, la vie de tous les jours et le droit à la liberté sexuelle et des sentiments entre hommes et femmes, l'accès à la santé, la place des femmes dans l'organisation des responsabilités sociales.

Il s'agit :
     de valoriser la place des femmes dans la société au niveau international et pour cela de soutenir les politiques visant à assurer leur émancipation économique, culturelle et politique ;
     de garantir une solidarité internationale avec toutes les femmes en situation de détresse dans le monde en particulier avec celles qui se voient dénier l'exercice de leurs libertés fondamentales telles qu'elles ressortent de la Déclaration universelle des droits de la personne humaine.
     La reconnaissance des droits des femmes notamment à disposer de leur corps (contraception et IVG) doit être une condition incontournable pour l'accès à l'Union européenne. La Constitution en préparation doit également proclamer l'égalité entre les hommes et les femmes.
     Il faut également devant le développement mondial de la commercialisation du corps des femmes (prostitution, réseau de mères porteuses, trafic d'ovocytes) adopter une réglementation mondiale sous l'égide de l'ONU ;
     cela implique notamment l'octroi du statut de réfugiée politique à toute femmes menacée de mutilation sexuelle ou toute atteinte à ses droits fondamentaux ( intégrité physique, liberté d'aller et venir, droit à l'éducation et au travail).

2) Mettre en place une organisation sociale qui permette aux femmes de choisir vraiment leur vie

80 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes. Ce sont elles qui sont les premières victimes d'une flexibilité du temps de travail imposée. Les travailleurs pauvres sont dans leur immense majorité des travailleuses pauvres. Les femmes qui élèvent seules leurs enfants représentent quant à elles 90 % des familles monoparentales. Il y a donc une précarité globale des femmes face au travail, alors même que celui-ci est une question de survie, la clef de l'autonomie sociale et économique des femmes. De plus, l'organisation sociale ne s'est pas adaptée à la généralisation du travail des femmes. La conjonction entre une fragilité professionnelle et des responsabilités familiales lourdes explique aussi que beaucoup de femmes n'aient pas le choix : l'éducation des enfants, la nécessité de gagner sa vie dans des conditions difficiles pour des salaires faibles leur interdit de fait d'accéder à des responsabilités et de prendre dans l'espace public la place qui devrait être la leur. C'est vrai dans la vie associative et les débats publics. C'est encore plus vrai en politique.

Les femmes continuent d'assumer l'essentiel du travail domestique, et ce partage des tâches constitue le nœud de l'inégalité entre les sexes. Les inégalités socio-économiques et les inégalités domestiques se renforcent pour placer les femmes dans une situation subordonnée. 20 ans après malgré la volonté politique qui la portait, la loi Roudy n'a pas réellement contraint les entreprises privées ou l'Etat à faire progresser l'égalité professionnelle.

Conscient de cette oppression spécifique, le Nouveau parti socialiste s'affirme clairement comme féministe. Il milite donc pour que soient mises en place des mesures volontaires et revendiquées contre cette inégalité majeure qui traverse la société et que l'Etat prenne toute sa part dans cette démarche à travers le développement des services publics :
    Dans l'entreprise :
     veiller à l'application réelle de la loi sur l'égalité professionnelle. L'inspection du travail doit pouvoir dresser des procès verbaux ;
     intégration de l'objectif d'égalité entre les sexes au cœur de l'application des 35 heures.
     suppression des exonérations de cotisations à temps partiel qui ont été utilisées par les entreprises pour mettre en place une flexibilité subie.

    Une politique familiale volontariste pour libérer les femmes de la double journée et de la double culpabilité qui freinent l'égal accès à l'emploi et leur épanouissement personnel :
     adaptation des services publics : développement massif des crèches, adaptation des horaires à ceux du travail des parents et aux réalités de la double activité sociale et économique des couples.
     assurer une prise en charge mixte des enfants. Après la création du congé de naissance pour les pères qui facilite les liens père/enfants il faut poursuivre dans la voie d'une responsabilité éducative partagée.
     l'imposition séparée est indispensable à la mise en œuvre d'une politique égalitaire d'accès au travail et aux revenus (dans la mesure où elle ne se traduirait pas par une augmentation des impôts pour les couples défavorisés).

3) Lutter contre les violences subies par les femmes dans la réalité de la vie comme dans l'image

Les violences subies par les femmes sont multiples et leur sont propres en grande partie. Dans le monde les femmes sont les premières victimes des guerres et des drames humanitaires. En France la recrudescence des violences qu'elles subissent nous ramène parfois au Moyen Age. Une jeune fille brûlée vive, des violences conjugales en augmentation régulière, des mariages forcés plus fréquents et la montée de la polygamie, la mise à jour de phénomènes d'esclavages humains (prostitution, travail clandestin) organisés par des mafias mondialisées…la liste de ces violences n'est pas exhaustive. Elle est terrible et illustre l'inadaptation et l'impuissance des moyens de solidarité sociale classique à ces situations. Dans les quartiers défavorisés les femmes et de jeunes filles sont sommées de choisir entre l'enfermement et la soumission à un code social et des moeurs d'un autre âge, et le choix de vivre leur vie d'individu et de citoyenne au risque d'être dénoncées, stigmatisées, humiliées.

L'exploitation de l'image des femmes reste également un domaine de violence symbolique forte. Aussi longtemps que les corps seront exposés et considérés comme des objets il sera possible d'en abuser au mépris du consentement et du désir de l'autre. Par ailleurs l'égalité ne peut s'accommoder de la prostitution qui n'est ni un mal nécessaire, ni le plus vieux métier du monde. Forme extrême et massive de la marchandisation des corps et de l'exploitation des êtres humains, le système prostitutionnel nourrit et accompagne d'autres trafics, et contribue à légitimer l'usage de la violence sexuelle contre des femmes-receptacles, dont la sexualité est niée, qui passent du statut de sujet à celui d'objet sexuel. Il s'agit donc d'un double combat à mener, contre l'exploitation sexuelle et les violences qui l'accompagnent, et pour le droit de chacun à maîtriser son corps et sa sexualité.

Nous voulons :
     Le dépôt de la loi antisexiste tant attendue qui doit faire l'objet d'une grande campagne de communication du parti socialiste. Cette loi doit s'articuler avec les dispositifs prévus en matière de harcèlement moral et de discriminations dans l'emploi.

     L'égalité entre les hommes et les femmes est une idée laïque. Les politiques d'éducation citoyenne et sexuelle à l'école doivent lutter contre les stéréotypes et le machisme. L'orientation scolaire doit porter une réflexion sur les mécanismes éducatifs de ségrégation entre voies professionnelles " féminines " et " masculine ".

     Dans les quartiers défavorisés, c'est une véritable politique antisexiste qui doit être menée et qui doit redonner aux femmes la confiance dans le fait qu'elles ont le choix : choix de leur vie professionnelle et personnelle, choix de leurs aspirations. Les politiques associatives et éducatives, de loisirs, culturelles, sportives, doivent être prioritairement orientées vers les filles.une présence active des services publics, notamment sociaux dans les quartiers défavorisés, qui doivent rester demeurer dans le cadre de la République et de ses valeurs.

4) Pour une démocratie mixte et égalitaire dans l'État et les entreprises

La loi sur la parité n'est que le premier pas vers une égalité de chances et de reconnaissance de compétences que seule une effective volonté politique sera en mesure de déployer. L'Etat doit être exemplaire et mener une politique volontariste de représentation des femmes et d'égalité. En tant qu'employeur, il doit favoriser l'égalité dans les rémunérations dans la fonction publique et l'égal accès aux responsabilités.

- les nominations aux emplois publics doivent inclure un objectif de parité pour tendre à une véritable égalité entre les hommes et les femmes dans l'accès aux responsabilités.
- L'égalité salariale doit être établie dans le secteur public autant que dans le secteur privé
- L'Etat doit aussi s'assurer de l'application de la loi en matière électorale

L'égalité entre les femmes et les hommes est désormais inscrite dans la constitution.
Le non respect de la parité constitue un manquement à ces dispositions. La loi doit donc devenir davantage contraignante qu'elle ne l'est.

Dans les entreprises, la démocratie sociale et l'égalité professionnelle doivent être stimulées par une véritable mixité à tous les niveaux de décisions.

La loi relative à l'égalité professionnelle doit être accompagnée par un partage des responsabilités entre hommes et femmes dans les instances dirigeantes des entreprises que sont les conseils d'administration, conseils de surveillance et directoires. La parité doit aussi être promue dans les instances représentatives du personnel dans les entreprises et les conseils de prud'hommes à travers les listes présentées. Un rapport au parlement sur la réalisation de la parité et de l'égalité professionnelle devra être présenté au Parlement par l'observatoire de la parité chaque année. Les objectifs des syndicats et représentants des employeurs en matière de renforcement de la démocratie sociale devront inclure une juste représentation des femmes dans tous les organes décisionnels.

Un parti socialiste féministe

Le féminisme est une bataille culturelle que le parti socialiste doit porter dans ses campagnes, son militantisme quotidien, son message, mais aussi dans ses pratiques, son organisation et son fonctionnement. Les socialistes sont à l'origine de la loi sur la parité. Pourtant le parti socialiste a préféré payer l'impôt parité plutôt que d'assumer cette obligation lors des dernières échéances électorales de 2002. Il faut désormais mettre en accord les mots avec les actes.
     Nous devons être exemplaires en matière d'égalité des responsabilités et du pouvoir : la parité hommes/femmes doit s'appliquer à tous les niveaux, du bureau de section au bureau national.
     Les responsables locaux doivent être formés pour promouvoir l'égalité, et notamment encourager les militantes à la prise de parole et de responsabilité.
     Le parti socialiste doit recréer un lien avec les associations féministes de terrain (Planning Familial, associations de lutte contre les violences…), pour relayer leurs revendications et porter dans son militantisme au quotidien des outils concrets pour l'égalité des droits.
     Le parti socialiste doit à l'image du MJS faire de l'égalité hommes/femmes un enjeu de communication, d'activité militante et de revendication politique central.
     Une mondialisation féministe passe par une vraie implication internationale du parti socialiste dans la cause des femmes y compris au PSE et dans l'internationale socialiste, qui doivent porter un message féministe.
Pour nous le féminisme, parce qu'il porte les valeurs de mixité, d'égalité sociale et économique, parce qu'il lutte contre les discrimination et les violences, est un moteur essentiel du combat socialiste. Le féminisme est porteur de pratiques plus égalitaires de la politique et du pouvoir et d'un militantisme proche du mouvement social. Il est un bon outil pour un militantisme et des pratiques nouvelles.

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