Sauver Rhône-Alpes de la « confusion »

Il est temps que les élus de droite fourvoyés derrière Millon et consorts se ressaisissent et constituent un «arc républicain».
Bernard Soulage
par Bernard Soulage,
président du groupe PS-PRG-MDC-DVG et apparentés du conseil régional Rhône-Alpes,
membre du conseil national du PS.


  Point de vue paru dans les pages " Rebonds " du quotidien Libération daté du 11 mai 1998

 
Des présidents de région, élus le 20 mars grâce aux voix d'élus du Front national, ont décidé envers et contre tout de ne pas entendre la vague de réprobation qu'ils ont déclenchée. Parmi eux, le cas du président de Rhône-Alpes est devenu emblématique.

Parce que M. Millon a tenu à médiatiser abondamment sa propre turpitude, multipliant tribunes et déclarations, avant de lancer son mouvement La Droite, manifestement dénué de préventions à l'égard du Front national. Parce qu'il veut faire de la deuxième région française un « laboratoire » qui ne laisse pas d'inquiéter.

M. Millon tente de se justifier par des raisonnements improbables : « Si je n'ai pas refusé les voix du Front national, c'est pour mieux les combattre. Si la gauche avait dirigé la région, elle risquait de porter les néofascistes au pouvoir dans vingt ans. » Depuis son élection, M. Millon procède souvent de la plus grande confusion. C'est le cas quand il continue d'affirmer, contre toute évidence, que ses listes ont été majoritaires aux élections régionales en Rhône-Alpes, alors que celles de la gauche plurielle l'ont battu de plusieurs milliers de voix.

M. Millon soutient mordicus que les voix du FN qui l'ont élu à la présidence se sont portées sur son seul programme ! Sa déclaration de candidature reprenait point par point les conditions édictées au plan national par M. Le Pen, reproduites localement par M. Gollnisch. Ces points ne figuraient pas dans ses documents de campagne.

Il prétend encore avoir recueilli les votes d'élus frontistes « dépourvus de mandats impératifs ». Les 35 élus rhônalpins du FN votent toujours en bloc, selon les indications de leur leader, M. Gollnisch, secrétaire général du FN.

Cette confusion se vérifie quand, s'exprimant au nom d'un supposé « peuple de droite », M. Millon prophétise que son futur mouvement, La Droite, réunira « toutes les tendances de la droite, des nationaux aux européens, des girondins aux jacobins, des traditionalistes aux rénovateurs ».

En attendant, force est de constater que la droite rhônalpine ne lui accorde pas un tel charisme : elle s'est scindée en quatre groupes distincts au sein du conseil régional, non compris celui du Front national. Celui de M. Millon ne réunit plus que le quart des élus de l'Assemblée. Quelle « majorité »!

En brisant le « tabou » du Front national, M. Millon croit avoir rendu service à la droite. En fait, il va permettre au FN d'empocher successivement trois victoires: faire exploser la droite (c'est fait), la contaminer (c'est en cours), puis en absorber la partie la plus fragile. Dès demain, faute d'autre majorité, M. Millon sera conduit à partager le pouvoir avec le Front national. Les conséquences en seront dramatiques dans bien des domaines: formation, insertion, culture... Notre idéal de liberté, d'égalité et de fraternité ne sera plus de mise.

Reste l'espoir que des élus de droite, fourvoyés jusqu'à présent derrière MM. Millon et consorts, se ressaisissent. C'est ainsi que nous voulons comprendre la démission récente de M. Mérieux, élu premier vice-président de M. Millon avec les voix du Front national. Cela permettrait d'avoir recours à la solution qui s'impose dans les institutions républicaines contaminées par le Front national: celle de « l'arc républicain ».

Pratiquée pendant des décennies par les partis démocratiques italiens, c'est la seule configuration qui permette d'éviter les pièges tendus par l'extrême droite. Sans aucune confusion entre elles, droite et gauche doivent mener leurs débats et les trancher démocratiquement, en acceptant le jeu de l'alternance politique, mais en écartant systématiquement l'apport des voix du FN.

En Rhône-Alpes comme ailleurs, le préalable est la démission des présidents compromis, sachant qu'il ne saurait être question ensuite, ni pour un camp, ni pour l'autre, de diriger la région dans une logique partisane. Il n'y a, en filigrane de cet appel, ni recherche de revanche, ni quête de destins personnels, ni volonté d'hégémonie pour ce qui concerne la gauche plurielle, mais seulement l'espoir qu'il sera possible de revenir à la dignité des débats, à la promotion du fait régional et à la prise en compte de l'intérêt général.

Il est encore temps...

Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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