Sans-papiers :
en finir avec le non-droit



 Point de vue signé par Catherine Tasca, sénatrice des Yvelines, paru dans le quotidien Libération daté du 7 septembre 2005


 
D'avril à août 2005, trois immeubles insalubres flambent et près de cinquante personnes dont de très nombreux enfants meurent dans cette épouvante. Chacun clame son indignation. 2 septembre 2005 : rentrée des classes, jour de sentiments mêlés, crainte du nouveau mais aussi plaisir de retrouver son école, fierté de grandir et d'entrer dans la communauté scolaire. C'est justement le jour qu'a choisi le gouvernement, se ralliant aux sommations de Nicolas Sarkozy, pour faire expulser les occupants sans titre de deux immeubles insalubres à Paris. L'intervention n'en est que plus révoltante.

Après toutes ces morts, la première réponse concrète des pouvoirs publics est l'expulsion. Les forces de police arrivent au petit matin, les familles se retrouvent à la rue, les petits écoliers voient voler en éclats leurs rêves de cartable et de crayons neufs. Du proche avenir, ils ne savent qu'une chose : la préfecture les recase dans un hôtel pour quinze jours. Et après ?

Aurions-nous perdu nos forces d'indignation ? Pouvons-nous nous taire ? Je le sais, nous ne rattraperons pas du jour au lendemain le formidable retard du logement social. Nous n'effacerons pas d'un trait de plume l'insalubrité installée dans certains quartiers depuis des décennies.

Mais il appartient aux autorités publiques, au premier rang l'Etat, accompagné par les collectivités locales, de prendre aujourd'hui des mesures d'urgence pour loger ces habitants en danger : réquisition ou expropriation des logements vides, mise à disposition de bâtiments publics inoccupés, ouverture de centres d'hébergement. Et, face au danger, il est indécent de prétendre traiter différemment ceux dont le séjour est régulier et les sans-papiers. C'est une mobilisation nationale qui s'impose pour les reloger.

Mais la deuxième urgence, en amont de tous ces drames, c'est de trancher le problème de l'incroyable situation des sans-papiers. Un pays comme le nôtre ne peut plus longtemps se fermer les yeux sur l'injustice profonde, l'absurdité et le danger de la présence de nombreux étrangers sur notre territoire maintenus dans un vide juridique sidéral. La patrie des droits de l'homme ne peut s'accommoder de ce non-droit absolu dans laquelle notre législation les enferme.

Aujourd'hui, quand on réfléchit politique d'immigration, on cherche surtout à contrôler les flux. On voudrait qu'ils soient concertés, maîtrisés, etc. Mais les réponses diverses (quotas par exemple) ne traitent que des entrées futures. Quid de tous ceux qui vivent chez nous dans une parfaite illégalité, parfois depuis des années ? Ils sont ainsi des proies faciles pour loueurs et employeurs « indélicats ». Et leurs enfants, assis sur les bancs de notre école républicaine, grandissent sous l'épée de Damoclès de l'expulsion du territoire.

Il y a donc urgence à créer pour tous ceux-là un nouveau titre de séjour de durée limitée mais renouvelable si l'intégration se confirme, comme a su le faire l'Espagne de Zapatero. Un titre de séjour qui leur permette de trouver travail et logement et de récupérer une identité en plein jour. On connaît les hostilités à toute forme de régularisation en nombre.

Pourtant, si nous n'apportons pas rapidement une réponse à ces situations, qui réinstalle ces populations dans le droit, nous resterons spectateurs et complices des drames comme ceux de l'hôtel Paris-Opéra, du boulevard Vincent-Auriol et de la rue du Roi-Doré.
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