La réforme des régimes de retraite s'inscrit dans un temps long et relève d'un choix de société

Pascal Terrasse
Entretien avec Pascal Terrasse, député de l'Ardèche, publié sur le site Internet du Nouveau Parti socialiste
Propos recueillis par Alexis Bachelay
13 janvier 2003
 

Depuis le Rapport Charpin en 1990, les préconisations et les effets d'annonce se sont multipliés en vue de la réforme du système de retraite. Pourquoi la Gauche n'a t-elle pas pris ce problème à bras le corps lorsqu'elle était au pouvoir ?
Parce que le problème des retraites ne se réduit pas à fixer un taux de remplacement ou une durée de cotisation. Les enjeux vont bien au-delà de la simple question mathématico-financière. On ne peut prétendre réformer les retraites sans être porteur d'un nouveau projet de société. C'est tout notre modèle social qui doit être repensé, notre système de protection, notre fiscalité, notre rapport à cette population pas aussi inactive qu'on l'affirme, nos modalités de répartition des richesses, sans parler de la nécessaire construction d'un modèle social européen partagé. Il faut reconnaître que la réforme des retraites ne se décrètera pas et qu'elle suppose que l'on soit capable de promouvoir de nouveaux schémas d'organisation sociale. Si les Gouvernements se sont contentés d'effleurer la question, les Partis n'ont malheureusement pas fait mieux. Là est le drame à mon avis. La réflexion n'a pas été conduite sérieusement. La pédagogie sociale que suppose une telle réforme n'a pas été mise en œuvre. Des mesures prises sur de simples critères comptables pourraient avoir des conséquences dramatiques.

Jacques Chirac a défendu le système par répartition et la retraite à 60 ans. Que doit-on penser de ces déclarations consensuelles ?
Les Français ne sont pas dupes et ont appris à connaître depuis longtemps ce grand amateur du mensonge par omission. Chirac sait qu'il doit conserver la répartition parce que la culture française en la matière ne lui permet pas de faire autrement. Mais il se garde bien de nous préciser quel niveau de répartition il souhaite conserver et je doute que ses intentions soient de tendre vers une redistribution plus équilibrée des richesses. Idem pour l'age du départ à la retraite. Si Chirac défend un départ à 60 ans, il n'évoque pas la question du revenu de remplacement. Or, elle est essentielle. Si une réforme devait se solder par une dégradation de ce revenu, ce serait une dramatique reculade. Les deux engagements qu'il a pris ne peuvent en aucun cas être des garanties.

Le Nouveau Parti Socialiste a-t-il des propositions novatrices sur cette question sensible ?
Le Conseil d'Orientation des Retraites créé par décret du Premier ministre le 10 mai 2000, nous paraît constituer le meilleur outil pour porter le débat qui aboutira aux réformes. Sur le fond de la question, un discours égalitaire sur la durée de cotisation est aberrant et injuste. Si l'on veut que chacun puisse pleinement profiter de ce temps important de la vie, alors il faut reconnaître que nous ne sommes pas tous égaux devant l'espérance de vie et que seules des temps de cotisation différenciés permettront d'introduire un peu d'équité devant ce constat d'inégalité. Il faut ouvrir des droits nouveaux à ceux qui ont commencé à travailler tôt comme à ceux qui ont exercé des activités reconnues pénibles. Enfin, le Nouveau Parti Socialiste souhaite ardemment que nous soyons capables de sortir de cette dualité entre des scénarios considérés tantôt comme optimistes, tantôt comme pessimistes. Qui peut prédire sérieusement aujourd'hui le taux de croissance dans 20 ans, l'évolution démographique, la situation du marché de l'emploi ? C'est là que se trouve l'une des raisons essentielles de l'inaction des Gouvernements. La réforme des régimes de retraite s'inscrit dans un temps long et relève d'un choix de société, ce qui la rend difficilement compatible avec le temps court de la politique. Nous proposons donc d'arrêter dans la concertation des orientations qui ne soient pas des mesures figées et irréversibles mais des objectifs de progrès qui s'attachent avant tout à réformer les modalités de financement en agissant sur l'assiette des cotisations qui doit être élargie au capital. Il convient également de revenir sur l'évolution des retraites qui doit être indexée sur les salaires et non sur les prix. D'une manière générale, nous réfutons l'idée que la solution ne puisse passer que par des sacrifices pour les plus modestes au nom des difficultés de financement, un discours distillé par la droite pour justifier ses intentions de remettre en cause des acquis essentiels.

Aujourd'hui, comme avant chaque congrès, tout le monde au sein du Parti Socialiste se dit prêt à rénover le fonctionnement du parti et partisan de la réforme tous azimuts. Y compris l'actuelle direction en place depuis 5 ans. Que doit-on penser ?
A chaque Congrès, le Parti Socialiste se met à l'écoute de ses troupes qui lui rappellent qu'il est le Parti de la réforme et du progrès. On assiste alors à la danse des caméléons où chacun prend la même couleur politique. C'est un peu le syndrome des présidentielles qui consiste à se caler sur les thématiques du concurrent et dire peu ou prou la même chose que lui pour ne pas prendre de risque. Cela appauvrit le débat. C'est dommage car nous avons besoin d'idées neuves, de regards nouveaux. Je préfèrerai que ce Congrès soit l'occasion pour chacun d'exprimer ses convictions profondes plutôt que d'adapter son propos à l'air du temps pour s'attirer des sympathies électoralistes. Nous ne devons pas avoir peur du temps. Si le chantier de la reconstruction doit être long, alors nous devons l'accepter et surtout pas se contenter d'un replâtrage qui pourrait, certes, nous permettre de retourner aux affaires rapidement, mais sur des fondements idéologiques non renouvelés et instables.

Comment les initiatives du nouveau PS sont-elles perçues par les militants dans ta région ?
L'aspiration au changement est profonde. Le NPS a été le premier à donner une lecture élargie du 21 avril en dénonçant, non pas l'échec de Lionel Jospin ou de la gauche, mais l'échec d'un système, de la République telle qu'elle vit aujourd'hui. Je sais que les militants entendent cette analyse et l'approuvent. C'est sur la base de ce constat que nous souhaitons leur proposer la reconstruction d'une nouvelle identité socialiste, dans la sérénité. Il ne s'agit pas de tourner le dos au passé et encore moins de jeter la pierre à qui que ce soit. Mais reconnaissez que 14 millions d'abstentionnistes, 6 millions d'électeurs dans la besace de Le Pen et un Président de la République choisit par 1 Français sur 10, ça suffit ! J'ai le sentiment que les militants adhèrent pleinement à notre volonté de reconstruire la confiance perdue entre les citoyens et leurs représentants.

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