Lutte contre 
| les exclusions :

une loi ambitieuse !



par  Marisol Touraine, 
Secrétaire nationale à la Solidarité


L

e chômage et les inégalités n'ont cessé de s'accroître au cours des dernières années avec pour corollaire le développement de situations qui tendent à se pérenniser. Parallèlement aux mesures déjà engagées pour agir efficacement et durablement contre le chômage (emplois-jeunes, 35 heures, etc.), le gouvernement a donc décidé de réagir en proposant un programme ambitieux de lutte contre les exclusions. Cette loi a été votée par le Parlement, le 9 juillet dernier. Elle a pour but de prévenir les exclusions et d'agir sur les situations d'urgence. Il ne s'agit pas de créer des droits spécifiques aux " pauvres " mais de permettre concrètement à chacun de bénéficier des droits de tous.

Des moyens à la hauteur des enjeux

Pour cette loi qui a associé 19 ministères, ce ne sont pas moins de 51 milliards qui sont prévus sur trois ans. Jamais une telle somme n'avait été engagée pour lutter contre l’exclusion. Cela marque une formidable rupture avec les quelque trois milliards octroyés par la loi de cohésion sociale Juppé/Barrot avortée pour cause de dissolution décidée par Jacques Chirac.

Favoriser l'accès à l'emploi

La lutte contre l’exclusion repose avant tout sur un accès au travail. Si le chômage des jeunes poursuit sa décrue (- 13 %), ce sont encore près d'un tiers des jeunes de moins de 27 ans qui sont à la recherche d'un emploi, tandis que près de 40 % des chômeurs le sont depuis plus d'un an. Trop de personnes ne bénéficient d'aucune indemnité de chômage et la progression des " petits " boulots ou du temps partiel subi génère des salariés à très bas revenu. C'est à ces personnes que la loi s'adresse. Le retour au travail permettra de casser la spirale de l’exclusion. Des actions d’accompagnement personnalisé et renforcé (lutte contre l’illettrisme, acquisition d'une expérience professionnelle, orientation, qualification…) seront mises en œuvre par l’État et les régions au profit des jeunes de 16 à 25 ans en difficulté. Les emplois-jeunes seront réservés à hauteur de 20 % aux jeunes issus des quartiers en difficulté. Les contrats de qualification seront désormais ouverts aux demandeurs d’emploi sans condition d'âge. Les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats emploi consolidé (CEC) seront recentrés sur les publics en difficulté (chômeurs longue durée, chômeurs de plus de 50 ans, allocataires du RMI, handicapés, bénéficiaires de l’Allocation spécifique de solidarité - ASS - et de l’Allocation parent isolé - API -...) Le renouvellement d’un CES sera subordonné à la mise en œuvre d’une formation visant à faciliter l’insertion professionnelle.

Les bénéficiaires du RMI, de l’ASS et de l’API pourront cumuler, dans une certaine limite, ces allocations avec des revenus tirés d'une activité salariée.

Afin de favoriser la création d'entreprises, les aides ouvertes aux jeunes et aux chômeurs créateurs d'entreprises seront étendues aux bénéficiaires de l’API. Les aides liées à la création d'entreprise sont par ailleurs ouvertes aux salariés qui reprennent tout ou partie de leur entreprise, à la suite d'une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire. Le secteur de l’insertion par l’économique, qui permet aux personnes les plus éloignées de l’emploi de se réinsérer dans le monde du travail, sera dynamisé.

L’accès aux droits fondamentaux pour chacun

Afin de garantir un minimum de ressources aux plus démunis, le texte prévoit d'aménager le régime des saisies des prestations familiales en fixant un seuil minimal de saisie. La loi s'est aussi attachée à traiter des situations de surendettement. Les dettes pourront être étalées sur huit ans (au lieu de cinq). Désormais, l’allocation d'insertion et l’ASS, à l’instar du RMI, ne pourront plus être saisies.

Un service minimum concernant l’eau, le gaz, l’électricité, et dans une certaine mesure le téléphone, sera assuré pour les personnes les plus défavorisées.

Pour tous, le droit et l'accès aux soins

Près de 150.000 de nos concitoyens n'accèdent pas au régime de base de la Sécurité sociale, tandis que 12 % de la population ne dispose pas d'une couverture complémentaire, ce qui l’oblige à renoncer à certains soins (notamment les soins dentaires et ophtalmiques). Pour mettre fin à cette situation, une Couverture maladie universelle, permettant à tous d'avoir un accès effectif à la santé, sera instauré. Elle permettra aux plus démunis d’avoir accès au régime de base ainsi qu'au régime complémentaire et donc de se faire soigner normalement. Des permanences d'accès aux soins pour les personnes les plus démunies seront mises en place dans les hôpitaux. Un programme régional d’accès à la prévention et aux soins sera établi.

Garantir le droit au logement pour tous

L’accès à un logement décent constitue une des clés de la réussite de la lutte contre l’exclusion. A ce titre, les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées seront renforcés. Le fonctionnement du Fonds solidarité logement sera amélioré. Ce sont autant d'outils essentiels au service du droit au logement. La loi a considérablement amélioré la transparence dans le régime des attributions des logements, par l’instauration d'un numéro d’enregistrement départemental unique des demandeurs, ainsi que par la possibilité de saisine d'une commission de médiation en cas de délais anormalement longs. La motivation du refus de l’attribution sera désormais obligatoire. Dans les bassins d'habitat où la situation du logement est tendue, des Conférences intercommunales de logement sont créées.

La lutte contre les logements vacants est renforcée par l'instauration, dans certain conditions, d’une taxe sur la vacance et par la possibilité donnée aux préfets de réquisitionner des logements inoccupés depuis plus 18 mois appartenant à des organismes institutionnels.

Afin de prévenir les expulsions, le préfet doit être obligatoirement informé, dès les premiers impayés de loyers, afin de mettre immédiatement en place les dispositifs d’aides.

La mixité sociale participe aussi de la lutte contre l’exclusion. Le relèvement des plafonds de ressources pour l’attribution des logements ainsi que l’augmentation du seuil de déclenchement du surloyer s'inscrivent da cette perspective.

Mieux connaître les situations d'exclusion pour mieux agir

Pour mieux combattre, il faut connaître. Un Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, chargé de rassembler, d’analyser et de diffuser les informations et données relatives aux situations de précarité, de pauvreté, est créé. Sous la tutelle du ministère de la Solidarité, cet établissement élaborera chaque année un rapport à destination du Premier ministre et du Parlement.
L’Hebdo des Socialistes,
25 septembre 1998


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