Le bilan de la mobilisation citoyenne à Strasbourg

Entretien avec Catherine Trautmann, maire de Strasbourg, paru dans le quotidien Libération daté du 2 avril 1997.
Propos recueillis par Nicole Gauthier


 

La manifestation et la mobilisation anti-FN du week-end ont été un succès. Mais après ?
C'est un moment qu'il faut acter. Cette expérience et cette réussite sont un encouragement. Mais il faut aussi entendre ce que la puissance de cette mobilisation veut dire. Elle exprime une frustration forte vis-à-vis de la représentation politique. On ne peut pas se contenter d'un moment fusionnel et émotif face au Front national; on ne peut s'en sortir qu'en faisant de la politique. Comme lors du mouvement de novembre-décembre 1995, les Français ont exprimé leur intérêt pour les affaires publiques. Mais ils veulent que les élus soient moins distants et s'intéressent plus à eux. Ils ont besoin de les entendre parler de ce qui les touche. Ce message s'adresse d'ailleurs à tous les corps intermédiaires, y compris les médias.

C'est un constat récurrent. Qu'est-ce qui indique que les partis politiques ­ y compris le PS ­ soient disposés à répondre à cette attente ?
Les partis sont au pied du mur. Les gens sont attentifs au comportement individuel des élus. Ils n'attendent pas de miracles. En revanche, ils veulent qu'on leur dise clairement les choses sur les enjeux collectifs, sans que le débat politique soit parasité par de faux problèmes, comme par exemple avec ce qui s'est passé pour les clandestins. Il faut sortir de l'hypocrisie des gouvernements d'opinion, où l'on surfe sur les sondages.

Le Parti socialiste est-il prêt à nourrir ce débat politique ?
La question de la répartition des ressources sera au cœur du débat dans les mois qui viennent. Il faut discuter de la manière dont on traite l'emploi, le salariat, le partage du travail. Les Français veulent pouvoir peser sur les négociations sociales, et être assurés que les politiques ne les trahissent pas. Le programme économique et social du PS apporte des réponses là-dessus.

Est-ce suffisant pour répondre au Front national ?
Il faut aller au débat et faire preuve d'autorité. La seule chose que reconnaissent les électeurs du Front national, c'est l'autorité. Ce parti est violent. Je ne suis pas pour l'utilisation de la violence, il faut par contre utiliser une autre force.

Le PS a parfois étalé ses faiblesses. En décembre, ses députés sont absents du débat sur le projet de loi Debré en première lecture à l'Assemblée nationale et, en février, il investit un candidat mis en examen à Vitrolles...
Mais c'est quand même la gauche qui s'est mobilisée à Strasbourg. Toutes les familles politiques pouvaient prendre des initiatives. La gauche a été seule à le faire. Cela dit, je suis contente que le débat sur le Front national soit ouvert au PS. Je conçois qu'il y ait pu y avoir un certain décalage avec l'actualité politique, mais cela ne veut pas dire que le PS n'entend pas régler ses problèmes dans le Sud. Même s'il n'y a pas de solution miracle pour faire évoluer un parti, c'est bien qu'il évolue. Pendant ce temps, je vois ailleurs des responsables politiques faire la danse du ventre pour récupérer dans leurs rangs des élus du FN ou renvoyer dos à dos Front national et Front populaire. Personnellement, il y a longtemps que je suis engagée dans le combat contre l'extrême droite. Cela implique une attitude politique claire et constante et je m'en expliquerai évidemment au sein du PS.

Vous avez annoncé que vous iriez prochainement dans les villes tenues par le FN. Pourquoi ?
Je ne suis pas le général en chef de la lutte contre le Front national. Mais j'ai été invitée dans ces villes, j'irai. Nos interlocuteurs nous disent: «Ne nous laissez pas tomber.» Une fois les élections passées, les gens restent. Il ne s'agit pas de faire un « tour de France ». Mais Strasbourg a révélé une prise de conscience citoyenne, il faut l'entretenir. Je prendrai ma part dans le débat national.

Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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