Le non, 21 avril de l'Europe

Daniel Vaillant
Entretien avec Daniel Vaillant, député-maire du XVIIIème arrondissement de Paris, paru dans le quotidien Le Figaro daté du 20 mai 2005
Propos recueillis par Nicolas Barotte

 

Le discours prononcé hier par Lionel Jospin peut-il être l'élément décisif pour convaincre les indécis à gauche ?
Je ne sais pas s'il aura été décisif, mais il était attendu. Lionel Jospin a cette originalité de ne pas être en responsabilité, de ne pas en revendiquer et donc de pouvoir intervenir avec une grande sincérité, une grande vérité et donc une grande autorité. Il fallait qu'il s'exprime pour poser les enjeux de cette consultation référendaire qui n'est pas sans risque.

Son intervention répond-elle aux arguments du non ?
C'est bien qu'il puisse dire avec force ce qu'il pense de la vacuité des arguments des tenants du non, notamment quand ils sont de gauche et qu'ils sont des éminents dirigeants du PS. Il y a une forme de tromperie à l'égard des Français dans ce qu'ils disent. Le non est ininterprétable. Il mélange l'extrême droite, le souverainisme, l'extrême gauche antisocialiste, le PC anti-européen. Les dissidents socialistes y sont bien marginaux. Il faut dire la vérité aux électeurs de gauche : le non est une impasse.

Que se passera-t-il au PS après le référendum ?
Le 29 mai, chaque Français, chaque socialiste sera face à sa responsabilité. Jusqu'au scrutin, il faut se concentrer sur cet enjeu. Si le oui l'emporte, les socialistes pourront entamer une marche progressive vers l'alternance et on verra les leçons à tirer de cet épisode référendaire. Sans faire de catastrophisme, je pense qu'une victoire du non provoquerait un 21 avril de l'Europe. Le PS serait en crise. Il revivrait une guerre idéologique des deux gauches : entre la gauche réformiste et européenne et la gauche du grand soir et souvent de la gueule de bois du lendemain.

Comment expliquez-vous que l'électorat de gauche soit à ce point divisé ?
L'électorat de gauche est moins divisé qu'il n'y paraît sur les enjeux nationaux : il souhaite le changement en 2007. Mais une partie se laisse abuser par ceux qui affirment qu'il faut sanctionner Chirac, Raffarin et Sarkozy tout de suite. Ceux-là les trompent. Avec un non majoritaire, on perd les avancées du traité constitutionnel et on garde les textes actuels, Chirac, et peut-être même Raffarin. Ce serait une victoire à la Pyrrhus. Les électeurs socialistes doivent choisir leur camp : celui de l'Europe et d'une gauche capable de gagner en 2007 ou celui du repli et de la confusion.

En voulez-vous à Laurent Fabius ?
Je veux préserver l'après-29 mai, notamment si le oui l'emporte. Mais on ne pourra pas être amnésique. Pour la suite, je pense que les socialistes devront faire clairement le choix d'une gauche réformiste. Pour incarner ce projet, je fais davantage confiance aux gens qui ont pris parti pour le oui qu'à ceux qui ont choisi, pour des raisons de tactique, de rompre avec leur propre parcours.

Les sondages donnent le non en tête, êtes-vous gagné par l'inquiétude ?
Le non comporte beaucoup de risques, le oui est rassurant. Comme ce n'est pas ressenti ainsi par de nombreux Français, il faut continuer à faire campagne pour convaincre, un à un, les électeurs. Personnellement, je préfère faire des estrades communes avec les socialistes européens plutôt qu'avec la Ligue communiste révolutionnaire ou José Bové.

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