Projet de Constitution européenne
« Nous sommes prêts à assumer une crise »

Manuel Valls
par Manuel Valls, député de l'Essonne et maire d'Evry.
Entretien accordé au quotidien Libération daté du 30 septembre 2003


 

Voterez-vous non au projet de Constitution s'il est soumis en l'état à référendum ?
Absolument. Le texte issu de la convention Giscard comporte des avancées par rapport au traité de Nice. Je pense au rôle du Parlement européen, à l'extension du vote à la majorité qualifiée ou, plus globalement, au fait même qu'il propose une Constitution européenne ; projet que les socialistes portent depuis des années. Mais la réponse apportée correspond-elle à notre idéal socialiste et social ? Je ne le crois pas.
Le texte comporte des manques lourds qui touchent à notre identité. Dans le domaine social, alors que nos concitoyens pensent déjà que l'Europe est un vecteur de dérégulation économique, les insuffisances sont patentes. Nous ne pouvons pas nous interroger sur la mondialisation, sur l'OMC, sans nous interroger sur l'Europe. S'il s'agit d'un texte fondateur, nous devons nous exprimer en fonction de nos convictions.

La construction européenne n'est-elle pas forcément le fruit d'un compromis ?
Certes. Mais je ne crois pas que nous pouvons une nouvelle fois aller devant les Français, s'il y a référendum - et je souhaite qu'il y ait référendum -, en leur disant « c'est à nouveau un compromis, c'est insuffisant, mais il faut voter oui pour éviter la crise ». Nous ne serions pas compris.

Quitte à assumer une crise en Europe ?
Oui. C'est difficile à concevoir pour des socialistes. Nous avons toujours été présents à toutes les étapes de la construction européenne. Mais j'ai la conviction que si nous ne renouons pas les fils entre l'Europe et les questions économiques et sociales, nous serons en grande difficulté. Depuis le traité de Maastricht en 1992, les couches populaires décrochent. Si, de nouveau, nous abdiquons sur ces questions, nous ne pourrons pas convaincre de l'utilité de l'Europe.

Vous êtes devenu eurosceptique ?
Je refuse ce qualificatif. Je suis fils d'Espagnols et je crois à l'idéal européen. Mais je suis devenu européen-exigeant. Depuis le 21 avril 2002, je m'interroge sur les causes de notre échec. Notre pays traverse une crise politique majeure. La coupure entre les élites et le peuple s'accentue. Le rôle d'une formation politique comme la nôtre, si nous ne voulons pas nous contenter d'incarner une alternative de gestion, est de renouer le lien entre le peuple et les élites. La question européenne est au coeur de cet enjeu.

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