Les régions de gauche deviendront des laboratoires pour préparer 2007

Manuel Valls


Entretien accordé par Manuel Valls, député de l'Essonne et maire d'Evry, au quotidien Le Monde daté du 28 mars 2004
propos recueillis par Isabelle Mandraud


 

Vous attendez-vous, dimanche, à une amplification des résultats du premier tour ?
Attendons le vote du peuple pour en mesurer vraiment la portée. Mais nous sentons de la part des Français, au-delà de la sanction qu'ils ont infligée au gouvernement, une volonté de nous confier, d'une certaine façon, le droit de préparer un projet d'alternance pour 2007. Soyons bien attentifs, car c'est un message très exigeant. Il nous faudra encore beaucoup travailler. C'est la tâche essentielle à laquelle doit se consacrer François Hollande. La gauche redresse en tout cas la tête, d'abord parce que c'est évident, ici, à Evry, le PS a retrouvé, en partie, le vote populaire, des salariés et de la jeunesse.

Le message national domine- t-il l'enjeu régional ?
L'enjeu national, tout le monde en convient désormais, est évident. Mais l'un des paradoxes de ce vote, c'est qu'il en sortira aussi des présidents de région plus forts avec des majorités solides. Les régions comme l'Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'Ile-de-France ou Poitou-Charentes, mais aussi les départements, seront autant de laboratoires dans lesquels la gauche va pouvoir puiser, inventer des idées pour 2007.

Combien de régions le PS et ses alliés espèrent-ils emporter ?
Nous avions dit que si nous gagnions une, deux ou trois régions, en plus des huit que la gauche préside, ce serait un succès. Nous pouvons en gagner bien plus.

A gauche, le report de s voix, là où il y avait des listes séparées, se fera-t-il aisément ?
Il se fera largement. La volonté unitaire de nos électorats est très forte. Et les trois principales formations - PS, PCF et Verts - ont toutes, soit ensemble, soit séparément, bénéficié de cet élan vers la gauche. Et puis nous n'avons pas bâti uniquement un accord électoral, mais un partenariat fondé sur une nouvelle alliance. Avec les Verts, cela s'est fait autour de l'engagement de faire des écorégions, notamment en Ile-de-France ; avec le PCF, je retiens notre accord autour de l'idée que les subventions publiques aux entreprises doivent désormais faire l'objet de contreparties fortes en matière d'emploi. Avec la droite, en revanche, on a le sentiment de revivre le sauve-qui-peut de 1997. Elle avait sorti Philippe Séguin entre les deux tours. Aujourd'hui, c'est Nicolas Sarkozy, avec l'illusion que la réponse à la crise sociale ne serait que sécuritaire. C'est faire le lit du FN, qui reste encore trop puissant.

La gauche ne court-elle pas le risque de perdre l'Ile-de-France ?
Je suis confiant, car la personnalité de Jean-Paul Huchon et sa campagne se sont imposées. J'ai senti, au cours de cette semaine, se former un véritable élan autour de lui.

Si l'opposition l'emporte, demanderez-vous la démission de Jean-Pierre Raffarin ?
Ce n'est pas notre affaire. Je remarque simplement que Jacques Chirac a été désavoué. Sa pratique du pouvoir, sa démagogie, sa trahison du message du 5 mai 2002 sont incontestablement au cœur de la sanction, mais, comme d'habitude, il ne changera rien. Le président de la République fera tout pour préserver son clan et ses intérêts. Après avoir tout fait pour favoriser l'abstention, en minimisant l'enjeu du scrutin, le gouvernement nie le message des Français du premier tour. Il nous promet plus de " réformes ", c'est-à-dire une mise en cause aggravée de notre pacte social et républicain. C'est bien la marque d'une droite qui n'accepte pas le verdict des urnes.

La victoire des socialistes espagnols a-t-elle eu une influence ?
Pour moi, il y a effectivement un message : la démocratie est un bien précieux. Les comparaisons ont leurs limites, mais nos concitoyens ont pu se dire, malgré notre crise politique, que la meilleure réponse pour en sortir, c'est le sursaut civique et le vote à gauche.

Finalement, le nouveau mode de scrutin, que le PS avait combattu à l'Assemblée nationale, ne vous a pas été défavorable...
Nous avions proposé, en 1997, un mode de scrutin à deux tours, certes avec des seuils différents, mais déjà avec une prime majoritaire. Le fait de dégager des majorités claires est une bonne chose pour la démocratie et la lisibilité de l'action. De toute façon, aucun mode de scrutin ne peut entraver un élan populaire puissant.

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