Constitution européenne
Le temps des petits putschs est dépassé

Manuel Valls

Entretien avec Manuel Valls, député de l'Essonne, maire d'Évry, paru dans Le Parisien daté du 21 novembre 2004.
Propos recueillis par Didier Micoine
 

A dix jours du vote des militants PS, le non peut-il l'emporter ?
Je crois que c'est possible. J'ai le sentiment que les militants sont de plus en plus convaincus par nos arguments contre un texte qui épouse la logique libérale et rend impossible une Europe-puissance. Cela dit, depuis des semaines, nous faisons face à une pression politique et médiatique très forte. Et il est déjà tout à fait extraordinaire que les pronostics soient encore aussi serrés.

Le camp du oui assure qu'une victoire du non serait dramatique...
Pour les partisans du oui, le seul moyen de convaincre, c'est de dramatiser et de prendre en otages les militants. A la lecture du texte, beaucoup de socialistes considèrent pourtant que le traité ne répond pas à la crise politique et civique que l'Union européenne traverse, qu'il renforce même cette crise, ouvrant le chemin à l'extrême droite et au populisme. C'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle je me suis engagé contre cette logique-là.

Ne banalisez-vous pas l'impact qu'aurait une victoire du non ?
Nous ne pouvons pas le banaliser puisque nous considérons que notre non est fidèle aux exigences du PS en faveur d'une Europe sociale, qui mette en œuvre l'harmonisation fiscale indispensable pour lutter contre les délocalisations et défendre les services publics. Il serait dramatique de tourner le dos à nos engagements du printemps dernier.

François Hollande joue-t-il son poste de Premier secrétaire ?
Non. Bien sûr, on ne convoque pas un référendum militant sur un sujet aussi important sans en avoir mesuré les conséquences, et surtout on ne doit pas le transformer en plébiscite. Les adhérents souhaitent être consultés sur des sujets de fond, mais ils ne veulent pas d'une crise de direction après les victoires de mars et de juin derniers. Pour dépasser le 21 avril et représenter un espoir en 2007, le PS a besoin de débattre, mais dans la sérénité. C'est bien mon état d'esprit.

Votre nom est cité comme possible Premier secrétaire si le non gagne...
C'est absurde. Le premier secrétaire tire sa légitimité d'un congrès et du vote des militants qui le désignent directement. Le temps des petits putschs est dépassé. La responsabilité d'un Premier secrétaire, et je fais confiance à François Hollande pour cela, c'est d'assurer l'unité du parti et de sa majorité jusqu'au prochain congrès de 2006.

Dans le camp du oui, on affirme que le projet du PS pour 2007 ne sera pas le même si c'est le non qui gagne...
Cela m'inquiète pour nos valeurs et les fondements mêmes de notre projet. Un projet qui serait donc lié, pour certains qui souhaitent peut-être une alliance avec le centre, à un texte négocié par une majorité de gouvernements de droite, par Jacques Chirac et qui, aujourd'hui, est soutenu par Nicolas Sarkozy et le Medef. Si c'est cela notre identité, oui, je m'inquiète !

Sur quoi vous basez-vous pour assurer que, en cas de victoire du non, il y aura renégociation du traité de Nice ?
Si on fait un référendum, c'est bien qu'il y a un choix. Si le non l'emporte, cela signifie qu'il existe d'autres orientations, d'autres scénarios. A la mi-octobre, tous les grands spécialistes du droit européen se sont réunis à La Haye. Ils ont examiné les différentes options. Ils considèrent que la plus probable, si un ou plusieurs pays refusent le texte, c'est la renégociation de la Constitution, qui doit se contenter de porter sur les institutions et les valeurs.

L'engagement de Fabius aura-t-il été un atout ou un handicap ?
Un atout, incontestablement. La personnalité de Laurent Fabius, son expérience, l'évolution qui a été la sienne, et que je crois profondément sincère, ont évidemment contribué à renforcer les chances du non. Dans ce débat, nous restons tous sur des positions de fond.

Lionel Jospin reproche à François Hollande d'avoir joué avec le feu avec ce référendum interne...
Il est vrai que le référendum interne n'est pas dans notre culture. Mais les militants vont voter dans quelques jours : laissons-les choisir librement ! Nous contribuons ainsi à éclairer les Français sur les enjeux de ce traité. Quoi qu'il arrive le 1er décembre, nous aurons donné aux électeurs les clés d'un choix capital.

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