Jean-Luc Mélenchon
Vincent Peillon
Manuel Valls
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Nous sommes altermondialistes. Nous nous battons tous les jours pour un autre monde possible. Nous nous battons contre les dictatures des marques, contre l'emprise des marchés, contre l'indécence des puissants, contre l'arrogance des multinationales, contre les capitulations des gouvernements face à une logique étroitement économique et financière qui confisque la démocratie, aggrave les inégalités, n'assure pas le développement, défigure notre planète, fait une utilisation sélective et cynique des droits de l'homme, s'accommode de trop de conflits, de guerres et de génocides.
Nous sommes antiracistes. Les discriminations que subissent, trop souvent, les Français d'origine maghrébine ou africaine, les délits de faciès, les refus d'embauche, les soupçons permanents, les mises en demeure, l'exclusion sournoise, tout cela nous scandalise, nous indigne et nous le combattons. Les insultes, les coups, les brimades que subissent d'autres Français, juifs ceux-là, nous répugnent de la même façon.
Nous sommes socialistes. Nous voulons que notre parti, que toute la gauche avec lui, dans la fidélité à leurs valeurs, s'exprime avec clarté et force sur ces sujets et s'engage résolument dans le combat pour une autre mondialisation. Et nous voulons construire un avenir de paix. Nous nous sommes battus contre la guerre en Irak. Nous refusons l'unilatéralisme de l'administration américaine. Nous souhaitons la réussite de Lula. Nous nous engageons pour que vivent côte à côte deux Etats, Israël et la Palestine, également libres, dignes et démocratiques. Nous sommes, spontanément, naturellement, des combats que l'on menait, hier à Porto Alegre, ou demain à Paris et saint-Denis. La tenue du forum social européen, chez nous, au moment où certains veulent entraîner l'Europe dans un chemin sans retour vers l'ultralibéralisme, est un événement qui nous réjouit, qui nous mobilise et que nous soutenons.
C'est pour cela que nous le voulons sans tâche, sans ambiguïté, sans concession au racisme ou au communautarisme.
Nous sommes altermondialistes. Nous sommes républicains. Et nous voulons pouvoir être les deux ensemble sans contradiction ni gêne. Républicains, nous ne nous pouvons admettre que l'on trie les citoyens français en fonction de leur race, de leur origine, de leur religion. Ce déterminisme nous fait horreur.Nous ne supportons pas que l'on introduise, dans ce pays, ces discours de haine. Or, ce que vient de faire Tariq Ramadan porte bel et bien à la haine et à la discorde raciale. C’est un crime contre la République.
En pointant des intellectuels désignés comme “juifs” et en les plaçant en dehors de la raison commune, Monsieur Ramadan s'est inscrit dans la tradition classique de l'extrême-droite. Ce sont les fascistes qui pensent et parlent ainsi. C'est Jean-Marie Le Pen, qui pourfendait “l'internationale juive, constitutive de l'esprit antinational”, et livrait à la vindicte populaire des noms à consonance juive.
L’extrême-droite est notre ennemie, sans doute ni ambiguïté. Monsieur Ramadan, lui, prétend être notre ami. Il inscrit sa dénonciation des juifs dans un cadre progressiste, au nom de la défense de la Palestine, des valeurs de l'humanité. Il le fait dans le cadre de la préparation du Forum social. Cette manipulation est d'autant plus odieuse.
Il ne s'agit pas pour nous, ici, de rejoindre les positions de tel ou tel. Nous sommes parfois d'accord, parfois en désaccord, avec les positions de Bernard Henri Lévy, de Bernard Kouchner, d’Alain Finkielkraut, d’Alexandre Adler, d'André Gluscksmann, de Pierre-André Taguieff, tous rassemblés par Ramadan dans une vindicte commune. Mais nous savons une chose. Ces intellectuels ne pensent pas de conserve, ni selon une logique de complot, ni guidés par des considérations de race ou de religion. Et tous, pour nous, pensent en tant qu'hommes, sont approuvables ou réfutables dans le champ des idées, de la conscience, de la raison commune et dans le respect de leur humanité et de leur sincérité. Les réduire à une origine est une infamie.
Tariq Ramadan, malgré ses prétentions, n’agit ni en musulman, ni en arabe, mais d’après un principe d’action spécifique à l’extrême-droite. Pour nous, cette démarche n’a rien à faire au Forum social européen.
En habillant d’un prétendu progressisme l’antisémitisme, en dévoyant un combat qui nous est indispensable, Monsieur Ramadan a franchi une étape. C’est sa faute. Mais c'est notre problème, si ce Monsieur prétend participer aux combats qui sont les nôtres. Le présenter, comme un membre de la famille altermondialiste, comme un interlocuteur valable de nos débats communs, nous est insupportable. Notre problème, et celui de tous les progressistes, qui ne peuvent admettre d'être associés, de près ou de loin, à de tels propos.
Il ne s'agit pas de rejeter l'Islam, les Arabes, l'autre, la diversité culturelle. Pour nous, Tariq Ramadan ne représente rien de tout cela. Mais de rester fidèles à nos principes, à notre morale, à nos espoirs. Un autre monde est possible et souhaitable. Il ne peut faire place aux démons du racisme et de l'antisémitisme Nous sommes socialistes, républicains, altermondialistes. Et pour cela, Monsieur Ramadan ne peut pas être des nôtres.
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