Mon socialisme



Contribution de Philippe Vasseur, conseiller général du Pas-de-Calais


 
Nous socialistes, nous - gauche plurielle -, avons perdu en 2002 par couardise, par angélisme et par défaut.

Par couardise, car le gouvernement socialiste a eu peur du peuple.

Peur de dire la vérité sur les marges de manœuvre réelles qui imposaient aux politiques françaises des contraintes extérieures sur lesquelles nous n’avions plus que de rares possibilités d’adaptation hexagonales (traités européens, BCE, financiarisation de la vie économique, etc..).

Peur que les attentes connues, identifiées, parfois hurlées des plus démunis de nos concitoyens ne puissent être satisfaites dans un temps supportable par eux, les Français faisant peu de cas des obligations politiciennes ou communicantes imposées par les rythmes et cycles de la législature et de la campagne politique.

Peur des élucubrations et discours démagogiques de l’extrème-gauche française dont la parole portait le fer, chaque fois un peu plus, sur les carences ou insuffisances des réponses apportées par le gouvernement à la détresse, voire la désespérance des plus fragiles de nos concitoyens (CMU, APA, 35h…). Il eût fallu dire que la révolution prolétarienne n’est pas une solution pour la France et l’Europe, mais que celle-ci a toujours affaibli la situation des plus faibles et enrichi les plus forts. Les ex-trotskistes ou maoïstes repentis qui nous gouvernent pouvaient-ils renier aussi facilement leurs vieilles lunes, rien n’est moins sur… !

Peur de la décentralisation que nous avions commencé, au plus grand bénéfice de la France et des Français en 1981-1983. Cette grande innovation mise en place par les socialistes : pouvoir faire au plus proche des citoyens, est en train d’être captée par les libéraux qui la mettront au service d’une idéologie inégalitaire : dérégulation des mécanismes de péréquation entre régions riches et régions pauvres ou en restructuration, bradage des services publics… Le prix de cette dérégulation sera payée par les plus faibles et les moins adaptables, une fois de plus !

Peur surtout de rater le rendez-vous présidentiel pour les futurs ministrables qui auraient pris des risques pour la suite de leur carrière s’ils avaient oser évoquer devant le futur Président les ratés et les carences de la campagne électorale, maintes fois pointés par tous les militants de cette campagne qui ne démarra jamais pour les militants socialistes de province.

Par angélisme, car il était urgent d’apporter des réponses aux besoins de sécurité de nos concitoyens confrontés à la peur et chaque jour à mille et une incivilités.

Parfois simples problèmes de voisinage dus à la promiscuité de populations au chômage, mal intégrées ou sans repères familiaux ou culturels, ces difficultés quotidiennes sont vite devenues insupportables pour beaucoup de Français.

Cette pudeur angélique du gouvernement, face à un « ressenti », a été perçue, par le plus grand nombre, comme un cas de non-assistance à population en danger. Ce thème, martelé par les partisans d’extrème-droite et habilement repris par Chirac et les media, fit passer les gouvernants de gauche pour d’inconscients laxistes post soixante-huitards, indignes d’hommes d’état dont la mission reste l’organisation harmonieuse de la vie en société pour tous.

Ne pas attacher d’importance à ce sentiment d’insécurité, ne pas y répondre avec autorité, en rappelant les règles de vie en société, en mobilisant la force publique si nécessaire, en renforçant au passage les moyens de l’action régalienne (ou plutôt républicaine) de sécurité, ce fut oublier que la démagogie peut parfois être l’alliée de la pédagogie quand elle est pratiquée pour le bien public par des hommes de bonne volonté…

La côte de popularité actuelle de Nicolas Sarkozy montre qu’on pouvait, à très peu de frais et sur une courte période, rétablir la confiance. Il eût suffit de montrer qu’on ne prenait pas les inquiets pour des idiots ni les policiers pour des fainéants ou des matons alcooliques illégitimes (ce qui reste le cas de quelques attardés de gauche).

Superbe exemple que le cas du centre de réfugiés de Sangatte qui, depuis son ouverture (que j’avais personnellement exigée à l’époque auprès des autorités préfectorales), n’avait jamais vu la visite d’un ministre de gauche, lorsque l’exaspération de la population fut telle qu’il fut envisagé sa fermeture. En trois mois le gouvernement a donné l’impression de traiter fermement et humainement un problème sur lesquels beaucoup de mes amis ont préféré fermer les yeux. Même si la solution définitive est loin d’être trouvée, politiquement c’est très bien joué !

Par défaut, car dans cette campagne il nous a manqué une incarnation de notre projet socialiste.

Lorsque Lionel Jospin, notre candidat, a jeté aux orties son appartenance socialiste (« mon programme n’est pas le programme du parti socialiste...! »), il ne pouvait plus y avoir d’appropriation individuelle et collective des thèmes de la campagne par nos militants et sympathisants.

En se trompant de rythme, en choisissant délibérément de faire une campagne de 2ème tour, Lionel Jospin, ouvrait la voie à la démagogie et déstructurait l’affrontement à venir et le débat au sein du parti socialiste.

Restaient en lice, l’homme Jospin et l’homme Chirac et leurs poursuivants. Or Chirac n’était pas tant apprécié par les Français. Jospin semblait éloigné des réalités, les Français se sont logiquement tournés vers ceux qui criaient le plus fort : Chevènement sembla un moment avoir la faveur de certains, mais à l’aulne de la gouaille revendicative et hurlante, Jean-Marie Le Pen et Arlette Laguillier gagnèrent le pompon, Chirac restant bien en deçà du socle électoral de la droite qu’il était censé représenter.

La machine à perdre avait fonctionné. Il restait aux républicains de tout bord à appeler au sursaut et à faire voter…Chirac.

N’aurions nous pas du être fiers de notre condition de socialistes ?

Dans le Nord-Pas-de-Calais, plus qu’ailleurs, il reste aux socialistes un sentiment d’illégitimité et d’incompréhension par rapport au monde ouvrier. Dans la grande et vieille fédération du Pas-de-Calais, de tradition guesdiste, nos camarades communistes nous ressortent périodiquement notre abandon de la lutte des classes. Quelques socialistes se sentent orphelins d’une partie des camarades qui nous ont quitté au congrès de Tours.

Ce n’est pas mon cas. Je suis un homme libre, fier d’être socialiste, un militant parmi d’autres mais aussi un élu conscient de ses responsabilités envers les militants et les électeurs.

Le parti socialiste pour moi n'est pas un parti de pouvoir comme les autres. Il a une mission envers les plus défavorisés, les plus démunis. Aujourd'hui, il faut nous engager à résister à la facilité. Je pense qu’il y a toujours en France deux projets de société différents entre la gauche et la droite : Une France et une Europe sociale, pour nous socialistes, contre une société libérale, financiarisée, mondialisée et inégalitaire pour la droite.

Pourtant ce n’est pas d’un Parti socialiste plus à gauche ou plus à droite dont les Français ont besoin. C’est simplement d’un réel Parti socialiste qui défend ses idées après en avoir débattu dans ses réunions et sur l’agora, la place publique.

Si la mondialisation capitaliste, c’est le chômage en Europe (sauf pour les grands capitalistes) et l’esclavage dans le tiers-monde…, le communisme soviétique (dont se revendique le PCF par son appartenance à l’Internationale Communiste), prône une mondialisation aussi néfaste (appelée internationalisme…) avec un emploi mal payé pour tous (égalitarisme) et la liberté pour personne, hormis les dirigeants de la nomenklatura.

Entre ces deux visions du monde qui ne peuvent satisfaire les gens épris de justice et de liberté, il y a la solidarité du socialisme et de la République et leur valeurs.

Non, la liberté n’est pas le libéralisme, théorie économique prônée par les plus forts pour mettre en œuvre la loi de la jungle et la dérégulation des services publics (i.e. au service du public).

Non, l’égalité n’est pas l’égalitarisme qui corrompt le droit à la différence et interdit tout esprit d’initiative individuelle.

Oui la fraternité est l’horizon à atteindre et l’utopie socialiste et républicaine par excellence. Elle n’appartient à personne et à tous mais surtout pas aux églises et aux sectes qui de tout temps ont tenter d’asseoir leur pouvoir temporel sur les âmes faibles afin de les asservir et de les envoyer combattre, au nom d’une prétendue vérité révélée, les religions concurrentes…

Nombreux sont ceux qui seraient prêts à nous rejoindre mais ils ont besoin de comprendre, et d’être sur que le PS est bien un lieu où l’on débat, ou l’on peut s’approprier les textes qui sont élaborés par les experts, de manière collective et démocratique… La reconstruction de la gauche n'est pas seulement une affaire de formulation de propositions et de nouvelles alliances, elle implique d'en revenir à une pensée libre, en dehors des anciens schémas comme des nouveaux conformismes. Le Pas-de-Calais ne s’est pas sorti trop mal des dernières élections législatives (12 députés sur 14) mais nous devons désormais être prêts à gouverner la France à nouveau pour transformer et réformer un système de société inhumain voire anti-humains...

Pourtant reconnaissons humblement que nous n’avons pas réponse à tout. Que la société civile, les associations, les syndicalistes ont des choses à nous apprendre et à nous montrer de la réalité de la vie des Français.

Je souhaite que le parti socialiste reste ce parti de militants divers mais unis par les mêmes soucis de liberté, d'égalité, de fraternité et de solidarité et je suis convaincu que la politique ne retrouvera ses lettres de noblesse qu'à la condition qu'elle reste au plus près des citoyens.

Le Parti socialiste porte cette espérance. A nous de montrer aux Français que nous sommes un parti d'avenir.


Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]