Les utopistes et les carriéristes ont tort !



Contribution au débat de Philippe Vasseur, conseiller général du Pas-de-Calais, diffusée à l'occasion du référendum interne du 1er décembre 2004


 
Nos victoires électorales de 2004 nous ont à peine replacé dans la position de leader politique pour une prochaine alternance à l’entreprise de démolition menée par la droite de messieurs Chirac-Raffarin-Sarkozy que les combats des chefs reprennent au Parti socialiste : ce n’est pas acceptable !

Les positionnements stratégiques des carriéristes et des écuries présidentielles au PS sont indécentes, illégitimes et en tout cas hors de propos pour l’échéance qui nous attend dans ce débat sur l’adoption du traité européen.

Ce traité ne mérite à mon avis ni l’opprobre des uns ni les atermoiements des autres.

Les utopistes devraient accepter que l’intégration européenne est un processus lent et volontaire à préserver du lyrisme et qu’on a rarement raison contre tout le monde et en particulier contre les syndicats et nos camarades socialistes européens !

Je ne souhaite pas entamer de procès en sorcellerie ou en dérive idéologique contre quiconque mais réaffirmer ici que ce qui nous réunit en Europe et dans ce traité est bien plus transcendant que ce qui nous divise. Dans nos sociétés européennes actuelles, les glissements et dérives insidieuses opérées par l'influence des thèses extrémistes reprises par les exaltés ou hypocrites de tout bord exigent que chacun s'interroge sur ce à quoi il croit... sur les valeurs collectives que nous entendons défendre et transmettre...

Bref il s'agit de faire appel à l'intelligence de nos adhérents et de nos concitoyens plutôt qu'à leurs pulsions. Pourquoi nous sentons nous Français, parfois européens, voire citoyens du monde. L’internationale socialiste existe-t-elle comme rempart à une mondialisation libérale ?

Pourrons nous nous montrer à la hauteur de l’héritage des fondateurs de la république et de l’Union Européenne et préparer les citoyens de demain afin que perdurent les idéaux qui nous ont, chacun, conduits un jour à demander une carte de militant du Parti socialiste…

NOS VALEURS

Dans la longue litanie des griefs contre la vie politique et ses représentants on entend souvent parler de la perte des valeurs ! De quelles valeurs s'agit-il et quelles sont les valeurs qu'un citoyen français partage avec ses compatriotes et avec ses partenaires européens ? Y-a-t-il une identité française et une identité européenne pour laquelle nous serions prêts à combattre demain ?

Le malaise qui se profile à l’occasion de ce referendum et empoisonne la vie démocratique de nos sections et de nos fédérations, devrait nous obliger à répondre préalablement à deux questions : « Sommes nous compris par les Français et quelles sont les valeurs que nous incarnons puis comment y faire adhérer la majorité de nos concitoyens ? »

On a rarement raison contre tout le monde ! Si les valeurs qui ont fondé notre république ont bien leur source dans notre pays au siècle des Lumières, n’est-ce pas une démarche « intégriste » de penser que tous les autres partis socialistes européens auraient opéré une dérive inacceptable et seraient coupables de collusion avec le libéralisme ?

La mondialisation est surtout visible et ressentie actuellement dans ses excès, notamment la globalisation financière, accentuée par la rapidité des échanges de capitaux rendue encore plus aisée par la révolution électronique et informatique. Sur le plan culturel, la mondialisation amène autant le développement des échanges culturels que l’acculturation induite par les enseignes franchisées, la monnaie unique ou la prédominance de la langue anglaise comme principal vecteur de ces échanges.

A chaque fois on trouve dans la globalisation le meilleur et le pire, l’avancée et son inverse dans la voie d’une intégration qui peut être au service de l’humanité s’il elle n’a pas pour vocation d’asservir les populations concernées.

Quand la mondialisation peut permettre de fixer des règles pour supprimer dans de nombreux pays le travail des enfants, elle autorise aussi les pays occidentaux à délocaliser la production nationale dans des pays aux lois sociales moins contraignantes.

La mondialisation, ce peut-être l’abolition de la peine de mort comme principe humain d’une civilisation mondiale ou l’uniformisation positive ou négative des salaires du travail. Mais c’est aussi rendre plus facile la libre circulation des peuples en même temps que les trafics d’arme, la prostitution ou la drogue.

La mondialisation c’est aussi la standardisation qui attise de nombreuses peurs : perte d’identité, disparition des monnaies nationales, de son drapeau ou emblème, de son terroir, de sa langue, de sa culture ?

Cette peur de l’uniformisation ne conduit pas les hommes à prendre en main leur destin car la citoyenneté n’est pas le principe préalable fondateur de cette mondialisation. Les Français ont peur de perdre leur emploi, leur pouvoir d’achat, peur des délocalisations. Est-ce le traité proposé qui en est responsable ?

Depuis le mois de mai 2002, Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin mettent en œuvre de façon très méthodique une politique de démolition de notre modèle social fondé sur la solidarité. Ce gouvernement de mission n’en a qu’une : celle de contraindre, de détruire, de démolir ce que la gauche était, tant bien que mal, parvenue à arracher au libéralisme et à la financiarisation de notre société.

Avec ce gouvernement la réforme et le progrès sont devenus synonymes de rigueur et de régression. Ses choix sont désastreux, ses résultats sont sans appel : Le chômage a augmenté, les plans de licenciement se sont multipliés, la croissance s’est ralentie, les déficits de l’Etat et de la sécurité sociale ont explosé. C’est la fin de la plupart des droits sociaux conquis par la lutte de nos aînés, la disparition de la solidarité nationale, la banalisation de la précarité et l’accroissement des inégalités.

Si ce traité n’est pas parfait il n’est pour rien dans la situation de la société française.

LE TRAITÉ ET LES VALEURS

Les valeurs contenus dans le traité ne sont pas en contradiction avec les nôtres : Les objectifs de l’Union incluent désormais le plein emploi, le progrès et la justice sociale, le combat contre l’exclusion sociale, la lutte contre les discriminations, l’égalité entre les femmes et les hommes, la cohésion territoriale, le développement durable, la diversité culturelle et linguistique, la paix, la solidarité entre les peuples…

Dans le traité la diversité et l’exception culturelles sont garanties, le caractère laïc de l’Europe est maintenu. (Le traité constitutionnel ne fait référence ni à Dieu ni à un héritage cultuel particulier.)

Le traité introduit une clause sociale générale qui dispose que des décisions contraires à la lutte contre les exclusions sociales ou à un niveau de protection sociale élevée pourront demain être annulées devant la Cour de Justice de l’Union.

Le droit de pétition contenu dans le traité constitutionnel permettant au moyen d’un million de signatures d’imposer la discussion d’une loi européenne est une réelle avancée démocratique.

La charte européenne des droits fondamentaux est constitutionnalisée, elle contient notamment : le droit de grève, le droit à l’information et la consultation des travailleurs, la protection contre les licenciements abusifs, le droit aux congés payés et à une limitation de la durée maximale du travail.

POURQUOI JE DIRAIS OUI !

Si nous rejetions la Constitution à ce stade parce qu’elle ne serait pas assez bonne, nous n’obtiendrions pas nécessairement une meilleure version. Ce rejet ouvrirait à coup sûr une période de chaos en Europe, au profit des forces néolibérales et d’une mondialisation débridée. La nouvelle version donnerait évidemment aux ennemis de l’Europe sociale une nouvelle occasion de s’opposer à l’incorporation de la Charte des droits fondamentaux et à d’autres aspects de l’Europe sociale

Je ne souhaite pas que nous nous isolions de nos camarades du PSE avec lesquels nous devrons mener une campagne transnationale pour le referendum et au-delà pour l’améliorer lorsque nous reviendrons au pouvoir.

Une crise nous isolerait durablement des syndicalistes de la CES qui soutiennent le traité.

Dès lors avec qui avancerions nous ? Une stratégie européenne sans partenaire européen n'est pas crédible et ne peut aboutir qu'au retour en arrière. La crise ne serait pas fondatrice. Bien au contraire, elle pourrait ouvrir une longue phase de régression sociale et politique.

Pour moi la construction de l’Union européenne est un projet unique dans l’histoire moderne.

Dans une région qui est encore la première à bénéficier des fonds structurels européens et des investissements productifs étrangers, il serait bizarre voire incohérent de nous renfermer de manière stérile sur un régionalisme autarcique.

C’est au contraire notre histoire, nos valeurs de solidarité, la présence de nombreux travailleurs venus de toute l’Europe dans notre région pour y trouver la stabilité et la prospérité qui nous commandent de voir plus loin que nos combats d’arrière-boutique…

Nous socialistes sommes liés à l’Europe, nous devons en demeurer les artisans bâtisseurs y compris de cette nouvelle étape imparfaite mais cohérente.


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