Pour un nouvel élan culturel

Henri Weber

 Contribution thématique au congrès national de Dijon présentée par Henri Weber, secrétaire national à la culture et à la formation, sénateur de Seine-Maritime.
18 janvier 2003



 
Les socialistes ne proposent pas seulement aux français une société du bien-être, et de justice sociale, mais aussi une société du bien-vivre, c’est à dire une société où les femmes et les hommes pourront réaliser toutes les potentialités dont ils sont capables, et en particulier les plus hautes : exercer leur liberté, accéder pleinement aux œuvres de la culture et de l’esprit, donner libre cours à leur créativité individuelle et collective.

C’est pourquoi l’ambition culturelle fut de tout temps et reste plus que jamais au cœur de leur projet.

C’est principalement sous leur impulsion que notre pays s’est doté du réseau d’équipements culturels (théâtres, musées, opéras, salles de spectacles et de cinéma, bibliothèques, médiathèques...) le plus dense et le plus diversifié du monde. D’une offre culturelle foisonnante aussi, proposée par de nombreuses compagnies indépendantes, institutions et acteurs culturels, sur toute l’étendue de notre territoire.

La politique menée lors de la précédente législature, sous l’impulsion de Catherine Trautmann d’abord, de Catherine Tasca ensuite, a prolongé ce sillon : le budget de la culture, gravement amputé par la droite entre 1993 et1997, a été redressé pour atteindre à nouveau 1 % du budget de la nation ; l’exception culturelle a été défendue avec succès à Seattle et à Doha ; un plan d’envergure de 5 ans pour le développement artistique à l’école a été lancé, le soutien aux pratiques amateurs et aux arts populaires (musiques actuelles, théâtre de rue, mimes, marionnettes, cirque, cabaret) a été renforcé, de nouveaux équipements culturels ont été programmés pour compléter le réseau existant ; le budget de l’audiovisuel public a été augmenté de 35 % en 5 ans, la durée des écrans publicitaires a été réduite de 12 à 8 minutes ; les ressources de l’audiovisuel public ont été regroupé dans la holding France télévisions, la pratique des “ contrats d’objectifs et de moyens ”, entre les présidents de chaînes et l’Etat a été instituée ; un rôle pionnier a été dévolu au service public de l’audiovisuel pour promouvoir la télévision du futur, la “ télévision numérique terrestre ”.

Cependant, “ l’effet ciseau ” dans le domaine du spectacle vivant n’a pu être surmonté : les coûts de fonctionnement augmentent encore plus vite que les ressources, si bien que les ajustements se font souvent au détriment de l’activité artistique proprement dite. Le sous-financement chronique de notre audiovisuel public par rapport à ses homologues étrangers (britannique et allemand) et par rapport à ses concurrents (TF1, M6...) n’a pu être effacé.

Devant les professionnels de la culture en mars 2002, au Théâtre Edouard VII, et devant ceux de l’audiovisuel au “ Cinéma des Cinéastes ”, Lionel Jospin s’était engagé à poursuivre notre effort et avait présenté un ensemble de propositions en faveur d’un “ nouvel élan culturel ”.

La droite revenue au pouvoir a renoué, comme il fallait s’y attendre, avec ses pratiques habituelles, et aussi avec ses vieux démons. Le budget de la culture a été réduit de 5,2 % en 2003, en dépit d’une présentation ministérielle tentant de faire croire le contraire, sans tromper personne. Cette paupérisation du secteur culturel va se poursuivre, le Gouvernement Raffarin comptant sur les finances des collectivités locales et sur le mécénat pour pallier le désengagement de l’Etat. Le plan de généralisation de l’enseignement artistique à l’école est remis en cause. Le statut des intermittents du spectacle est à nouveau menacé ; la disparition des “ emplois-jeunes ” frappe de nombreuses institutions et associations culturelles. Le service public de l’audiovisuel est déstabilisé par la contraction de ses ressources comme par le “ gel ” des trois chaînes de télévision numérique qu’il devait mettre en oeuvre, tandis qu’une partie de la majorité de droite rêve toujours de privatiser France 2 ou France 3. Les atteintes à la liberté de création des compagnies, ou des institutions culturelles, de la part des municipalités de droite, ne se comptent plus. La tentation d’un certain retour à l’ordre moral s’est affirmée à l’occasion du débat sur la pornographie et la violence à la télévision.

Dans ces conditions, les socialistes doivent placer plus que jamais le développement culturel au cœur de leur programme, prendre toute leur place dans la lutte pour le soutien à la création et pour l’accès du plus grand nombre aux œuvres et aux pratiques culturelles.

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I/ La culture au cœur de la cité

 
Cinq évolutions majeures confèrent en effet aujourd’hui une importance décisive à notre objectif de développement culturel :
     L’extension du temps libre, s’ajoutant à l’élévation du niveau d’éducation générale de la population, entraînent une forte augmentation de la demande culturelle d’une partie sans cesse croissante des français.

     L’affaiblissement du lien social, sous l’effet de la montée de l’individualisme et de la différenciation croissante des groupes sociaux, confère aux activités et aux associations culturelles un role accru dans l’intégration et la cohésion de notre société. C’est pour cette raison aussi que l’ambition culturelle est au centre de notre projet.

     La tendance à la marchandisation du secteur de la culture - conséquence de l’explosion de la demande solvable des biens et des services culturels - fait de ce secteur un enjeu de civilisation de première importance à l’heure de la mondialisation : la sphère culturelle va-t-elle devenir un champs de valorisation du capital comme un autre, soumis à la loi de l’offre et de la demande, et aux appétits des grands groupes de communication transnationaux ? Ou bien sera-t-elle, pour l’essentiel, préservée de la loi du profit et des rapports marchands, en raison du rôle qui est le sien dans la constitution des identités individuelle et collective ?
    L’Etat doit se donner les moyens d’une régulation véritable en faveur du pluralisme et de la diversité. C’est le sens de notre combat pour l’exception culturelle et pour le développement d’un service public fort de la culture : La Culture ne se négocie pas dans le cadre de l’OMC. La Commission Européenne a depuis 1999 un mandat clair sur ce point, mais il faudra rester très vigilant.

     La révolution numérique, symbolisée par le développement de l’Internet, démultiplie les moyens de satisfaire cette demande culturelle accrue. Elle permet à chacun d’accéder aux œuvres, aux savoirs, à l’information, aux échanges, à la création, par delà les frontières. Mais comme toutes les grandes révolutions techniques qui l’ont précédée, elle comporte autant de menaces que de promesses : aggravation des inégalités, accélération du mouvement de concentration dans les industries de l’information et de la communication (TV, cinéma, musique, éditions, internet, jeux vidéo...), aux plans national et international, menaçant la diversité culturelle ; nouvelles aliénations, nouvelles formes de délinquance (dont le piratage massif qui met en péril le droit d’auteur).

     L’hégémonie de l’hyper-puissance américaine s’exerce particulièrement dans le secteur de la culture et des nouvelles technologies, frayant la voie à sa domination économique et politique. Le secteur culturel est devenu un enjeu majeur de l’indépendance et de l’affirmation nationale.

    Il n’y a pas un secteur de notre intervention - croissance, emploi, modernisation, sécurité, politique de la ville, qualité de la vie, construction de l’Europe, rayonnement de la France dans le monde..., - qui n’ait sa dimension culturelle. C’est pourquoi des propositions de réformes culturelles doivent figurer dans chacun des chapitres de notre projet.

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II/ Un nouvel élan pour la culture

 
La politique culturelle, née il y a 40 ans, sous De Gaulle et André Malraux et relancée énergiquement, il y a 20 ans, par François Mitterrand et Jack Lang, doit être adaptée aux nouvelles conditions de notre siècle naissant.

L’action de l’Etat est aujourd’hui accompagnée par la montée en puissance, en général très positive, des collectivités territoriales et de la décentralisation culturelle. Elle a à faire face au développement généralisé, en revanche plus ambivalent, d’un marché des biens et des services culturels, dont les principaux acteurs - les grands groupes transnationaux de la communication - aspirent à étendre leur espace au détriment du pluralisme et de la diversité qui fondent la mission du service public.

La musique, le cinéma, l’édition, le multimédia, la presse, la télévision basculent dans le monde numérique des réseaux. Des formes artistiques nouvelles émergent, la création contemporaine est de plus en plus interdisciplinaire et internationalisée, les équipes de production ne se reconnaissent plus toujours dans les institutions culturelles. Mobilisée pour faire face aux coûts croissants des établissements et des dispositifs déjà mis en place, la puissance publique n’accorde pas toujours aux nouvelles compagnies et aux nouveaux “ arts émergeants ”, toute l’attention et le soutien qu’ils méritent.

Comment soutenir la création et la diversité culturelle, comment favoriser l’accès du plus grand nombre aux oeuvres et aux pratiques culturelles dans ce nouveau contexte de la mondialisation et de la révolution numérique ?

L’invention de nouvelles formes de soutien à la création artistique

    Le soutien à la création artistique est indispensable car il n’y a pas de culture vivante sans création.

       Les réseaux d’institutions culturelles (théâtre, musique, danse, arts plastiques...) doivent bien sûr être préservés et consolidés, leur missions et leurs moyens doivent plus que jamais être orientés vers la production artistique. Leur inscription dans leur territoire doit s’effectuer au service de publics sans cesse plus diversifiés. L’État gagne à recentrer ses interventions sur l’innovation, la prise de risque, et l’excellence. La pratique des contrats et de l’évaluation, à l’initiative des autorités de tutelles doit être développée.

       Une action doit être mise en place en faveur des “ arts émergents ”, de la jeune création, des nouvelles formes d’expression artistique, jusqu’ici insuffisamment pris en compte par le service public. Cet axe est un moyen de permettre aux institutions d’évoluer, de rester au coeur de la création vivante et de demeurer des lieux de références en matière de soutien à la création.
      A cet effet, un fonds de soutien à l’innovation artistique et aux nouvelles formes de développement culturel doit être créé.
      Il s’agit aussi de faire de la culture un catalyseur de lien social, un complément, au même degré de priorité que l’éducation. A ce titre, une attention toute particulière doit être portée à l’expression et à l’éducation artistique des jeunes. C’est pourquoi, les aides aux “ espaces intermédiaires ”, comme les friches industrielles, doivent être amplifiées, de même que les aides aux écritures contemporaines, aux résidences d’artistes, au développement des projets.
      La place de l’artiste dans la cité doit être réaffirmée ; il faut encourager de nouveaux modes de collaboration entre les institutions existantes comme les centres d’art, les FRAC, les musées et les artistes plasticiens.

       La vitalité du cinéma français passe par la préservation des mécanismes qui ont permis son développement, mais aussi par la recherche de financements complémentaires dans un environnement audiovisuel en mutation.

       La défense et l’adaptation du droit d’auteur et des droits voisins doit être réaffirmée dans le contexte des nouvelles technologies de l’information et de la communication, afin de lutter contre les tentatives d’extension du système anglo-saxon du copyright et de remise en cause de la gestion collective des droits. Cette défense du droit d’auteur passe aussi par une plus grande rigueur et une plus grande transparence des organismes collecteurs (SACEM, SACD, ADAMI, etc)

       Les politiques culturelles publiques demeurent encore trop segmentées, cloisonnées, par fonction, par genre artistique, par profession ou corps de fonctionnaires. L’approche transversale mérite d’être systématiquement privilégiée, c’est ainsi que l’insertion des monuments dans la vie d’aujourd’hui doit être encouragée par un nouveau dialogue entre le patrimoine et la création.

Renouveler la politique de démocratisation

    Un nouveau bon en avant dans la démocratisation de la culture est à notre portée et nous devons mettre un point d’honneur à le réussir. Il faut pour cela maintenir et compléter l’offre culturelle et les équipements existants qui donnent à notre pays le réseau culturel le plus dense et le plus diversifié du monde. La création du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille ; celle des “ arts premiers ”, à Paris ; l’ouverture d’un Opéra à Lille, la construction de la Cité des Archives en Île-de-France, concrétisent cette volonté.

    Il faut, aussi et surtout, promouvoir le développement d’un rapport actif des français, favoriser l’appropriation des activités culturelles par la population elle-même.

       A cette fin, le projet de généralisation de l’éducation artistique à l’école, engagé par le gouvernement de la gauche plurielle, doit être absolument préservé : une grande politique en ce domaine est la condition sine qua non du développement d’un rapport actif des français à la culture.

       De même un programme de développement des pratiques amateurs, en plein essor dans notre pays, doit être mis en œuvre.

       Des politiques tarifaires incitatives, destinées à favoriser l’accès aux concerts, spectacles et expositions selon des modalités à préciser en privilégiant l’accès aux jeunes et aux plus démunis doivent être développées.

       Le soutien aux arts “ populaires ”, musiques nouvelles et amplifiées, théâtres de rue, cirque, cultures urbaines, cultures régionales ou locales, ainsi que celles issues de l’immigration… contribue aussi à multiplier les occasions de partage et de dialogue culturel.

       A l’ère du numérique et de l’internet, une vigoureuse action publique s’impose afin de ne pas laisser le seul marché décider des contenus sur les nouveaux réseaux. Pour conjurer la menace d’une “ fracture numérique ”, il faut développer la formation initiale et continue à la maîtrise des nouvelles technologies, créer des espaces multimédias, faciliter l’accès à la création et au patrimoine numérique, soutenir le développement d’une industrie française des programmes pédagogiques multimédias et faciliter l’accès au haut débit des territoires les moins favorisés. D’ici 5 ans, tous les français doivent disposer d’un micro-ordinateur et être connecté à internet, comme ils possèdent un poste de télévision, et comme ils sont connectés au téléphone et au minitel.

Réussir la décentralisation culturelle

    Les collectivités territoriales se sont depuis longtemps engagées dans l’action culturelle. Leurs efforts financiers, les compétences avérées des élus locaux et l’expertise des services culturels, leur capacité à relier enjeux culturels et cadre de vie, insertion sociale, action éducative, justifient pleinement qu’une nouvelle phase de la décentralisation culturelle soit à présent engagée.

    Celle-ci ne saurait signifier pour autant le désengagement de l’État. Elle doit au contraire être l’occasion d’une redéfinition de son rôle. Il s’agit en effet non seulement de délimiter avec précision le cadre de son action mais aussi de penser la mise en oeuvre de missions nouvelles. L’État doit notamment encore évoluer dans ses rôles d’impulsion et de garant de la bonne application des principes suivants : respect de l’indépendance des créateurs, égalité d’accès à la culture sur l’ensemble du territoire, haut niveau d’exigence artistique.

    La clarification des compétences culturelles entre l’Etat et les différents niveaux de collectivités publiques, l’actualisation du rôle des DRAC, la définition de missions de service public et de contrats d’objectifs, l’adoption pour certains équipements du nouveau statut d’établissement public de coopération culturelle, (l’EPCC), et un transfert de moyens conséquent, constituent aussi les conditions d’une décentralisation réussie.

    Dans cette perspective, certaines fonctions devraient faire l’objet d’un réaménagement de la répartition des compétences : les enseignements artistiques, la diffusion artistique, notamment musicale, une partie de la protection du patrimoine.

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III/ Maîtriser la mondialisation et promouvoir la diversité culturelle

 
L’exception et la diversité culturelles doivent être défendues, comme elles l’ont été jusqu’ici, de sorte que la culture soit maintenue hors des négociations commerciales internationales et ne puisse se voir opposer des règles aux effets uniformisants.
Toutefois, l’arsenal ancien a vieilli et il est temps de l’adapter. La réglementation culturelle doit être modifiée afin qu’elle s’applique non plus aux supports mais se concentre sur les contenus.

     L’Etat doit se mettre en position de développer une nouvelle stratégie en faveur des industries culturelles, et à cet effet, une instance nouvelle (direction centrale ou agence spécifique) devrait être créée. Les aménagements fiscaux et juridiques dont ont besoin les entreprises et les produits culturels auront alors pour contrepartie de nouvelles obligations de production et de diffusion.
    La constitution de grands groupes nationaux et européens de la communication, capables de rivaliser avec les grandes entreprises transnationales, sera couplée avec le développement des réseaux de petites et moyennes entreprises, garantes de l’innovation culturelle.

     La lutte contre les abus de position dominantes devra être renforcée, l’arsenal législatif et réglementaire contre les concentrations excessives, adapté aux nouvelles stratégies des grands groupes transnationaux de la communication.

     Notre combat pour l’exception et la diversité culturelle n’a de chance d’aboutir que s’il est internationalisé et s’il s’est élargi. Nous devons veiller à ce que l’Union Européenne se saisisse de cet enjeu, comme elle le fait depuis 1999, et qu’un maximum d’Etats dans le monde lui emboîtent le pas. L’exception culturelle n’est pas française, elle est universelle. Ce combat doit être élargi à d’autres services fondamentaux qui doivent eux aussi échapper à la stricte loi du profit, et, en premier lieu, l’éducation et la santé.

     Une grande conférence internationale sur la diversité des cultures, analogue à celle de Rio pour l’environnement, doit être organisée, affirmant solennellement le droit des Etats à mener des politique publiques pour préserver l’identité culturelle et les capacités de création de leur pays, et promouvoir leur développement culturel.

     Défendre le statuts des auteurs, des journalistes, et des métiers de l’audiovisuel. La richesse et la qualité de l’information et des programmes audiovisuels dépendent en premier lieux de l’indépendance des professionnels : auteurs, journalistes, réalisateurs. Ces derniers bénéficient de statuts spécifiques adaptés à la nature de l’exercice de leurs activités, statuts remis en cause par les grands groupes de communication, au nom du libéralisme. Ainsi, le droit d’auteur, le statut de journaliste et celui d’intermittent, doivent être adaptés aux nouveaux contextes européens et international, mais ne doivent pas être remis en cause les principes qui garantissent leur indépendance, leur créativité, et les conditions d’exercice de la profession.

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IV/ Développer une politique audiovisuelle de qualité et préservant un service public fort

 
Par la voix de son ministre de la communication et de la culture, le gouvernement Raffarin s’est prononcé pour un audiovisuel public fort, diversifié, et assumant pleinement ses missions de service public. Mais dans le même temps qu’il reprenait ainsi l’un des objectifs traditionnel de la gauche, le gouvernement présentait un budget de l’audiovisuel public en stagnation (alors que les coûts de production augmentent fortement) et “ suspendait ” la création des trois chaînes numériques hertziennes prévues par le contrats d’objectifs et de moyens signé avec l’État en 2002.

Autrement dit, le gouvernement de la droite fixe des objectifs ambitieux au service public de l’audiovisuel en le privant simultanément des moyens de les atteindre. Face à l’échec ainsi programmé, il ne manquera pas de bons esprits pour proposer “ la réduction du périmètre de l’audiovisuel public ”, c’est-à-dire la privatisation de l’une ou l’autre des 2 chaînes généralistes.

     Pour un service public fort de l’audiovisuel
    Les socialistes s’opposent à toute politique de privatisation du service public de l’audiovisuel. La privatisation de France 2 ou de France3 briserait en effet l’équilibre existant, en terme d’audience, entre le pôle public et le pôle privé de notre télévision, au profit des chaînes commerciales. La télévision commerciale couvrirait d’emblée 70 à 80 % de l’audience, la télévision publique serait bientôt réduite, comme aux ÉEtats-Unis, à une télévision de complément. La qualité de notre télévision dans son ensemble doit beaucoup à la compétition qui existe en son sein entre un pôle public fort, se situant dans la tradition du service public de l’audiovisuel ; et un pôle privé à vocation commerciale. Cette confrontation est un facteur d’équilibre. Elle incite les chaînes privées, cadrées par leur cahier des charges et contrôlées par le CSA, à se soucier, elles aussi, de la qualité, de la diversité, du niveau culturel de leur programmes. Les dérapages vers “ la télévision de caniveau ” ne manquent pas, notamment avec la vogue actuelle de la télé-réalité . Mais on est loin des dérives que connaissent les pays où dominent sans partage les chaînes commerciales, et où les chaînes publiques se trouvent marginalisées.

     Pour une définition ambitieuse des missions de service public
    L’argumentation de la droite en faveur de la privatisation repose sur une définition très restrictive des missions de service public. Les chaînes publiques devraient, selon elle, se consacrer essentiellement à des programmes éducatifs, artistiques et culturels, délaissant le loisir, le divertissement, aux chaînes commerciales. C’est là une définition restrictive , car il existe une façon propre au “ service public ” de traiter des émissions de divertissement, distinct du style commercial. La différence réside dans le respect porté aux téléspectateurs. Dans le premier cas, on s’efforce de tirer celui-ci vers le haut, dans le second cas, on n’hésite pas à faire fond sur ce que le téléspectateur a de moins reluisant.

    C’est une définition qui induit la marginalisation des chaînes publiques, car ce que les téléspectateurs attendent de la télévision, c’est sans doute de l’information, du débat, des plaisirs esthétiques et intellectuels, mais aussi et surtout de la détente, du loisir, du divertissement. Les téléspectateurs restent en moyenne 3h29 devant leur poste. Même les mieux disposés d’entre eux ne sont pas prêts à s’instruire et à se cultiver pendant tout ce temps. Nous ne devons pas sous-estimer le rôle de lien social et intergénérationnel qu’assume la télévision généraliste et les émissions familiales. Enfin, plus personne ne met en doute l’importance de la télévision dans la formation des enfants. On ne peut laisser ce rôle exclusivement à la responsabilité des groupes privés motivés uniquement par la recherche de l’audience maximale avec les dérives qu’elle entraîne.

    Abandonner la fonction de divertissement aux chaînes commerciales pour se borner aux fonctions éducatives et culturelles, c’est se condamner à devenir une télévision alibi. Fictions de qualité, magazines et documentaires ambitieux, traitement créatif du spectacle vivant, politique de co-production innovante en matière de cinéma doivent être les objectifs permanents de France Télévisions.

    A ce fondement traditionnel de notre attachement au service public de l’audivoisuel s’en ajoute désormais un autre, tout aussi puissant. Le secteur de la communication et de l’information est entré dans une phase de concentration et de mondialisation accélérée qui se traduit par l’émergence de grands groupes de communication transnationaux. Aucune entreprise privée de ce secteur n’est à l’abri d’une fusion-acquisition. Le secteur public de l’audiovisuel, lui, n’est pas “ opéable ”.

     Financer le développement de l’audiovisuel public
    Après avoir privatisé TF1 en 1986, la droite procédait à une véritable privatisation rampante des autres chaînes publiques, entre 1993 et 1997, en réduisant leur financement public et en augmentant considérablement, au contraire, leur financement par la publicité. La gauche au pouvoir a inversé cette tendance.

    L’effort public consacré au secteur audiovisuel public a augmenté de 35 % entre 1998 et 2002 (+ 4,3 milliards de francs). La durée maximale des écrans publicitaires a été portée de 12 à 8 minutes par heure pour 2001. La part du financement public du secteur est passée à 77 % (contre 66 % en 1997). Les exonérations de redevance, consenties par l’Etat (2,5 milliards de francs) ont été intégralement remboursées par le budget, au service public de l’audiovisuel. Un milliard de francs supplémentaire a été accordé pour financer le passage à la Télévision Numérique de Terre. Sous le gouvernement de Lionel Jospin, la paupérisation de la Télévision publique, prélude à sa privatisation, a cessé. Son financement public s’est sensiblement amélioré. Il faut reprendre cet effort, à nouveau brisé par la droite. Un service public de l’audiovisuel fort exige un financement pérenne et dynamique.

     Réussir le passage à la Télévision Numérique de Terre
    La télévision numérique de terre n’est pas un gadget technologique ; c’est un formidable projet démocratique.
    La télévision publique doit être le fer de lance du passage à la Télévision numérique terrestre. Celle-ci permet une diffusion qualitativement supérieure de l’image et du son, le développement de l’interactivité, en même temps que la multiplication de l’offre de chaînes hertziennes qui peut passer de 5 aujourd’hui à plus de 30 dont 15 gratuites. N’oublions pas que 75% des français ne reçoivent que les 5 chaînes hertzienne gratuites. La TNT, c’est d’abord la démocratisation de l’accès à une offre audiovisuelle diversifiée pour le plus grand nombre.

    A la chaîne d’information continue, au réseau des 8 chaînes régionales et à la chaîne de multi-diffusion et de vie culturelle, en partenariat avec Arte-France, que s’est engagée à mettre en place France-Télévision, il faudrait ajouter dès que possible une chaîne enfance et une chaîne jeunesse.

     Renforcer la production audiovisuelle
    En permettant l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché de l’audiovisuel -Hachette-Lagardère, Pathé, Bolloré, AB Productions, NRJ, mais aussi certains quotidiens régionaux, et télévisions associatives - le passage à la TNT peut favoriser l’essor de l’industrie française des programmes. Les entreprises de production de programmes ont bénéficié dans une large mesure des moyens nouveaux alloués depuis 1998 par le budget de l’État, et des recettes liées aux quotas de production, dopées par l’augmentation des chiffres d’affaire des chaînes publiques et privées.
    Les taux des obligations d’investissement dans la production audiovisuelle ont été augmentés (18,5% pour France 2, 19% pour France 3, 16% pour la Cinquième). Une meilleure fluidité des droits a été négociée, favorisant l’émergence d’un véritable second marché. Cet effort visant à instituer des rapports contractuels mieux équilibrés entre diffuseurs et producteurs, et à favoriser le développement d’une industrie dynamique des programmes, doit être poursuivi. On a produit 2000 heures de fiction en Grande-Bretagne en 2002, 1300 en Allemagne, 600 seulement en France seul pays de l’Union où la production est en baisse. IL faut remédier d’urgence à ce scandale. Depuis le retour de la droite, la situation des producteurs de programmes s’est en outre aggravée : le doublement sans préavis des cotisations sociales et salariales des intermittents du spectacle a gravement augmenté les coûts de production déjà alourdis par le passages au 35 heures, tandis que la stagnation du budget de l’audiovisuel se traduit par une réduction des crédits alloués aux programmes.

     Rénover les entreprises publiques de l’audiovisuel
    Avec la création de la holding France-Télévision, regroupant France 2, France 3 et la Cinquième ; l’extension du mandat de son Président à 5 ans ; la mise en œuvre des “ contrats d’objectifs et de moyens ”, le processus de rénovation et de rationalisation des entreprises publiques de l’audiovisuel est engagé. Cet effort devrait être poursuivi afin d’améliorer la gestion des chaînes, renforcer leur créativité et garantir que l’argent public qui leur est affecté et bien employé. C’est la condition (et la contrepartie) légitime de leur meilleur financement. Le gouvernement de droite n’en prend pas le chemin.

     Renforcer l’indépendance du CSA
    Le mode de désignation des membres du CSA n’est pas satisfaisant. Il aboutit en effet à une dérive politicienne incompatible avec son principe d’indépendance. Les socialistes proposent un renforcement de l’autorité du CSA par :
    - Une meilleure indépendance politique dans le mode de désignation de ses membres, tenant compte de la qualité professionnelle des conseillers, et non de leur amitié au sein de la Majorité du Sénat et de l’Assemblée nationale.
    - Une véritable pouvoir réglementaire afin que le Conseil puisse prendre des décisions en dernier ressort, vis-à-vis des professionnels et des entreprises audiovisuelles.
    - La simplification du cadre juridique de l’audiovisuel.

     Reconnaître et renforcer notre présence audiovisuelle extérieure
    Assumer la présence des images françaises dans le monde répond à un double défi :

    Le maintien ou la reconquête de notre influence politique, intellectuelle et économique ; la conquête de la diversité culturelle à laquelle nous avons réussi à rallier de nombreux pays, mais qui reste à réaliser.
    Nos industries de programmes rencontrent de beaux succès commerciaux en salles ou auprès des chaînes étrangères, mais malgré les efforts faits par Hubert Védrine alors ministre des Affaires Étrangères, notre audiovisuel extérieur souffre encore de son émiettement et de la faiblesse de ses moyens. TV5 a réussi sa mutation en véritable chaîne mondiale déclinée en 8 programmes adaptés aux fuseaux horaires et aux spécificités culturelles des 5 continents. Le succès est d’ailleurs souvent au rendez-vous, TV5 devançant souvent CNN ou BBC World sur de vastes zones. Mais aujourd’hui encore, le budget de TV5 n’est qu’environ des 2/3 de celui de RFI. Plutôt que de se lancer dans l’aventure d’une “ CNN à la française ”, promise par le président de la République et dont le coût ne saurait être inférieur à 100 millions d’euros. Il serait de loin préférable de renforcer la chaîne internationale de service public qu’est TV5, en particulier en lui donnant les moyens de renforcer l’information. Il est malheureusement fort à craindre que là encore le gouvernement ne choisisse le désengagement de l’État et subventionne le groupe Bouygues pour transformer LCI en “ voix de la France ”.

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V/ Faire l’Europe de la culture

 
Aujourd’hui, il n’est plus possible de penser la politique culturelle en termes seulement nationaux. La culture peut être le ciment d’une Europe dotée d’un véritable projet de civilisation et la France doit adopter une attitude résolument offensive à ce sujet. La construction d’une Europe de la culture doit accompagner et consolider son processus d’élargissement territorial, d’harmonisation sociale, et d’approfondissement politique.

C’est à la France, en concertation avec ses partenaires, qu’il revient de jouer le rôle de fer de lance d’un tel projet.
A cet effet, il convient de :
     Inscrire dans la future Constitution européenne les droits culturels et le principe de la diversité culturelle ;
     Imposer que le droit communautaire affirme plus clairement la légalité des aides à vocation culturelle et reconnaisse la légitimité du financement public du service public de l’audiovisuel ;
     Etendre notre système d’aide au cinéma à l’ensemble de pays de l’Union ;
     Combattre pour obtenir 1 % du budget de l’Union européenne consacré à la culture ;
     Favoriser la création d’un forum permanent des professionnels et créateurs européens, permettant la circulation et l’accueil des artistes européens dans les divers pays de l’Union.

La culture représente 1 % de notre budget national, mais elle concerne et mobilise des millions de français. Les socialistes doivent se porter en première ligne du combat pour le soutien à la création culturelle et pour un nouveau bond en avant de sa démocratisation.

Contribution thématique présentée par

Henri Weber secrétaire national à la culture et à la formation, sénateur de Seine-Maritime  Michel Françaix délégué national aux médias et député-maire de Chambly  Marcel Rogemont délégué national à la culture, conseiller général d'Ille-et-Vilaine  Roger Tropeano délégué national à la francophonie  Danièle Pourtaud déléguée nationale à l’Audiovisuel extérieur, sénatrice et adjointe au Maire au Paris  Patrick Bloche premier fédéral responsable national aux nouvelles technologies, député et conseiller de Paris  Yves Dauge sénateur d’Indre et Loire  Didier Mathus député-maire de Montceau-Les-Mines  Serge Lagauche sénateur du Val de Marne  Jean-Marie Le Guen député de Paris  Catherine Trautmann membre du Conseil national, et du Bureau national.  Marie-Thèrèse Boudenia secrétaire fédérale Culture de Saône et Loire  Bernadette Bourdier secrétaire fédéral culture du Puy-de-Dôme  Daniel Boys secrétaire fédéral culture du Pas-de-Calais  Gilles Teisseire secrétaire fédéral culture du Var  François Rieu secrétaire fédéral culture de la Savoie  Jacques Renard Paris  Franck Payonne Seine et Marne  Pierre Raterron délégué national culture de Charente  Olivier Roncin Paris  Catherine Tasca Yvelines

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