Discours
d'Henri Weber
à l'université d'été

 
 

Mes chers camarades,

Cette université d’été, fut, une fois de plus, un grand succès, et je voudrais remercier à mon tour tous ceux qui y ont contribué : Maxime Bonnot, député-maire de la Rochelle, qui nous a reçu, efficacement et chaleureusement, sans nous faire oublier toutefois la forte personnalité de son prédécesseur Michel Crépeau.

La section socialiste de la Rochelle, qui comme d’habitude n’a pas ménagé ses efforts. Le collectif national formation du parti, et en particulier Yves Attou, délégué national à la formation, Martine Garcin, Line Sombart, qui ont eu à assurer le suivi organisationnel assez lourd de cette grande manifestation.

Les divers secteurs du parti et les permanents qui ont veillé, chacun dans leur domaine, au bon déroulement de nos activités. Les nombreux orateurs qui ont animé les débats, en séance plénière et dans les 16 ateliers, qu’à votre demande, nous avons organisé ; vous tous enfin, qui avez pris sur votre dernier week-end de vacances pour venir participer à nos travaux.

Je ne saurais évidemment oublier la chorale de Matignon, son chef Lionel et ses nombreux et talentueux solistes, qui a égayé notre soirée d’hier.



Cette université d’été couronne une année de grande activité du secteur formation de notre parti.

Une université permanente des cadres a été instituée pour assurer la formation des nouveaux responsables fédéraux. Ses 101 stagiaires sont aujourd’hui parmi nous et tiendront leur ultime session de formation en décembre.

La Revue Socialiste a été relancée, et son premier numéro a été consacré, de façon prémonitoire, au débat sur "  la troisième voie " au sein de la social-démocratie.

Les Cahiers pour la Formation se sont enrichis de deux nouvelles publications : l’une sur l’Union européenne " telle qu’elle est et telle qu’elle devrait être ", en février 1999, pour préparer la campagne pour la réélection du Parlement de Strasbourg ; l’autre sur l’identité socialiste au siècle prochain, qui vous a été remise avec les dossiers de notre université.

A ces publications s’ajoutent Recherches socialistes, la revue de l’OURS animée par Pierre Guidoni, spécialisés dans l’Histoire de notre parti et les Cahiers de la Fondation Jean Jaurès, sous la direction de Gilles Finkelstein, consacrés plus spécialement aux grands débats d’orientation de la social-démocratie internationale. Les instruments d’une véritable politique de formation approfondie des militants sont reconstitués. A quoi s’ajoute le travail du Centre Condorcet et de la FNESR en direction des élus, et l’activité de formation décentralisée de nos fédérations, appuyée par le Secrétariat National.

En consentant cet effort, notre parti montre qu’au delà de l’action quotidienne, il ne perd pas de vue le long terme : la transmission aux nouvelles générations de nos valeurs ; l’affirmation devant l’opinion publique de notre projet de société.



Les Universités d’été qui viennent de se succéder - j’entends celles des partis de gauche... - attestent d’un retour du débat de fond.

Toutes les composantes de la gauche plurielle se posent la question : que doit être la gauche du XXIème siècle ?

Les Communistes cherchent à définir ce que serait une " nouvelle radicalité ", qui ne mènerait pas aux impasses et aux crimes du stalinisme ; les Verts entendent édifier une " troisième gauche " qui, pour l’instant, prend l’allure d’une formule algébrique, son principal promoteur, Daniel Cohn-Bendit parle lui-même " d’une équation à beaucoup d’inconnues " ; les partis socialistes et sociaux-démocrates sont engagés dans un débat refondateur sur ce que devrait être une social-démocratie du 21ème siècle.

Les commentateurs ont beaucoup insisté ces jours derniers sur les dissonances, et il y en a ; comment pourrait-il en être autrement à l’approche d’une période électorale ?

Je voudrais pour ma part souligner au contraire les convergences :

Je suis convaincu, pour ma part, que, contrairement aux apparences, et si on veut bien s’extraire du très court terme, la tendance de fond à gauche, est à la convergence plus qu’à la division. La gauche européenne aborde le 21ème siècle beaucoup plus unie sur le fond, qu’elle ne l’a été tout au long du 20ème siècle.

Je soulignerai 6 points de convergences, sans prétendre à l’exhaustivité.
  1. Toutes les composantes de la " gauche plurielle " sont pour la société mixte, c’est à dire pour une économie de libre-entreprise, tempéré par l’action correctrice et régulatrice de l’Etat et des partenaires sociaux. Une économie qui combine trois secteurs : un secteur privé marchand, des services publiques puissants, et un tiers-secteur d’économie sociale.

  2. Toutes ces composantes sont pour le développement d’une citoyenneté active et d’une démocratie sociale, c’est à dire d’une démocratie qui assure aux citoyens un certain nombre de droits économiques et sociaux.

  3. Toutes sont pour défendre l’environnement et le cadre de vie contre les excès du productivisme et pour promouvoir un développement durable...

    Notre débat sur le nucléaire avec les Verts peut aussi se lire de ce point de vue. Si l’on considère que le danger principal aujourd’hui est l’aggravation de l’effet de serre, le recours à la production d’électricité par la filière nucléaire se justifie même d’un point de vue écologique. Nous sommes pour la diversification des sources d’énergie, mais pas pour l’abandon du nucléaire, qui contrairement aux autres sources importantes de production d’électricité ne rejette pas de CO2 dans l’atmosphère.

  4. Aucune de ces trois familles de la gauche plurielle ne croit que le libre jeu des forces du marché permette d’atteindre le meilleur niveau de croissance économique possible et encore moins une juste répartition des fruits de la croissance. Toutes sont convaincues de la nécessité d’une action volontariste de la puissance publique pour assurer une croissance forte, durable, respectueuse de l’environnement et riche en emploi...

  5. Toutes entendent maîtriser la nouvelle révolution technologique, celle de l’informatique et du génie génétique, dans les deux sens de ce mot : être capable de mettre en oeuvre et de développer ces technologies. Mais aussi et dans le même temps : veiller à ce que ces nouvelles technologies soient au service de l’émancipation humaine, et non qu’elles soient accaparées par une élite. Toutes exigent que le progrès technique se traduise aussi par un progrès social, culturel, démocratique et non par une régression sur ces trois plans.

    La pierre de touche de cet accord là est notre convergence sur l’objectif de la réduction du temps de travail, notre bataille commune pour la semaine de 35 heures ou de 4 jours.

  6. Toutes ces composantes enfin, ont compris que ces objectifs ne pouvaient être atteints qu’à l’échelle continentale, dans le cadre d’une Union européenne dont aucune de ces 3 familles de la gauche ne conteste plus la nécessité.
Si l’on veut bien prendre un peu de hauteur et considérer le moment présent à la lumière des 100 dernières années, force est de constater que la tendance de fond est à la convergence des forces de gauche.

Pensez à ce qu’était la gauche européenne, il y a juste un siècle, en 1899 : elle était divisée entre réformistes et révolutionnaires et grosse d’une scission catastrophique qui allait se produire en 1917.

Pensez à ce qu’était la gauche française, il y a seulement 50 ans en 1949 : elle était déchirée et paralysée par la lutte entre communistes staliniens et socialistes.

Je ne veux pas du tout sous estimer les différences qui existent aujourd’hui au sein de la gauche plurielle ou même au sein de chacun des partis qui la composent.

Je pense au contraire qu’il faut prendre au sérieux les divergences qui existent et qu’il faut en débattre, en vue d’arriver à des compromis dynamiques, ou mieux, à une synthèse. Mais je crois que ces divergences sont sans commune mesure avec celles que la gauche a connu tout au long du siècle qui s’achève, et que la tendance à l’unité l’emporte nettement sur la tendance à la division.

Je crois qu’on doit s’en réjouir, car dans les années qui viennent la responsabilité de la gauche européenne sera écrasante et elle aura besoin de toutes ses composantes, de toute son énergie pour y faire face.



Un mot, pour conclure, sur le débat au sein de la social-démocratie.

J’ai lu attentivement les textes du New Labour. Ce qui me frappe dans ces textes, c’est l’absence de l’idée de conflit social. Tout se passe comme si la société était composée d’hommes de bonne volonté, aux intérêts harmonieux, qui pouvaient se ranger aux arguments de la Raison.

Nous sommes tout comme nos amis travaillistes pour réussir le passage de notre pays à la société de l’Information, ou comme ils disent, à la société de service fondée sur la connaissance.

Nous savons tout comme eux que pour réussir ce passage, il faut favoriser au maximum, l’initiative des individus, la créativité, l’innovation, l’esprit d’entreprise.

Notre gouvernement a pris de nombreuses mesures dans ce sens, y compris des mesures fiscales, et en prendra encore d’autres.

Mais nous n’oublions pas contrairement peut être aux partisans de la " troisième voie " que cette société de l’Information reste une société salariale et qu’elle est traversée par les conflits propres à toute société fondée sur le salariat.

Le salariat, il ne faut pas l’oublier, ce n’est pas simplement un mode de rétribution du travail, c’est un rapport social de dépendance et de subordination. Un salarié, c’est neuf fois sur dix, un travailleur qui, quand bien même le voudrait-il ardemment, ne peut pas devenir indépendant, se " mettre à son compte ", et qui se voit contraint, en conséquence de chercher un employeur sur le marché du travail et de se mettre à son service.

Ce rapport social de subordination nourrit un triple conflit qui sous-tend l’opposition entre la gauche et la droite.
  1. Il y a d’abord un conflit d’intérêt qui porte sur le partage des fruits de la croissance et sur l’organisation du travail.

  2. Il y a ensuite un conflit politique qui porte sur les rôles respectifs de l’Etat, des marchés et des partenaires sociaux dans la vie économique. Par expérience, les salariés ne croient pas trop à la main invisible du marché et ses providentiels tours de passe-passe. Ils attendent de la puissance publique qu’elle contribue à soutenir la croissance et à promouvoir le progrès social. Ils revendiquent des droits économiques et sociaux qui sont porteurs de redistribution sociale et d’une demande d’Etat.

  3. Il y a enfin un " conflit sociétal ", qui porte sur l’usage que la société fait de ses ressources.
Depuis les canuts lyonnais jusqu’aux employés actuels des centres d’appel téléphonique, les salariés ont toujours refusé que le progrès technique et économique se traduisent par une régression sociale. Ils ont toujours exigé au contraire qu’il profite à tous et non qu’il soit accaparé par quelques uns.

Nous ne sommes pas aveugles aux évolutions de notre société ; nous sommes conscients de l’apparition de nouveaux clivages. Mais ces clivages nouveaux se superposent aux conflits anciens, ils ne les abolissent pas.

Il faut certainement rénover, repenser, redéfinir les modalités de la redistribution sociale, de l’action économique de l’Etat, de la négociation collective entre partenaires sociaux. Il ne faut certainement pas y renoncer, ou même les amoindrir.

Mes chers camarades,

Ce débat de fond, au sein de la social-démocratie et de toute la gauche, vient à point nommé.

On a beaucoup parlé de crise d’identité, de perte de repères.

Ces repères, notre parti entend les réaffirmer et les préciser. Cette crise d’identité, il entend la surmonter.

Car c’est le projet d’ensemble, la visée à long terme, qui donne leur sens aux actions quotidiennes, aux réformes partielles, aux compromis parfois laborieux ou obscures que nous sommes amenés à passer.

Sur ces questions, nous ferons un premier bilan à l’occasion du prochain congrès de l’Internationale Socialiste, en novembre 1999, à Paris.

En attendant, bon retour, chers camarades.

Bon travail,
et rendez-vous à la Rochelle pour l’Université d’été de l’an 2000.


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