Pour un nouveau monde, un autre chemin
(première partie)


 Motion présentée par le Nouveau Monde au congrès national de Dijon du Parti socialiste.
18 mars 2003


 
Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, la catastrophe politique du 21 Avril n’a pas été un simple accident électoral.

L’échec sévère subi un an plus tôt lors des élections municipales de 2001 l’annonçait. L’étude relative à l’élection présidentielle, réalisée par le CEVIPOF - « Comprendre l’élimination de Lionel Jospin », CEVIPOF - Centre d’études de la vie politique française (CNRS/Fondation nationale des sciences politiques) - auprès de 10 000 sympathisants socialistes, le confirme. A l’évidence, une partie non négligeable de notre électorat ne s’est pas reconnue dans le programme de notre candidat. Elle n’a pas davantage apprécié l’atténuation du clivage gauche-droite.

Au bilan, il y a certes des succès remarquables. Mais aussi un certain nombre de décisions, que nous qualifions de « sociales-libérales » parce qu’elles s’inscrivent au mieux, dans la recherche de compromis excessifs, au pire, dans des « adaptations » au néo-libéralisme présentées abusivement comme des réformes. Face à la montée de la contestation progressiste contre la mondialisation libérale, les hésitations entre Porto Alegre et Davos ne faisaient que mettre en évidence les ambiguïtés du Parti socialiste.

Dans ces conditions, continuer à prétendre que l’orientation politique de notre parti et de notre campagne ne sont pas en cause, c’est s’aveugler !

Pourtant, au cours de la même période, le néo-libéralisme, dans bien des domaines se heurtait à ses propres limites, s’embourbait dans ses propres contradictions, se fourvoyait dans une série d’impasses évidentes. A cela s’ajoute dorénavant une guerre injuste et dangereuse voulue par les champions du système dominant. Dissocier l’hégémonie mondiale du néo-libéralisme de celle des USA devient désormais un exercice difficile que nous abandonnerons à d’autres. De même, l’atlantisme de Tony Blair, Aznar et Berlusconi et leurs choix néo-libéraux forment une seule et même orientation. Dés lors, on mesure mieux les risques de l’élargissement de l’Union Européenne à l’aune de cette nouvelle donne.

Dans ces conditions, attendre de l’usure de la droite une sorte d’alternance automatique ne peut tenter que celles et ceux pour qui la mondialisation libérale est un horizon indépassable. Ce serait en effet prendre le risque majeur de voir resurgir une extrême droite en embuscade, vers laquelle se tourneraient tous les désabusés et les déçus.

C’est pourquoi nous pensons que c’est à l’élaboration d’un véritable projet alternatif que doivent travailler les socialistes. Un projet impliquant des ruptures avec la logique libérale, avec la loi du plus fort et celle du profit.
     D’abord parce que ce sont dans les valeurs du socialisme que nous trouverons les sorties de la crise actuelle et les moyens de construire une Europe sociale et démocratique ;
     Ensuite parce que cela correspond aux attentes et aux espérances du peuple de gauche ;
     Enfin parce que cette orientation est la condition nécessaire du rassemblement de la gauche.

Entre le renouveau du socialisme et les renoncements du social-libéralisme, il faut choisir. Pour combattre aujourd’hui, pour gagner demain.

Le sujet est suffisamment grave pour que chaque militante et chaque militant le fasse en conscience, sans se laisser abuser par ceux qui prônent aujourd’hui le contraire de ce qu’ils faisaient hier ou qu’ils referaient demain.

C’est tout l’enjeu du congrès de Dijon.

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Pour sortir du libéralisme…

 

1- Contre la normalisation libérale

    Qu’il paraît loin le temps où l’on nous annonçait la « victoire définitive du capitalisme », l’avènement d’une « mondialisation heureuse », voire même la « fin de l’histoire » !

    En fait, le « nouvel ordre du monde » tant annoncé n’est jamais né. Dans tous les domaines, économie, politique, social, relations internationales, c’est l’instabilité et le désordre qui sont la règle. Même le « gendarme du monde » se moque de la loi. Lorsque, dix ans après la première guerre du Golfe, Bush fils chausse les bottes de son père, c’est pour piétiner ouvertement le droit international et la sécurité collective.

    Ce capitalisme arrogant se heurte à une contestation croissante. Celle-ci peut donner le meilleur, comme à Seattle ou Porto Alegre, lorsque émerge et se renforce le mouvement pour une autre mondialisation. Elle peut aussi donner le pire, lorsque la colère des peuples ne trouve pas d’autre exutoire que l’ethnicisme. Tout dépend des dynamiques politiques en présence. Une course de vitesse est donc engagée pour construire une alternative au désordre libéral.

    Malheureusement, le mouvement socialiste n’est pas à la hauteur de la situation. La propagande libérale a remporté des succès significatifs en son sein. Nombre de nos dirigeants s’y sont ralliés, se transformant en auxiliaires plus ou moins zélés de la mondialisation, convaincus que l’accompagnement du système était devenu la seule politique possible.

    Le décalage entre la prise de conscience citoyenne et l’orientation qui domine le mouvement socialiste apparaît aujourd’hui de manière spectaculaire. D’un côté, quinze millions de personnes manifestent le même jour dans le monde entier contre la guerre ; de l’autre la social-démocratie apparaît souvent muette ou inaudible, à l’exception de ceux qui, comme Tony Blair, se précipitent avec enthousiasme dans les fourgons de l’armée américaine.

    Pour nous, le premier devoir des socialistes d’aujourd’hui est de regarder en face les impasses du nouveau désordre mondial et d’affirmer clairement leur volonté de construire un nouveau monde.
    1) La mondialisation libérale est dans l’impasse
      La mondialisation concrète, c’est d'abord une forme nouvelle du règne agressif de la marchandise et de l'argent, qui mène le monde à de profondes impasses économiques, sociales, écologiques et politiques.

      Impasse économique d’abord. Les griots de la nouvelle économie ont déchanté. La hausse continue des marchés boursiers a laissé place à un effondrement spectaculaire. Au passage, les bons élèves qui ont suivi docilement les directives du FMI sont les plus mal lotis. Des milliers d’industriels, de commerçants, d’épargnants sont expropriés en quelques jours en Argentine sans que l’on aperçoive un révolutionnaire à l’horizon ! Seules les grosses fortunes investies massivement dans les Bourses étrangères sont épargnées : c’est la morale du système. Quant au prix de cette domination de la finance, c’est la déstabilisation de l’économie productive soumise à des exigences de rentabilité aberrantes, un système financier instable et chaotique, incapable d’orienter utilement l’investissement, un modèle de consommation inégalitaire et rétréci et inégalitaire reposant sur une niche de consommateurs nantis et boulimiques, capables d’absorber le renouvellement incessant de produits au cycle de vie écourté.

      Impasse sociale ensuite, comme l’illustre l’écart qui se creuse entre le Nord et le Sud, entre pays pauvres et riches, ou comme le montre au Nord le sort des salariés de Danone, Metaleurop, Péchiney et autres, jetés à la rue pour satisfaire les exigences d’actionnaires pour qui la réalité des entreprises se résume à une poignée d’indicateurs financiers. Dans un tel système, toute norme sociale représente un handicap dans la concurrence que se mènent les nations pour figurer au carnet de commande des firmes transnationales.

      Impasse écologique aussi. Dix ans après le sommet de Kyoto, malgré la mobilisation planétaire de responsables politiques, d’associations, d’experts, la production de gaz à effet de serre, véritable produit dérivé d’un mode de production qui ne se préoccupe que du profit immédiat, a continué de progresser. Quels résultats aussi sur les mers, espace de circulation des marchandises où aucune norme ne s’impose, avec le naufrage du Prestige, trois ans après celui de l’Erika ?

      Impasse démocratique enfin, car la mondialisation libérale s’attaque à toute forme de régulation politique qui pourrait faire prévaloir d’autres normes que celles de l’accumulation et du profit maximum. Le capitalisme de notre époque est celui de la dislocation des nations, de la remise en cause de la souveraineté, de la loi du plus fort sur la scène mondiale qui s’affirme à visage découvert.
    2) Le nouvel ordre mondial n'existe pas
      Bush l’avait annoncé depuis longtemps : il partirait en guerre quand bien même devrait-il être tout seul. La supériorité militaire écrasante de l’hyperpuissance américaine lui permet certes d’organiser ses expéditions sans l’aide de personne. Mais ces opérations punitives ne peuvent fonder un nouvel ordre du monde. Car la menace ne suffit pas pour faire régner l’ordre. Il y faut aussi suffisamment de droit et de progrès pour obtenir le consentement des peuples. C’est pourquoi tout ordre est avant tout une construction politique. C’est pourquoi la sécurité collective sera toujours préférable à l’équilibre de la terreur.

      Or la mondialisation libérale est fondamentalement hostile à toute régulation politique. Elle n’a de cesse de remettre en cause les espaces politiques souverains, au nom de la liberté des échanges et des intérêts des firmes transnationales. De même, une institution internationale comme l’ONU, qui pourrait défendre des normes collectives, leur est par nature suspecte.

      L’unilatéralisme américain et la mondialisation libérale procèdent d’une même logique. Ils refusent la suprématie du droit et de la délibération collective. Pour eux la politique est au mieux une perte de temps, un bavardage inefficace, au pire une attaque contre leurs intérêts. Pas étonnant de constater alors que c’est parmi les défenseurs sociaux-démocrates les plus enthousiastes de la mondialisation libérale que l’on recrute les plus grands atlantistes.
    3) L'Europe s'est retournée contre les citoyens
      L’appel des huit chefs de gouvernement soutenant la politique de George Bush en Irak a révélé l’ampleur du désaccord qui s’est creusé sur l’avenir de l’Europe. Cette initiative nécessite une riposte offensive des partisans d’une Europe politique autonome, d’une « Europe puissance ». La confrontation des points de vue, la mobilisation des opinions sont plus que jamais nécessaires si nous voulons réorienter la construction européenne.

      Car au-delà du choix crucial entre Union européenne et Europe atlantiste, bien d’autres questions sont posées. Pouvons nous accepter que la Convention refuse d’instaurer des normes sociales minimales, sous la pression conjuguée des travaillistes britanniques et des libéraux? Pouvons nous continuer à transcrire des directives visant à déréglementer les services publics et à démanteler les systèmes de protection sociale ? Pouvons nous, enfin, élargir l’Union en 2004 sans aucune garantie en terme de démocratie et de progrès social ?

      L’Europe d’aujourd’hui se construit contre les citoyens. Laisser faire, c’est prendre le risque de tuer l’idée même d’un modèle européen spécifique, capable de peser sur le destin du monde. C’est condamner la gauche à l’impuissance.

2- il faut une autre gauche !

    1) En finir avec la dérive sociale-libérale
      La gauche qui s’autoproclame « moderne » a majoritairement choisi de s’adapter à la logique du nouveau capitalisme financier transnational. À quelques exceptions près, la plupart des socialistes européens se sont engagés dans un processus de révision idéologique, renonçant à toute ambition de transformation sociale et intégrant à leurs programmes, sous prétexte d’adaptation à la modernité, une partie des exigences des libéraux : privatisation, déréglementation, libéralisation des échanges, flexibilité du marché du travail, réduction des dépenses publiques et allègement des prélèvements fiscaux et sociaux.

      C’est ainsi que le XXème siècle s’est refermé sur le plus désastreux des paradoxes politiques. Au milieu des années 1990, au moment même où les méfaits économiques, écologiques et sociaux de la mondialisation néolibérale discréditaient la droite, c’est une gauche en partie corrompue par les idées de cette dernière qui reprend les commandes de l’Europe.

      Onze pays européens sur 15 ont alors une majorité socialiste ou social-démocrate. Il y avait là une occasion historique de mettre sur les rails une Europe politique au service d’un vrai modèle social. Qu’ont-ils fait de cette opportunité ? Au mieux, rien. Au pire, ils ont accompagné le démantèlement des législations sociales et le recul des services collectifs que les citoyens européens espéraient justement empêcher en votant à gauche.

      Disons-le clairement : si, au cours des cinq dernières années, l’Europe n’est pas devenue le rempart que nous espérions contre la marchandisation du monde, c’est aussi parce que la majorité des gouvernements de gauche ne l’a pas voulu ou n’a pas agi en conséquence.

      Cet échec de la social-démocratie européenne a contribué à installer l’idée selon laquelle la frontière entre la droite et la gauche s’était considérablement estompée. Elle a renforcé l’impression de brouillage idéologique qui détourne les citoyens de la politique ou les jette dans les bras des populismes et autres extrémismes.
    2) Un échec en France aussi
      Notre parti a fait la cruelle expérience de cette perte des repères. Certes, chacun a conscience de la singularité et de la spécificité du socialisme français (incarnées de 1997 à 2002 par Lionel Jospin) au sein de la social-démocratie européenne. La troisième voie, théorisée notamment par Tony Blair, a fait peu d’émules déclarées parmi les dirigeants du PS.

      Les mesures que nous avons prises ont fait la singularité de notre gouvernement en Europe : soutien du pouvoir d’achat, réduction du temps de travail, emplois jeunes... Reste que d’autres décisions d’inspiration libérale (baisse de la fiscalité sur les stocks options, privatisations, prime pour l’emploi, etc…) ont brouillé notre identité socialiste et rendu notre politique illisible. De même, les ambiguïtés du discours de notre candidat aux présidentielles, les déclarations intempestives de responsables éminents de notre Parti faisant apparaître un recentrage de nos propositions, ont accrédité la thèse de l’indifférenciation entre la droite et la gauche.

      Le 21 avril est en grande partie le fruit de ces erreurs et de ces dérives. Ceux qui le contestent se référeront utilement à l’étude. 40% des sympathisants socialistes interrogés lors de l’élection présidentielle ont déclaré ne percevoir aucune différence entre les candidats du PS et du RPR.

      Aujourd’hui, la direction sortante minimise l’ampleur de notre défaite, et en relativise les enseignements. Au- delà des déclarations d’intention, elle envisage d’attendre tranquillement une alternance prétendument inéluctable.

      Ce calcul constituerait une grave erreur. Car c’est l’absence de projet alternatif crédible qui livre à nouveau l’Europe aux mains d’une droite revancharde décidée à démanteler ce qui reste de nos réalisations sociales et à étendre plus encore la loi du profit. C’est l’incapacité de la social-démocratie à proposer un nouvel horizon qui pourrait pousser demain de nombreux citoyens dans les bras de l’extrême droite, érigée en unique réponse au désordre du monde.
    3) Socialistes et modernes !
      Les valeurs du socialisme sont mal cotées à la Bourse de l’idéologie dominante. Pourtant, qui peut nier que la solidarité, la justice sociale, la laïcité sont plus que jamais nécessaires dans un monde morcelé par l’explosion des inégalités et le conflit des identités, où l’interdépendance des hommes n’a jamais été aussi forte, où les questions traditionnelles du partage des richesses et de l’intérêt général se posent à l’échelle de la planète ?

      A l’inverse, l’idéologie si moderne du libéralisme ne parvient à s’imposer qu’en s’appuyant ici et là sur des obscurantismes d’un autre temps. Ethnicisme, racisme biologique ou social, retour de la charité publique : face à cette « modernité » pour le prochain millénaire, nous préférons défendre haut et fort nos valeurs.

      Le but du socialisme, c’est la recherche du progrès et la concrétisation de l’aspiration égalitaire dont les composantes - égalité juridique, égalité politique et égalité sociale - sont indissociables et inopposables.

      Dès lors, il s’agit bien de promouvoir le progrès, la démocratie et l’égalité. Nous combattons, dans l’économie de marché et dans la société ce qui contrarie le progrès, rogne sur la démocratie et engendre l’inégalité.

      Cela implique le contrôle, la limitation, la régulation de l’économie de marché par la seule force qui lui soit légitimement et efficacement opposable : le suffrage universel, expression de la volonté générale, et l’action publique, qui en est le prolongement.

      Cela implique également de rompre avec la culture de compétition généralisée qui détruit peu à peu tous les liens et tous les droits qui assuraient la dignité des personnes et la cohésion sociale.

      Nous devons restaurer de nouveaux compromis politiques et sociaux entre « individu » et « collectivité », entre « intérêt particulier » et « intérêt général », qui ont été largement rompus au bénéfice de la sphère privée, privant de sens l’avenir commun, d’autorité la règle commune.

      Aujourd’hui, il faut redonner corps à un projet offensif, appuyé sur la quête jamais achevée de l’égalité sociale et la démocratie.

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Un projet alternatif

 

1- A tous les niveaux

    1) Un autre monde est possible !
      A Porto Alegre, et en d’autres occasions, des centaines de milliers de femmes et d’hommes, jeunes pour la plupart, ont proclamé ce qui est devenu aujourd’hui une espérance : celle d’un autre monde possible. Un monde plus juste, plus solidaire, plus démocratique, plus pacifique.

       Construire un monde multipolaire

      A la veille d’une guerre injuste et dangereuse pour le monde tout entier qui en subira les conséquences, l’hégémonie impériale des Etats-Unis devient un élément d’instabilité planétaire. La pax americana se transforme en ordre militaire et sécuritaire au profit de sa propre puissance. La brutalité de sa politique extérieure, le caractère sommaire de ses analyses (le Bien et le Mal) alimentent les fondamentalismes de tous horizons qui appellent de leurs voeux un « choc des civilisations ».

      La restauration d’un monde multipolaire organisé autour du concept de sécurité collective s’impose. Il devra reposer sur des ensembles régionaux multinationaux, intégrés économiquement et socialement, dotés, autant que faire se peut, d’institutions politiques démocratiques.

       Instaurer un ordre juridique international

      Il n’est plus admissible qu’au niveau international, la liberté du commerce et la loi du profit soient les normes suprêmes de l’édifice juridique.

      La mise en place d’un ordre public international nécessite de démocratiser et coordonner sous l’égide de l’ONU toutes les organisations spécialisées, comme l’OMC, le FMI et la Banque mondiale. Une modification des droits de représentation et de vote dans les organisations internationales devrait aussi permettre de mieux représenter les pays en développement.
      Nous devons également oeuvrer à l’instauration d’une hiérarchie des normes internationales, dans laquelle des principes supérieurs s’imposeraient à la liberté du commerce, et notamment le droit à la santé, l’interdiction du travail des enfants, la liberté syndicale, le refus de toute marchandisation du vivant, des règles de sécurité environnementale et de prévention des pollutions.

       Refuser l’Accord général sur le commerce et les services

      Loin des projecteurs médiatiques, la Commission européenne et les Etats-Unis se livrent, dans le cadre des négociations sur l’Accord général sur le commerce et les services (AGCS), à une surenchère à la libéralisation des services. Le principe de cette négociation est simple : chacun met sur la table ce qu’il est prêt à déréguler, puis on trouve un compromis. La commission européenne est prête à proposer la libéralisation des services. Ce serait accepter la marchandisation de l’ensemble des activités humaines et à renoncer par avance à toute régulation démocratique future.

      Il est urgent de donner un coup d’arrêt à ces négociations. Le Parti Socialiste doit lancer une grande campagne d’opinion sur le thème du refus de l’A. G. C. S, à l’instar de ce qui avait été fait au sujet de l’Accord Multilatéral sur les Investissements (AMI) que la France avait su bloquer. Il doit également entreprendre une action vigoureuse pour contrer l’attitude scandaleuse des laboratoires pharmaceutiques en matière d’accès aux médicaments génériques des pays pauvres frappés par le SIDA !

       En finir avec la spéculation et la délinquance financière

      La taxe Tobin- dont le principe a été voté par l’Assemblée Nationale française, n’est pas seulement un impôt mondial, permettant d’instaurer un fond international pour le développement. Elle vise aussi, et en premier lieu, à limiter la spéculation financière en pénalisant les mouvements de capitaux à court terme, et à mettre fin aux crises récurrentes du système financier international. Ce faisant, elle renforce la capacité des gouvernements à mener des politiques nationales autonomes.

      Plutôt que d’appeler à la rescousse le contribuable mondial pour enrayer une crise de liquidités due à un mouvement spéculatif incontrôlé, instaurons des mécanismes permettant de prévenir de telles crises. Si un système de blocage des capitaux avait existé en Indonésie ou en Thaïlande, les effets de la crise financière n’auraient pas été si catastrophiques.

      Décrétons la guerre aux paradis fiscaux, bancaires et judiciaires, à commencer par ceux qui dépendent de pays européens! Véritables usines à recycler l’argent sale, ces institutions contreviennent non seulement aux principes élémentaires de la morale, mais imposent un dumping fiscal qui appauvrit les nations. Des mesures comme le contrôle public des « sociétés de clearing » permettraient de sanctionner des opérations souvent scandaleuses.

       Pour un développement durable

      Nous ne pourrons pas réussir le développement de tous, des générations présentes comme des générations futures, sans remettre radicalement en cause notre mode de développement.

      Les ressources rares et indispensables à la vie, comme l’eau ou le génome humain, doivent être protégées de la logique de marchandisation. La puissance publique doit en assurer la gestion afin d’assurer leur préservation et de garantir un accès égal pour tous. Le « mieux disant environnemental » doit permettre à tout Etat de pouvoir adopter une législation plus protectrice.

       Pour une coopération Nord-Sud réaliste et ambitieuse

      Comment créer les conditions favorables au rattrapage des pays les moins avancés si la doctrine libre échangiste leur impose d’ouvrir leurs marchés à la concurrence des produits des pays riches ?
      L’ouverture des marchés consiste, pour des pays défavorisés en terme de crédit ou d’industrie, à soutenir la concurrence mondiale en réduisant drastiquement leur embryon d’Etat providence : privatisation des entreprises publiques, démantèlement du système hospitalier et éducatif. Résumée par le slogan de Bill Clinton, « Trade, not Aid » (le commerce, pas l’aide), cette politique s’est rapidement avérée catastrophique. Son hypocrisie s’est révélée dans toute son ampleur avec l’affaire de l’importation des médicaments génériques contre le Sida.

      Les libres échangistes ne sont fair play que quand ils gagnent

      Ouvrir des marchés, au Sud, aux exportations survitaminées en subventions et en capital des pays du Nord, est contraire à la logique la plus élémentaire du développement industriel. Les pays asiatiques, comme leurs prédécesseurs occidentaux au XIXème siècle, ont développé leurs capacités d’exportation à l’abri de barrières douanières. Ce faisant, ils n’ont finalement appliqué qu’un principe de bon sens : protéger les industries naissantes. Il faut reconnaître aux pays du Sud le droit d’utiliser les mêmes instruments que ceux du Nord. Cela suppose une refonte complète des règles de l’OMC, pour parvenir à la protection des industries naissantes, notamment des plus vitales pour l’élévation du niveau de vie des populations.

      Promouvoir les Biens Publics Mondiaux

      Aujourd’hui comme aux étapes précédentes de son histoire, l’expansion du capitalisme s’appuie sur l’exploration de nouveaux marchés. C’est la raison pour laquelle les libéraux insistent tant pour obtenir la privatisation mondiale des services publics, en particulier la santé et l’éducation, dont on estime qu’elles pourraient générer un chiffre d’affaires supérieur à 1400 milliards de dollars (estimation de l’OCDE en 1995).
      Dans la droite ligne de la politique d’exclusion de certains secteurs comme la culture des règles internationales du commerce, la France et l’Union européenne devraient promouvoir le concept de Biens Publics Mondiaux à l’échelle planétaire. Dans les domaines de la santé, de la culture, de l’éducation ou de l’environnement, il faut reconnaître le droit à des politiques publiques spécifiques échappant à la loi du profit.

      Redéfinir l’aide publique au développement


      Le montant de l’aide publique au développement française est toujours à un niveau très bas, environ 0,3 % du PIB, loin de l’objectif affiché par les institutions internationales (0,7 % du PIB). Nous devons nous engager à remonter la pente en élevant progressivement les crédits de coopération tout en rompant avec la « doctrine d’Abidjan », imposée en 1993 par le gouvernement Balladur aux pays africains francophones.
      Enfin, les pays membres de l’Union européenne devraient davantage coordonner leur effort contributif en matière de développement, en renforçant notamment les moyens et les missions du Fonds Européen pour le Développement (FED) et en prenant clairement en compte des critères humanitaires.

       Une autre politique agricole

      L’agriculture, comme les autres secteurs économiques, n’échappe pas à la dérégulation libérale avec des conséquences dramatiques pour des milliards de paysans.
      Tant à l’OMC. qu’au niveau européen, les socialistes doivent proposer une nouvelle politique agricole. Ce projet doit rompre clairement avec l’ambition libérale d’une dérégulation totale des marchés agricoles. La brevetabilité du vivant constitue en la matière l’exemple d’une dérive caractérisée que nous devons combattre résolument et qui suffit à justifier l’opposition aux OGM.

      Il s’agit de soutenir une mondialisation solidaire, respectueuse des droits à la souveraineté alimentaire et garante d’échanges équilibrés pour les pays en développement. Ceci passe par de nouvelles politiques de gestion des marchés et le choix de la valorisation des territoires, plutôt que le dumping sur les marchés mondiaux.
    2) Une autre Europe est urgente !
      La signature d’un texte, émanant de huit responsables gouvernementaux des pays membres de l’Union ou de pays candidats à l’élargissement, a ouvert une crise majeure en Europe.

      Un clivage important apparaît désormais entre les partisans d’une Europe atlantiste, tournée prioritairement vers les États-Unis, et les défenseurs d’une « Europe puissance », autonome militairement et diplomatiquement et porteuse d’un modèle social et culturel spécifique.

      Ce clivage en recouvre un autre, mieux connu, qui oppose les tenants d’une Europe exclusivement marchande aux promoteurs de l’Europe sociale et politique.

      Ce double clivage traverse la social-démocratie européenne. Tony Blair n’hésite pas à signer, avec Berlusconi et d’Aznar, hier un texte pour améliorer la « flexibilité » du travail (à Barcelone), aujourd’hui une lettre de soutien aux entreprises belliqueuses de Bush. De même, ce sont les représentants des travaillistes britanniques qui ont fait front commun avec les libéraux pour empêcher que la Constitution de l’Union fasse explicitement référence à des normes sociales, lors des débats de la Convention ou qui ont plaidé pour que la norme juridique européenne cesse d’être supérieure à la norme nationale des états membres.

      C’est à l’aune de cette double crise que nous devons aborder la question de l’élargissement. L’ouverture aux pays de l’Europe centrale et orientale s’inscrit dans un projet historique auquel nous adhérons : celui de la constitution d’une grande Europe politique. Reste dans les conditions actuelles, ce processus ne peut réussir. Bien au contraire, se dessinent sous nos yeux les contours d’une vaste zone de libre échange, soumise au leadership militaire, et donc diplomatique, des États-Unis.

      Nous ne voulons pas de cette Europe là !

      Effectué dans les conditions actuelles, il est facile de prévoir les conséquences de l’élargissement : prise de décision quasi-impossible, aggravation du dumping social, renforcement des tenants d’une Europe alignée militairement et diplomatiquement sur les Etats-Unis d’Amérique… Face à de tels dangers, certains de nos camarades nous expliquent qu’il est déjà trop tard, que nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter l’élargissement tel qu’il est prévu, sans aucune garantie d’approfondissement démocratique ou social préalable.

      Nous pensons au contraire qu’après le triple échec d’Amsterdam, de Nice et de Barcelone, il est urgent de remettre à plat l’avenir de l’Union, quitte à provoquer une crise.

      C’est pourquoi nous proposons que les socialistes fassent d’une réforme des institutions politiques de l’Europe, de l’adoption d’un vrai Traité social et de l’accord des peuples concernés les conditions préalables à tout élargissement. Il s’agit de nous donner, cette fois, les moyens d’une réorientation profonde de la construction européenne et de donner à cette nouvelle étape décisive le caractère démocratique qui s’impose.


       Une Europe fédérale et démocratique

      Nous ne pourrons pas relancer et réorienter la construction européenne sans la participation des peuples. Le caractère opaque et anti-démocratique des institutions européennes sert les intérêts des libéraux qui peuvent ainsi appliquer leur projet sans craindre la sanction des citoyens. La démocratie doit être à l’inverse le levier des socialistes pour une autre Europe.

      L’expérience de ces dernières années montre bien les limites du fonctionnement intergouvernemental en Europe. Longtemps, nous avons dit que la réorientation de l’Europe ne serait possible que lorsque les socialistes seraient au pouvoir dans les principaux pays européens. Or le recul des libéraux sur le continent a porté presque partout les socialistes et sociaux-démocrates au pouvoir, dans la proportion sans précédent de 13 gouvernements sur 15. Ce rapport de forces apparemment favorable n’a pas permis d’enrayer la dérive libérale de l’Europe. Une addition de combinaisons gouvernementales ne remplace pas l’expression au suffrage universel direct de tous les citoyens d’Europe. L’Europe ne sera donc démocratique que si elle est fédérale.

      Le choix des socialistes doit être clair : une République sociale européenne c’est-à-dire des institutions fondées sur le primat de l'intérêt général et l'arbitrage citoyen, sur une Constitution établissant la prééminence d'un Parlement souverain, investissant un gouvernement européen responsable devant lui. Une Constitution qui devra clarifier ce qui relève des niveaux européens et nationaux, et éventuellement établir une seconde chambre composée des représentants des parlements nationaux. Elle devra être débattue et votée démocratiquement par une Assemblée constituante. Pour aller de l’avant, il faut s’appuyer, dans le contexte actuel, sur un groupe de pays déterminés à constituer le moteur politique à l'Union. Dans cette perspective, il nous paraît évident que la Belgique et l’axe franco-allemand doivent constituer le noyau dur de cette évolution.

      Certains de nos camarades estiment que s’engager dans l’Europe fédérale risque de nous contraindre à accepter demain des décisions remettant en cause nos acquis sociaux. Mais n’est-ce pas ce qui se produit aujourd’hui, sans que jamais les citoyens n’aient leur mot à dire ? En renonçant à défendre nos propositions devant les peuples d’Europe, nous ne faisons que renforcer l’idée que l’Europe libérale est la seule Europe possible. Ceux qui élèvent cette objection n’hésitent pas, par ailleurs, à voter pour la libéralisation du fret ferroviaire au Parlement Européen ou à croire en la possibilité d’un programme commun pour les prochaines élections européennes avec Tony Blair et les sociaux-libéraux européens.

       Un Traité social pour l'Union

      Pour les socialistes, la finalité principale de la construction européenne est le progrès social. Or, alors que l’Union n’hésite pas à multiplier les réglementations au service de la libre circulation des marchandises ou de la protection des consommateurs, elle ne s’est pas dotée d’une législation sociale avancée. Cette absence dramatique conduit à encourager la concurrence et le dumping social au sein de l’Europe. Accepterions-nous que le droit social soit différent selon les régions en France, les entreprises pouvant alors mettre en concurrence les territoires et s’implanter dans ceux où les normes sociales sont les plus faibles ?

      L’élargissement ne peut pas être une machine à délocaliser. Aux pays candidats à l’entrée dans l’Union, il doit être proposé un Traité social et des critères de convergence sociaux préalables à l’intégration.

      Sans Traité social, la construction européenne ne peut malheureusement conduire qu’à un recul des acquis sociaux. De même, le contenu du traité est aussi décisif que son principe. Il ne peut se contenter de porter sur des points limités, ou des généralités non contraignantes. Le Traité social doit comporter au contraire les garanties précises qui sont au coeur des droits salariaux. C’est la raison pour laquelle nous demandons que l’Union se dote de critères de convergences sociaux : salaire minimum européen, durée du travail, droit du licenciement… Même si l’on peut accepter un calendrier de mise en place tenant compte du droit social existant dans les différents pays européens, il paraît nécessaire d’aboutir à une harmonisation rapide.

       Une Europe diplomatique et militaire

      La défense est un des attributs de la souveraineté nécessaire à l’émergence de l’Europe politique.

      La crise actuelle met en évidence la véritable nature de l’OTAN. Conçue pour être une alliance défensive face à une U.R.S.S. qui n'existe plus, elle entérine aujourd'hui le concept de guerre préventive que nous refusons. Elle apparaît de plus en plus comme un outil à la disposition exclusive de la volonté de puissance des U.S.A., qui s'arrogent par ailleurs le droit de définir à leur convenance le périmètre du bien et du mal, tout en ayant une difficulté évidente à distinguer un allié d'un vassal.

      Après le refus d'accorder un poste de commandement important à un Européen, les événements récents ont mis en évidence le peu de considération que les Américains nourrissent envers leurs partenaires. A l'évidence, on ne peut faire aujourd'hui l'économie d'une réflexion sérieuse sur les modalités de notre appartenance à cette organisation sauf à être en totale contradiction avec les principes que nous proclamons par ailleurs.

      De même, nous ne pouvons plus ignorer la contradiction qui existe entre notre doctrine de défense et notre volonté proclamée d'aller vers une défense et une diplomatie européenne indissociables du concept d'Europe puissance. Qui peut encore croire sérieusement au sanctuaire nucléaire hexagonal ? Le sujet est certes délicat mais nous ne pouvons éviter d'ouvrir le dossier.

      Enfin, nous ne pouvons cacher notre scepticisme à l’égard du concept de pilier de défense européenne dans le cadre de l'O.T.A.N : qu'il s'agisse de notre indépendance, de notre existence en tant que puissance européenne ou de notre avenir technologique, il paraît nécessaire de mener une réflexion sérieuse sur le sujet.

       Au PSE, une clarification nécessaire

      Dans ce Congrès comme lors des précédents, tous les socialistes se prononcent pour une Europe plus démocratique et sociale, qui ne se résume pas à un grand marché unifié. Le contraire serait inquiétant ! Malheureusement, les bonnes intentions et les voeux pieux ne remplacent pas une stratégie efficace. Or, force est de constater que celle que nous avons suivie jusqu’ici ne l’a pas été. La dérive libérale de la construction européenne est maintenant bien installée. Au nom du fait qu’il ne fallait pas « casser l’Europe » ou « être isolé », nous n’avons pas su faire prévaloir notre point de vue. Mais au final, un nombre croissant d’Européens, surtout au sein des couches populaires, en viennent à refuser une Europe qui avant tout s’est traduite pour eux par des reculs sur le plan social.

      La social-démocratie européenne a globalement accepté cette construction libérale de l’Europe. Elle s’est parfois entièrement ralliée aux dogmes libéraux, à l’image d’un Tony Blair, adversaire résolu de l’harmonisation fiscale et de l’Europe sociale. Ailleurs, elle a pensé qu’au final, la construction libérale de l’Europe hâterait l’avènement de l’Europe sociale et politique, le grand marché jetant en quelque sorte les bases de nouvelles régulations à l’échelle du continent. C’était le pari des socialistes français. C’est malheureusement l’inverse qui s’est produit. De fait, la construction libérale de l’Europe s’oppose à toute forme de régulation (même la monnaie unique a donné naissance à une banque centrale indépendante !), contribuant à démanteler celles qui avaient été arrachées par le mouvement social dans un cadre national.

      Le sort du Parti des Socialistes Européens illustre bien le résultat désastreux d’une telle logique. Soucieux de ne pas affronter les sociaux-libéraux, les socialistes français leur ont abandonné la direction du PSE. Nous payons cher, aujourd’hui, cette mollesse. Notre complaisance ne nous a même pas valu de reconnaissance en retour : on se souvient encore de la déclaration Blair-Berlusconi sur la dérégulation du marché du travail en Europe publiée en plein lancement de la campagne présidentielle de Lionel Jospin. Le souci de préserver l’unité de la social-démocratie européenne n’a abouti qu’à renforcer les partisans déclarés d’une alliance avec la droite libérale en Europe.

      De même, certains de nos camarades nous ont expliqué pendant des années qu’il fallait, au nom de l’Europe, renoncer à des « spécificités françaises » comme la laïcité ou les services publics. Résultat : après avoir été le principal instrument de remise en cause du service public, la construction libérale de l’Europe menace maintenant la laïcité. La Convention débat en effet de l’inscription de références au christianisme dans la future Constitution Européenne. Nous pensons au contraire que ces outils et principes, loin d’être un archaïsme national étroit, sont des éléments indispensables à la construction de l’Europe. Comment fonder une vraie citoyenneté européenne sans laïcité ? Comment favoriser l’égalité sociale et celle des territoires sans le déploiement de services publics à l’échelle européenne ? Renoncer à ces fondements de l’identité socialiste et républicaine, c’est aussi desservir la construction européenne.

      Enfin, la gestion commune partagée des institutions européennes s’est révélée totalement néfaste pour la gauche. Dans l’immense majorité des cas, les compromis politiques qu’elle impliquait ont penché en faveur de l’épargne et du capital, au détriment du travail.

2- Un modèle de croissance sociale...

    1) Une autre politique économique
       Objectif : le vrai plein-emploi

        Encourager une croissance forte

      La croissance économique ne résoudra pas, à elle seule, la question du chômage en France. Mais toute l’Histoire de notre pays, et singulièrement les cinq dernières années, en témoigne : sans croissance forte, nous ne pouvons créer massivement des emplois et combattre le chômage qui mine la cohésion sociale de notre pays.

      La croissance ne se décrète pas ; elle dépend pour l’essentiel de la consommation des ménages, et donc de leur pouvoir d’achat, de la capacité de notre pays à innover par sa recherche, ses industries de pointes, la qualité de son système de formation et de ses infrastructures, et de la vigueur de notre système de redistribution. La politique économique et sociale du gouvernement est donc un levier fondamental pour lutter contre le chômage.

      Le budget de l’Etat doit être le fer de lance de la reconquête de l’emploi, et c’est dans ces temps de crise économique que son action est la plus déterminante. Les Américains n’ont pas hésité à pratiquer massivement la relance budgétaire pour soutenir leur économie, même si, orientation libérale de Bush oblige, elle profitera essentiellement aux ménages les plus riches.

      En France, nous devons militer pour un plan de relance massif et immédiat : lancement de grands travaux d’infrastructures (transports, nouvelles technologies, dépollution, logement), recrutement de fonctionnaires pour préparer les départs massifs à la retraite, augmentation du SMIC et des minima sociaux, rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée entre les profits et les salaires. Dans une situation de crise, nous devons mobiliser l’ensemble des acteurs économiques, à commencer par les entreprises publiques et le système bancaire qui doit abandonner sa frilosité dans la distribution de crédits aux PME qui jouent un rôle majeur dans la relance de l’investissement. Force est de constater qu’à abandonner tous les leviers d’action au nom de l’idéologie de la privatisation et du moins d’Etat, notre pays peine à faire face à la situation difficile que nous vivons aujourd’hui.

      Cette relance sera plus efficace si elle est coordonnée au niveau européen. Le rôle du PS n’est pas de s’inquiéter du non respect par Raffarin du Pacte de stabilité budgétaire. Ces normes libérales, en instaurant des critères de gestion indépendants de la situation économique et sociale, empêchent aujourd’hui de relancer l’économie. C’est pourquoi nous proposons d’en finir avec ces règles « stupides », comme l’a dit Romano Prodi, Président de la Commission de Bruxelles, pour faire prévaloir, dans les critères de gestion du budget et de la monnaie, l’exigence d’un niveau élevé de croissance et d’emploi. Cela suppose une renégociation du Pacte de stabilité et la création de nouvelles règles européennes de coordination économique favorables à l’emploi et à la croissance (les dépenses d’investissement, par exemple, ne devraient pas figurer dans le calcul du déficit).

      Dans le même esprit, nous proposons de confier au Conseil de l’euro 11 et au Parlement européen le contrôle de la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne. Si les instances démocratiques de l’Union ne sont pas satisfaites de la gestion du gouverneur de la BCE, doit pouvoir être révoqué et les délibérations de la BCE doivent être publiques, comme le sont celles de la Banque fédérale américaine.

        Parachever les 35 heures pour tous

      La réduction du temps de travail a permis la création de centaines de milliers d’emplois ; elle a prouvé son efficacité lorsqu’elle s’accompagnait d’une politique de soutien à la croissance. Cependant, dans les entreprises où le rapport de force leur était favorable, les patrons se sont engouffrés dans les brèches de la loi Aubry pour imposer, par le biais de l’annualisation, des diminutions de rémunération (les heures supplémentaires se transformant en heures normales) et une intensification du travail, provoquant un fort ressentiment parmi les salariés, notamment les ouvriers. L’impact sur l’emploi a été amoindri et les salariés concernés n’ont pas eu les bénéfices attendus de la RTT.

      Nous devons en tirer les leçons : nous proposons que la loi sur le temps de travail soit réformée, de manière à éliminer les « trappes à flexibilité » qu’elle comporte. Cela passe par l’abrogation de la loi Fillon sur le temps de travail et l’encadrement strict des accords d’annualisation.

        Encourager l’artisanat

      L’artisanat est aujourd’hui le premier employeur de France ; il représente un potentiel important de créations d’emploi et constitue un élément majeur d’équilibre du tissu rural et urbain. La simplification et la forfaitisation fiscales devraient être recherchées pour ce secteur. De plus, les trois premiers salariés devraient bénéficier de cotisations sociales préférentielles.

       Une politique salariale ambitieuse

        A nouveau, le SMIC

      Le SMIC constitue un levier majeur pour diminuer les inégalités, stimuler la hausse de l’ensemble des salaires et soutenir la croissance et l’emploi. La droite l’a gravement remis en cause sous prétexte d’en finir avec les différents SMIC issus de la loi Aubry. Si rien n’est fait pour contrer cette régression, le salaire minimum sera seulement indexé sur l’inflation, et non plus sur les salaires. Si l’on avait appliqué un tel mode de calcul au SMIC depuis sa création, son pouvoir d’achat serait d’environ 30 % inférieur à ce qu’il est aujourd’hui.

      Nous devons prendre l’engagement devant les salariés de revenir à l’indexation du SMIC sur l’inflation ET les salaires. Aujourd’hui, la priorité n’est pas à la maîtrise des salaires mais à leur hausse rapide pour favoriser la consommation de millions de ménages modestes.

      Par ailleurs, nous proposons que le Parti socialiste s’engage à interdire, par voie législative, les conventions collectives qui comportent des minima conventionnels inférieurs au salaire minimum.


        Pour une conférence annuelle sur les salaires

      Pour impulser une dynamique de croissance des salaires et du pouvoir d’achat, nous proposons que se tienne chaque année une Conférence sur les salaires et l’emploi réunissant patronat, syndicats et gouvernement. Cette Conférence aurait deux objectifs prioritaires :
       un partage des gains de productivité susceptible d’amorcer une remontée de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
       l’égalisation des conditions de rémunérations entre hommes et femmes. N’oublions pas qu’à qualification égale, une femme gagne en moyenne 25 % de moins qu’un homme.

       La redistribution au cœur de notre projet

      L’impôt n’est pas une nuisance, il est le prix de nos services collectifs : de l’éducation, de la culture, de la police… Céder à la démagogie du discours sur la baisse des impôts, cela signifie à terme moins de services collectifs.

      L’impôt finance l’action publique mais il est aussi un formidable outil de redistribution des richesses. C’est grâce à l’instauration de l’impôt sur le revenu que la France a réduit les inégalités au XXème siècle. Contrairement à une idée malheureusement répandue, il n’y a pas de lien entre inégalités et dynamisme économique, c’est même l’inverse ! Or aujourd’hui, notre système fiscal joue de moins en moins bien son rôle de redistribution : imposition de plus en plus faible du capital, taxation de l’emploi, faiblesse de l’impôt progressif par rapport à la TVA … Nous devons renouer avec nos valeurs et mettre notre projet fiscal au service de l’égalité.

        La fiscalité au service de l’emploi

      Le capital est imposé en moyenne à hauteur de 26 % contre 45 % pour le travail. La libéralisation financière n’a fait qu’accentuer cette inégalité. Cette situation pénalise l’emploi et va à l’encontre de la justice sociale.

      Au cours de la dernière législature, nous nous sommes courageusement attaqués à la réforme des cotisations payées par les salariés : aujourd’hui, la CSG finance la part salariale des cotisations maladie. Cette réforme est allée dans le bon sens : assise sur le capital et le travail, la CSG a soulagé les salariés d’une charge importante tout en trouvant de nouvelles sources de financement : les revenus du capital.

      Nous devons élargir aussi l’assiette des cotisations patronales à d’autres facteurs que les salaires. Rendons-nous à l’évidence : la part patronale des cotisations sociales pénalise l’emploi. Quelle est la cohérence d’un système de protection sociale dont le financement pénalise les entreprises, notamment les PME, où l’emploi est fort ; et qui avantage les grandes industries robotisées, où l’emploi a quasiment disparu ? Cet effet pervers ne peut être supprimé que par l’élargissement de l’assiette des cotisations patronales à l’ensemble de la valeur ajoutée, c'est-à-dire aux salaires et aux profits. Ainsi, le capital participerait davantage au financement de la Sécurité sociale, et l’emploi serait encouragé.

        Une fiscalité accrue du capital

      Nous proposons également que la fiscalité sur les bénéfices des entreprises soit progressive en fonction du montant du bénéfice. Pourquoi ce qui serait juste concernant les salaires ne le serait pas pour les bénéfices des sociétés ?

      Nous souhaitons supprimer l’avantage indu que représente « l’avoir fiscal », qui permet aux dividendes d’être bien moins taxés que les salaires. L’avoir fiscal constitue un véritable privilège qui n’existe nulle part ailleurs en Europe. Il serait bon qu’au moins sur ce point, le principe d’harmonisation fiscale soit appliqué.

      Il faut mettre fin aux exceptions dont bénéficient les mécanismes d’épargne salariale et les stock-options. En effet, ces deux formes voisines de rémunération ont été favorisées par des exonérations d’impôts et de cotisations sociales qui coûtent extrêmement cher à l’Etat et à la Sécurité sociale. Au moment où nous nous posons la question du financement de notre système de solidarité, il est indispensable de mobiliser, surtout lorsque cela est juste fiscalement, toutes les ressources nécessaires à sa pérennité.

      La principale inégalité en France demeure les différences de patrimoine. Aujourd’hui, un ménage ouvrier ne possède en moyenne que 30 000 euros de patrimoine, contre plus de 300 000 euros pour un ménage de cadres et professions libérales. Moins de 20 % de la population possèdent plus de 60 % des richesses. L’héritage, qui est, au niveau social, le moyen par excellence de perpétuer les inégalités, doit être plus fortement taxé qu’il ne l’est aujourd’hui pour les gros patrimoines.

        La fiscalité au service de la justice sociale

      Au prétexte que la TVA serait indolore et que l’impôt sur le revenu aurait atteint un niveau insupportable, notre système fiscal n’a cessé d’augmenter les prélèvements les plus injustes et de diminuer l’impôt sur le revenu. La fiscalité joue donc de moins en moins bien son rôle de correction des inégalités. Ce n’est pas de moins d’impôts dont nous avons besoin, mais d’impôts plus justes.

      - Alléger la fiscalité indirecte
      La structure des prélèvements en France est connue : les taxes indirectes (TVA, Taxe sur les Produits Pétroliers, etc…) représentent plus de 60 % des recettes de l’Etat. Cela nuit considérablement à la justice fiscale, dans la mesure où la TVA frappe les ménages pauvres et riches de manière indifférenciée. Que l’on soit smicard ou milliardaire, on paie toujours 19,6 % sur un crayon, une voiture ou un tube de dentifrice. L’impôt sur le revenu, seul grand impôt direct progressif, représente moins de la moitié des recettes de la TVA, surtout depuis qu’on en a baissé, par deux fois, le barème.
      Pour rééquilibrer l’impôt direct et l’impôt indirect, nous proposons de ramener progressivement le taux de TVA à 15 % en France, conformément à la moyenne européenne.

      - Créer un grand impôt sur le revenu progressif

      Sur la fiscalité, notre position est claire : conformément au principe de justice, nous militons pour l’accroissement de sa progressivité. Il faut donc créer un grand impôt sur le revenu, comme il existe actuellement dans tous les pays européens. De plus, nous devons éliminer tous les dispositifs qui limitent la progressivité de l’impôt sur le revenu, en supprimant outre l’avoir fiscal, nombre d’avantages particuliers (les fameuses « niches » fiscales), et en élargissant son assiette à tous les revenus du capital qui y échappent aujourd’hui.

      Nous souhaitons également prélever l’impôt sur le revenu à la source. Cette retenue à la source simplifierait les démarches et ne pénaliserait plus ceux qui perdent leur emploi en ajustant l’impôt aux revenus de l’année en cours. De plus, cela libérerait des agents pour la lutte contre la fraude, dont on sait qu’elle ne dispose pas aujourd’hui des moyens nécessaires.

      Nous refusons enfin le principe de l’impôt négatif, catégorie dont fait partie la « prime pour l’emploi ». Dans tous les pays qui y ont recouru, sa mise en place s’est traduite par un blocage des bas salaires. La prime pour l’emploi devra être supprimée, puis compensée par un plan de revalorisation du SMIC. Un chèque de l’Etat en fin d’année ne remplacera jamais une hausse de salaire.

      - Réformer la fiscalité locale
      Si l’on souhaite que l’aménagement du territoire, dans un contexte de décentralisation accrue, se fasse sans accroissement des inégalités, il faut commencer par la refonte complète des impôts locaux. Aujourd’hui, leur mode de calcul est socialement injuste et contribue à renforcer les inégalités entre territoires.

      La réforme de la taxe professionnelle a déjà été engagée par le gouvernement de la gauche plurielle, avec la suppression de la part salariale. Celle de la taxe d’habitation a été, en revanche, remise à plus tard. Nous proposons la suppression de la taxe d’habitation et son remplacement par une taxe additionnelle à l’impôt sur le revenu.
    2) Un autre modèle social
      Contrairement à la droite qui restreint la sécurité au seul respect de l’ordre, la gauche porte en elle une exigence plus grande : la sécurité des personnes dans tous les aspects de leur vie. Le nouveau capitalisme rend plus nécessaire que jamais l’invention d’un nouvel Etat social.

       Lutter contre la précarité

      Aujourd’hui, plus de 3 millions de travailleurs vivent au-dessous du seuil de pauvreté en France ; ce sont d’abord des victimes du temps partiel (un salarié sur cinq dont 80 % de femmes), de l’intérim et des CDD.

      Face à cette évolution, nous réaffirmons que le CDI doit demeurer le droit commun du contrat de travail. Trop d’employeurs ont recours systématiquement aux CDD et à l’intérim. Pour dissuader ces pratiques, nous proposons d’instituer une modulation dissuasive des cotisations patronales de Sécurité sociale : les entreprises qui abuseront du recours aux contrats précaires seront pénalisées par rapport aux autres. La fixation d’un taux maximal d’emplois précaires, négocié par branche professionnelle, limitera les abus. Le droit commun du travail devra être appliqué aux travailleurs à domicile, notamment les télétravailleurs, par une intervention plus importante de l’inspection du travail. Un effort particulier devra être fait en direction des apprentis et des travailleurs saisonniers, à qui nous proposons d’accorder le bénéfice de l’indemnité de précarité.

       Revaloriser les minima sociaux

      Nous n’acceptons pas que près de 10 % de la population vive en dessous du seuil de pauvreté. Les chômeurs en fin de droits, les « accidentés» de la vie, les travailleurs précaires qui subissent de telles conditions ne sont pas des coupables, mais des victimes. Tous les dispositifs de réinsertion, si intelligents soient-ils, échoueront s’ils s’adressent à des gens ne disposant même pas du minimum vital. C’est pourquoi nous proposons de revaloriser les minima sociaux de manière à ce que personne ne vive en France en dessous du seuil de pauvreté.

      Concernant le système d’allocation des personnes en situation de handicap, nous souhaitons qu’il soit réformé afin d’accompagner, en tant que de besoin, leur parcours d’intégration professionnelle et/ou sociale.

       Un nouveau dispositif de lutte contre les licenciements

      MetalEurop, Pechiney, Alcatel, Epeda…. La liste des plans sociaux s’allonge, fabriquant des milliers de chômeurs. Il n’est pas vrai que l’Etat et la loi n’y peuvent rien. Nous proposons, en renforçant le pouvoir des salariés, d’enrayer cette hémorragie grâce à la création d’un nouveau dispositif de lutte contre les licenciements.

      Pour les licenciements économiques dans le cadre des plans sociaux, nous proposons de réintroduire les garanties abrogées par la Droite. Mais il faut aller au-delà. Nous proposons d’imposer une négociation collective obligatoire dans l’entreprise dès qu’un projet de restructuration est envisagé. On franchirait ainsi un grand pas en passant d’un droit des représentants du personnel à être consultés, à un droit des représentants syndicaux à négocier le plan social lui-même. Le plan social ne serait valide que s’il a fait l’objet d’un accord collectif et s’il n’est pas contesté par des organisations syndicales représentant la majorité des salariés.

      Pour un « veto » social aux licenciements boursiers

      Il faut dissuader les licenciements qui ne sont pas motivés par de réelles difficultés économiques, mais par la seule volonté d’accroître la rentabilité sous couvert de sauvegarde de la compétitivité (licenciements « boursiers »). Nous proposons d’interdire de tels licenciements, sauf si le comité d’entreprise constate à la majorité de ses membres que l’employeur a fait les efforts nécessaires en matière de reclassement et d’indemnisation des salariés concernés, et qu’il a mené une politique active de ré-industrialisation du bassin d’emplois touché par la fermeture du site.

      Les licenciements hors plans sociaux
      représentent l’énorme majorité (80 %) des licenciements économiques. On en parle peu, et pourtant les salariés sont dans ce cas les plus mal protégés. Comme pour les plans sociaux, la loi doit prévoir expressément que le non respect par l’employeur de son obligation générale de reclassement entraîne la nullité du licenciement, et oblige ainsi l’employeur à réintégrer le salarié. C’est une mesure considérable et nous devons mener ce combat.

       La sécurité sociale professionnelle : de nouveaux droits

      Afin que chacun puisse accéder concrètement à une formation, nous défendons la constitution d’une « sécurité sociale professionnelle », garantissant aux salariés des droits transférables au plan interprofessionnel tout au long de leur vie active, que ces salariés changent d’employeur, de métier ou prennent du temps pour se former. Cette garantie nouvelle assurerait aux salariés un véritable droit à la mobilité professionnelle, en leur permettant de conserver leur rémunération au cours des périodes de recherche d’emploi et de formation.
      La complexité de notre système de protection sociale prive de droits de nombreux salariés qui connaissent des périodes longues d’exclusion du marché du travail (droit à la retraite, à la formation,…). La sécurité sociale professionnelle donnerait à tous les travailleurs les mêmes droits sociaux, qu’ils soient employés, au chômage ou en formation.

       Retraites : en finir avec le catastrophisme

      Le débat qui se déroule aujourd’hui sur la question des retraites est biaisé. On nous assène, à longueurs de colonnes, que la retraite par répartition est devenue un luxe que notre société, pourtant plus riche que jamais, ne pourrait plus s’offrir. Et l’on s’efforce de nous engager dans une voie unique, l’allongement de la durée de cotisation.

      Le message de la droite est clair : tout en agitant sous le nez des salariés du public le prétexte de « l’équité », elle indique à mots à peine voilés qu’après avoir mis public et privé à quarante annuités, tout le monde « évoluerait » de la même manière. Autrement dit, on est en train de préparer l’opinion, d’ici quelques mois à quelques années, au passage à 42 annuités et plus, conformément aux exigences du patronat. Une telle régression signifierait en réalité la fin du droit à la retraite à 60 ans à taux plein.

      Pour les socialistes, quatre objectifs doivent guider le débat sur les retraites :
         le maintien du droit au départ à la retraite à 60 ans à taux plein
         le maintien du taux de remplacement actuel, soit environ 75 % du dernier salaire net, en revenant sur la réforme Balladur concernant les années de référence.
         l’indexation des pensions non plus sur les prix mais sur la croissance des salaires nets
         départ à taux plein avant 60 pour tous les salariés ayant déjà atteint 40 années de cotisation
        .

      De plus, afin d’accroître la justice sociale de notre système de retraite, nous proposons que les travailleurs effectuant des tâches particulièrement pénibles puissent partir plus tôt, et que les périodes de chômage soient prises en compte dans le calcul des années de cotisation.

      Il ne saurait être question, pour les socialistes, d’exposer les Français aux risques considérables que présente la privatisation des retraites. C’est pourquoi nous rejetons tout autant les fonds de pension que les systèmes d’épargne salariale, qui ne sont que des fonds de pension déguisés. Quel que soit le mode de gestion retenu - capitalisation ou répartition - nous serons de toute façon obligés de payer plus. Cela supposera une augmentation de cotisations sociales, et la contribution du capital au financement de la protection sociale par une éventuelle modification de l’assiette des cotisations.

      D’autre part, la durée effective moyenne du travail étant ce qu’elle est, nous souhaitons réfléchir à l’instauration d’une « cotisation mobile » afin que tous les salariés du privé désirant partir à 37,5 ans de cotisations le puissent. Cette éventualité devrait donner lieu à une négociation entre les partenaires sociaux et l’Etat. Les revenus de la caisse de compensation de l’Etat pourraient y être affectées.

      Concernant la négociation engagée entre le gouvernement et les partenaires sociaux, nous réaffirmons deux exigences : il n’est pas question d’accepter, pour quelque catégorie que ce soit, une remise en cause des acquis sociaux ; tout accord passé sur cette question entre les syndicats et les employeurs ne pourra recevoir notre approbation que s’il recueille la signature d’organisations syndicales représentant la majorité des salariés.

       Défendre la sécurité sociale et construire de nouvelles solidarités

      La Sécurité Sociale est aujourd’hui dans une situation extrêmement préoccupante. Pour faire face à un déficit qu’il a largement contribué à creuser en augmentant les tarifs de consultation des médecins libéraux et en amplifiant inconsidérément la baisse des cotisations sociales pour les entreprises, le gouvernement Raffarin a décidé de remettre en cause le système de sécurité sociale de notre pays en défendant l’idée d’une Sécu à plusieurs vitesses (panier de soins remboursés, différenciation selon les revenus, système de franchise…). Face à cette volonté de casser un système fondé sur la solidarité, la réaction du PS et de la Gauche doit être plus claire et plus forte.

      Assurer réellement l’accès aux soins des plus démunis

      Il faut pour cela restaurer la CMU, que le Gouvernement Raffarin cherche à rogner par petites touches et au final à vider de sa substance. Il faut aussi envisager de l’améliorer, en supprimant le seuil de prise en charge, au profit d’une prise en charge dégressive en fonction des revenus.

      Une nouvelle étape de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées

      L’allocation personnalisée à l’autonomie (APA) a constitué un progrès significatif pour répondre à ce formidable enjeu, encore très largement devant nous, lié au vieillissement de la population. La droite a décidé de s’attaquer frontalement à ce progrès social, en décidant de faire payer davantage les personnes âgées elles-mêmes et en envisageant d’en réduire le caractère égalitaire et universel. En plus de cette réforme de l’APA, le Gouvernement vient de supprimer les crédits prévus pour la médicalisation des maisons de retraite. Au total, une vraie politique sociale d’inspiration libérale qui privilégie le chacun pour soi.

      Face à ces régressions, l’objectif des socialistes doit être de prendre la pleine mesure des enjeux liés à la dépendance : voilà bien un nouveau risque social face auquel nous sommes tous égaux auquel la collectivité doit répondre. C’est pourquoi nous défendons le principe de la prise en charge de la dépendance à l’intérieur de la Sécurité Sociale (ce qu’on appelle le « cinquième risque », aux côtés des branches maladie, vieillesse, famille, accidents du travail).

      Une politique du handicap qui rompt avec l’archaïsme

      N’en déplaise à Jacques Chirac qui se pose en héros de la cause handicapée, notre pays ne répond pas de manière satisfaisante aux besoins d’intégration des personnes handicapées ou ayant perdu leur autonomie. Pour preuve, la baisse régulière depuis 10 ans de l’effort budgétaire consacré par la collectivité au handicap. Là aussi, il faut bousculer les archaïsmes : la branche « dépendance » de la sécurité sociale, évoquée plus haut pour les personnes âgées, doit s’étendre aux personnes handicapées pour mettre fin aux conditions kafkaïennes de prise en charge (et notamment au changement de statut couperet à 60 ans pour les personnes handicapées). Autre archaïsme auquel il faut tordre le cou : l’hypocrite délégation aux associations de parents de la responsabilité de construction de bout en bout des établissements d’accueil pour enfants et adultes handicapés. Comme si on demandait aux parents d’élèves de construire eux-mêmes les écoles et collèges… La puissance publique doit assumer pleinement cette mission de service public, soit en le faisant directement elle-même, soit en dotant les associations de moyens pour le faire.

      Un financement plus juste de la sécurité sociale

      Toutes ces évolutions, comme d’autres tout aussi indispensables (telle la revalorisation des allocations logement et des allocations de garde d’enfants sous condition de ressources ou l’augmentation des montants d’indemnisation des salariés victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles), ont un coût, forcément. Pour assurer la pérennisation du financement de la sécurité sociale, et répondre à notre exigence de partage plus juste de la valeur ajoutée, il est nécessaire et fondé d’accroître la contribution des revenus du capital et du patrimoine au financement de la sécurité sociale.

      Nous devrons également restaurer les élections à la Sécurité sociale, qui n’ont pas été convoquées depuis 1983.

       La démocratie dans l’entreprise

      La démocratie ne doit pas s’arrêter à la porte des entreprises. Rien ne justifie que le pouvoir soit lié à la seule détention du capital. C’est pourquoi il faut imposer une représentation des salariés au sein des structures de décision. Aujourd’hui, les salariés ne peuvent participer aux discussions sur l’avenir de leur entreprise qu’en en devenant actionnaires ! C’est pourquoi, nous souhaitons que les socialistes se prononcent clairement pour une participation des salariés à hauteur d’un tiers au Conseil d’administration et de la moitié au Conseil de surveillance des sociétés anonymes. Associée à des nouveaux droits des élus du personnel, en particulier ceux dévolus aux CE face aux licenciements, cette mesure permettra de renforcer la démocratie dans l’entreprise.

      La démocratie sociale

      Par ailleurs, la démocratie sociale a besoin d’un profond renouvellement. Les règles de représentativité, édictées au niveau national en 1967, sont aujourd’hui obsolètes. Nous proposons que tous les trois ans, une élection de représentativité, avec seuil de 5 %, ait lieu dans toutes les branches professionnelles et au même moment, sur les lieux de travail, pour déterminer l’audience de chacun.

      En redonnant une légitimité démocratique à la mission de représentation des syndicats, nous pourrons ainsi en finir avec cette incongruité de la négociation collective en France, qui est de valider tout accord collectif à partir du moment où un seul syndicat « représentatif », fût-il ultra-minoritaire dans l’entreprise, la branche (cf. accord UIMM de 1998) ou au niveau national (cf. accord du PARE en 2000), l’a signé. Toute la démocratie, rien que la démocratie : un accord collectif, à quelque niveau que ce soit, ne pourra être valable que s’il est approuvé par des syndicats représentant la majorité absolue des suffrages aux élections professionnelles.

      On ne peut faire vivre la démocratie sans lui en donner les moyens. L’histoire nationale en la matière a produit des syndicats certes légitimes, grâce à la loi et au vote, mais sans beaucoup d’adhérents. Il est donc utile au bon fonctionnement de la démocratie sociale de les doter d’un financement suffisant pour développer leur action. C’est pourquoi nous proposons de mettre en débat la question du financement public des syndicats de salariés.

      Nous proposons enfin d’abaisser les seuils légaux d’introduction des Comités d’Hygiène et de Sécurité et des délégués syndicaux : ce seuil passerait de 50 salariés par entreprise à 20.
      Dans le même ordre d’idée, il est souhaitable que le dialogue social se structure aussi dans les très petites entreprises (TPE). Pour ce faire, nous proposons d’organiser, le même jour que les élections des représentants du personnel dans les entreprises une élection de délégués syndicaux inter-entreprises par bassin d’emploi, précisément habilités à négocier les conventions et accords collectifs dans les TPE. Les prérogatives de ces délégués syndicaux se rapprocheraient également de celles des délégués du personnel et des comités d’entreprise.

      La représentativité dans le secteur public

      Les principes dégagés pour renforcer la démocratie sociale doivent trouver application dans le secteur public. La représentativité devra être mesurée aux résultats des votes des salariés pour les commissions administratives paritaires et les commissions techniques paritaires. La prise en compte des résultats obtenus dans le secteur public devra en outre être un paramètre de la représentativité pour les négociations interprofessionnelles.

      Enfin, il est grand temps de poser le principe que le droit à la détermination collective des conditions de travail, principe à valeur constitutionnelle, s’applique également dans la fonction publique. La conciliation de ce droit à la négociation collective avec les statuts des entreprises publiques a été parfaitement assurée par le législateur et la jurisprudence. Il n’y a aucune raison pour que le statut particulier des fonctionnaires ne soit pas conciliable avec une négociation collective des conditions de travail et des garanties sociales, lorsque ces dernières ne sont pas déjà prévues par la loi.

      Suite de la contribution :
      3- Un modèle démocratique

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