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1- A tous les niveaux
1) Un autre monde est possible !
A Porto Alegre, et en d’autres occasions, des centaines de milliers de femmes et d’hommes,
jeunes pour la plupart, ont proclamé ce qui est devenu aujourd’hui une espérance : celle d’un autre monde possible. Un monde plus juste, plus solidaire, plus démocratique, plus pacifique.
Construire un monde multipolaireA la veille d’une guerre injuste et dangereuse pour le monde tout entier qui en subira les conséquences, l’hégémonie impériale des Etats-Unis devient un élément d’instabilité
planétaire. La pax americana se transforme en ordre militaire et sécuritaire au profit de sa
propre puissance. La brutalité de sa politique extérieure, le caractère sommaire de ses
analyses (le Bien et le Mal) alimentent les fondamentalismes de tous horizons qui appellent
de leurs voeux un « choc des civilisations ». La restauration d’un monde multipolaire organisé autour du concept de sécurité collective s’impose. Il devra reposer sur des ensembles régionaux multinationaux, intégrés économiquement et socialement, dotés, autant que faire se peut, d’institutions politiques
démocratiques.
Instaurer un ordre juridique internationalIl n’est plus admissible qu’au niveau international, la liberté du commerce et la loi du profit soient les normes suprêmes de l’édifice juridique. La mise en place d’un ordre public international nécessite de démocratiser et coordonner sous l’égide de l’ONU toutes les organisations spécialisées, comme l’OMC, le FMI et la Banque mondiale. Une modification des droits de représentation et de vote dans les organisations internationales devrait aussi permettre de mieux représenter les pays en développement. Nous devons également oeuvrer à l’instauration d’une hiérarchie des normes internationales, dans laquelle des principes supérieurs s’imposeraient à la liberté du commerce, et notamment le droit à la santé, l’interdiction du travail des enfants, la liberté syndicale, le refus de toute marchandisation du vivant, des règles de sécurité environnementale et de prévention des pollutions.
Refuser l’Accord général sur le commerce et les servicesLoin des projecteurs médiatiques, la Commission européenne et les Etats-Unis se livrent, dans le cadre des négociations sur l’Accord général sur le commerce et les services (AGCS), à une surenchère à la libéralisation des services. Le principe de cette négociation est simple : chacun met sur la table ce qu’il est prêt à déréguler, puis on trouve un compromis. La
commission européenne est prête à proposer la libéralisation des services. Ce serait accepter
la marchandisation de l’ensemble des activités humaines et à renoncer par avance à toute
régulation démocratique future. Il est urgent de donner un coup d’arrêt à ces négociations. Le Parti Socialiste doit lancer une grande campagne d’opinion sur le thème du refus de l’A. G. C. S, à l’instar de ce qui avait été
fait au sujet de l’Accord Multilatéral sur les Investissements (AMI) que la France avait su
bloquer. Il doit également entreprendre une action vigoureuse pour contrer l’attitude
scandaleuse des laboratoires pharmaceutiques en matière d’accès aux médicaments
génériques des pays pauvres frappés par le SIDA !
En finir avec la spéculation et la délinquance financièreLa taxe Tobin- dont le principe a été voté par l’Assemblée Nationale française, n’est pas seulement un impôt mondial, permettant d’instaurer un fond international pour le
développement. Elle vise aussi, et en premier lieu, à limiter la spéculation financière en
pénalisant les mouvements de capitaux à court terme, et à mettre fin aux crises
récurrentes du système financier international. Ce faisant, elle renforce la capacité des
gouvernements à mener des politiques nationales autonomes. Plutôt que d’appeler à la rescousse le contribuable mondial pour enrayer une crise de liquidités due à un mouvement spéculatif incontrôlé, instaurons des mécanismes permettant de prévenir de telles crises. Si un système de blocage des capitaux avait existé en Indonésie
ou en Thaïlande, les effets de la crise financière n’auraient pas été si catastrophiques. Décrétons la guerre aux paradis fiscaux, bancaires et judiciaires, à commencer par ceux qui dépendent de pays européens! Véritables usines à recycler l’argent sale, ces institutions contreviennent non seulement aux principes élémentaires de la morale, mais imposent un dumping fiscal qui appauvrit les nations. Des mesures comme le contrôle public des « sociétés de clearing » permettraient de sanctionner des opérations souvent scandaleuses.
Pour un développement durableNous ne pourrons pas réussir le développement de tous, des générations présentes comme des générations futures, sans remettre radicalement en cause notre mode de développement. Les ressources rares et indispensables à la vie, comme l’eau ou le génome humain, doivent être protégées de la logique de marchandisation. La puissance publique doit en assurer la gestion afin d’assurer leur préservation et de garantir un accès égal pour tous. Le « mieux disant environnemental » doit permettre à tout Etat de pouvoir adopter une législation plus protectrice.
Pour une coopération Nord-Sud réaliste et ambitieuseComment créer les conditions favorables au rattrapage des pays les moins avancés si la doctrine libre échangiste leur impose d’ouvrir leurs marchés à la concurrence des produits des pays riches ? L’ouverture des marchés consiste, pour des pays défavorisés en terme de crédit ou
d’industrie, à soutenir la concurrence mondiale en réduisant drastiquement leur embryon
d’Etat providence : privatisation des entreprises publiques, démantèlement du système
hospitalier et éducatif. Résumée par le slogan de Bill Clinton, « Trade, not Aid » (le
commerce, pas l’aide), cette politique s’est rapidement avérée catastrophique. Son hypocrisie
s’est révélée dans toute son ampleur avec l’affaire de l’importation des médicaments
génériques contre le Sida. Les libres échangistes ne sont fair play que quand ils gagnentOuvrir des marchés, au Sud, aux exportations survitaminées en subventions et en capital des pays du Nord, est contraire à la logique la plus élémentaire du développement industriel. Les
pays asiatiques, comme leurs prédécesseurs occidentaux au XIX ème siècle, ont développé leurs
capacités d’exportation à l’abri de barrières douanières. Ce faisant, ils n’ont finalement
appliqué qu’un principe de bon sens : protéger les industries naissantes. Il faut
reconnaître aux pays du Sud le droit d’utiliser les mêmes instruments que ceux du
Nord. Cela suppose une refonte complète des règles de l’OMC, pour parvenir à la
protection des industries naissantes, notamment des plus vitales pour l’élévation
du niveau de vie des populations. Promouvoir les Biens Publics MondiauxAujourd’hui comme aux étapes précédentes de son histoire, l’expansion du capitalisme
s’appuie sur l’exploration de nouveaux marchés. C’est la raison pour laquelle les libéraux
insistent tant pour obtenir la privatisation mondiale des services publics, en particulier la
santé et l’éducation, dont on estime qu’elles pourraient générer un chiffre d’affaires
supérieur à 1400 milliards de dollars (estimation de l’OCDE en 1995). Dans la droite ligne de la politique d’exclusion de certains secteurs comme la culture des règles internationales du commerce, la France et l’Union européenne devraient promouvoir le concept de Biens Publics Mondiaux à l’échelle planétaire. Dans les domaines de la santé,
de la culture, de l’éducation ou de l’environnement, il faut reconnaître le droit à
des politiques publiques spécifiques échappant à la loi du profit.
Redéfinir l’aide publique au développementLe montant de l’aide publique au développement française est toujours à un niveau très bas, environ 0,3 % du PIB, loin de l’objectif affiché par les institutions internationales (0,7 % du PIB). Nous devons nous engager à remonter la pente en élevant progressivement les crédits de coopération tout en rompant avec la « doctrine d’Abidjan », imposée en 1993 par le gouvernement Balladur aux pays africains francophones. Enfin, les pays membres de l’Union européenne devraient davantage coordonner leur effort contributif en matière de développement, en renforçant notamment les moyens et les missions du Fonds Européen pour le Développement (FED) et en prenant clairement en
compte des critères humanitaires.
Une autre politique agricoleL’agriculture, comme les autres secteurs économiques, n’échappe pas à la dérégulation
libérale avec des conséquences dramatiques pour des milliards de paysans. Tant à l’OMC. qu’au niveau européen, les socialistes doivent proposer une nouvelle politique agricole. Ce projet doit rompre clairement avec l’ambition libérale d’une dérégulation totale des marchés agricoles. La brevetabilité du vivant constitue en la matière l’exemple d’une dérive caractérisée que nous devons combattre résolument et qui suffit à justifier l’opposition
aux OGM. Il s’agit de soutenir une mondialisation solidaire, respectueuse des droits à la souveraineté
alimentaire et garante d’échanges équilibrés pour les pays en développement. Ceci passe par de nouvelles politiques de gestion des marchés et le choix de la valorisation des territoires, plutôt que le dumping sur les marchés mondiaux.
2) Une autre Europe est urgente !
La signature d’un texte, émanant de huit responsables gouvernementaux des
pays membres de l’Union ou de pays candidats à l’élargissement, a ouvert une crise majeure en Europe.Un clivage important apparaît désormais entre les partisans d’une Europe atlantiste, tournée
prioritairement vers les États-Unis, et les défenseurs d’une « Europe puissance », autonome
militairement et diplomatiquement et porteuse d’un modèle social et culturel spécifique. Ce clivage en recouvre un autre, mieux connu, qui oppose les tenants d’une Europe exclusivement marchande aux promoteurs de l’Europe sociale et politique. Ce double clivage traverse la social-démocratie européenne. Tony Blair n’hésite pas à signer, avec Berlusconi et d’Aznar, hier un texte pour améliorer la « flexibilité » du travail (à
Barcelone), aujourd’hui une lettre de soutien aux entreprises belliqueuses de Bush. De même, ce sont les représentants des travaillistes britanniques qui ont fait front commun avec les libéraux pour empêcher que la Constitution de l’Union fasse explicitement référence à des normes sociales, lors des débats de la Convention ou qui ont plaidé pour que la norme juridique européenne cesse d’être supérieure à la norme nationale des états membres. C’est à l’aune de cette double crise que nous devons aborder la question de l’élargissement.
L’ouverture aux pays de l’Europe centrale et orientale s’inscrit dans un projet historique
auquel nous adhérons : celui de la constitution d’une grande Europe politique. Reste dans les conditions actuelles, ce processus ne peut réussir. Bien au contraire, se dessinent sous nos yeux les contours d’une vaste zone de libre échange, soumise au leadership militaire, et donc diplomatique, des États-Unis.
Nous ne voulons pas de cette Europe là !Effectué dans les conditions actuelles, il est facile de prévoir les conséquences de l’élargissement : prise de décision quasi-impossible, aggravation du dumping social, renforcement des tenants d’une Europe alignée militairement et diplomatiquement sur les
Etats-Unis d’Amérique… Face à de tels dangers, certains de nos camarades nous expliquent
qu’il est déjà trop tard, que nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter l’élargissement tel
qu’il est prévu, sans aucune garantie d’approfondissement démocratique ou social préalable. Nous pensons au contraire qu’après le triple échec d’Amsterdam, de Nice et de Barcelone, il est urgent de remettre à plat l’avenir de l’Union, quitte à provoquer une crise.
C’est pourquoi nous proposons que les socialistes fassent d’une réforme des institutions politiques de l’Europe, de l’adoption d’un vrai Traité social et de l’accord des peuples concernés les conditions préalables à tout élargissement. Il s’agit de nous donner, cette fois, les moyens d’une réorientation profonde de la construction européenne et de donner à cette nouvelle étape décisive le caractère démocratique qui s’impose.
Une Europe fédérale et démocratiqueNous ne pourrons pas relancer et réorienter la construction européenne sans la participation des peuples. Le caractère opaque et anti-démocratique des institutions européennes sert les intérêts des libéraux qui peuvent ainsi appliquer leur projet sans craindre la sanction des citoyens. La démocratie doit être à l’inverse le levier des socialistes pour une autre Europe. L’expérience de ces dernières années montre bien les limites du fonctionnement intergouvernemental en Europe. Longtemps, nous avons dit que la réorientation de l’Europe ne serait possible que lorsque les socialistes seraient au pouvoir dans les principaux pays européens. Or le recul des libéraux sur le continent a porté presque partout les socialistes et sociaux-démocrates au pouvoir, dans la proportion sans précédent de 13 gouvernements sur 15. Ce rapport de forces apparemment favorable n’a pas permis d’enrayer la dérive libérale de l’Europe. Une addition de combinaisons gouvernementales ne remplace pas l’expression
au suffrage universel direct de tous les citoyens d’Europe. L’Europe ne sera donc démocratique que si elle est fédérale. Le choix des socialistes doit être clair : une République sociale européenne c’est-à-dire des institutions fondées sur le primat de l'intérêt général et l'arbitrage citoyen, sur une
Constitution établissant la prééminence d'un Parlement souverain, investissant un
gouvernement européen responsable devant lui. Une Constitution qui devra clarifier ce qui
relève des niveaux européens et nationaux, et éventuellement établir une seconde chambre
composée des représentants des parlements nationaux. Elle devra être débattue et votée
démocratiquement par une Assemblée constituante. Pour aller de l’avant, il faut
s’appuyer, dans le contexte actuel, sur un groupe de pays déterminés à constituer
le moteur politique à l'Union. Dans cette perspective, il nous paraît évident que la
Belgique et l’axe franco-allemand doivent constituer le noyau dur de cette
évolution.Certains de nos camarades estiment que s’engager dans l’Europe fédérale risque de nous
contraindre à accepter demain des décisions remettant en cause nos acquis sociaux. Mais
n’est-ce pas ce qui se produit aujourd’hui, sans que jamais les citoyens n’aient leur mot à
dire ? En renonçant à défendre nos propositions devant les peuples d’Europe, nous ne
faisons que renforcer l’idée que l’Europe libérale est la seule Europe possible. Ceux qui
élèvent cette objection n’hésitent pas, par ailleurs, à voter pour la libéralisation du fret
ferroviaire au Parlement Européen ou à croire en la possibilité d’un programme commun
pour les prochaines élections européennes avec Tony Blair et les sociaux-libéraux européens.
Un Traité social pour l'UnionPour les socialistes, la finalité principale de la construction européenne est le progrès social.
Or, alors que l’Union n’hésite pas à multiplier les réglementations au service de la libre
circulation des marchandises ou de la protection des consommateurs, elle ne s’est pas dotée
d’une législation sociale avancée. Cette absence dramatique conduit à encourager la
concurrence et le dumping social au sein de l’Europe. Accepterions-nous que le droit social
soit différent selon les régions en France, les entreprises pouvant alors mettre en
concurrence les territoires et s’implanter dans ceux où les normes sociales sont les plus faibles ? L’élargissement ne peut pas être une machine à délocaliser. Aux pays candidats à
l’entrée dans l’Union, il doit être proposé un Traité social et des critères de convergence sociaux préalables à l’intégration. Sans Traité social, la construction européenne ne peut malheureusement conduire qu’à un recul des acquis sociaux. De même, le contenu du traité est aussi décisif que son principe. Il ne peut se contenter de porter sur des points limités, ou des généralités non contraignantes. Le Traité social doit comporter au contraire les garanties précises qui sont au coeur des droits salariaux. C’est la raison pour laquelle nous demandons que l’Union se dote de critères de convergences sociaux : salaire minimum européen, durée du travail, droit du licenciement… Même si l’on peut accepter un calendrier de mise en place
tenant compte du droit social existant dans les différents pays européens, il
paraît nécessaire d’aboutir à une harmonisation rapide.
Une Europe diplomatique et militaireLa défense est un des attributs de la souveraineté nécessaire à l’émergence de l’Europe
politique. La crise actuelle met en évidence la véritable nature de l’OTAN. Conçue pour être une
alliance défensive face à une U.R.S.S. qui n'existe plus, elle entérine aujourd'hui le concept
de guerre préventive que nous refusons. Elle apparaît de plus en plus comme un outil à la
disposition exclusive de la volonté de puissance des U.S.A., qui s'arrogent par ailleurs le droit
de définir à leur convenance le périmètre du bien et du mal, tout en ayant une difficulté
évidente à distinguer un allié d'un vassal. Après le refus d'accorder un poste de commandement important à un Européen, les événements récents ont mis en évidence le peu de considération que les Américains
nourrissent envers leurs partenaires. A l'évidence, on ne peut faire aujourd'hui
l'économie d'une réflexion sérieuse sur les modalités de notre appartenance à
cette organisation sauf à être en totale contradiction avec les principes que nous
proclamons par ailleurs. De même, nous ne pouvons plus ignorer la contradiction qui existe entre notre doctrine de défense et notre volonté proclamée d'aller vers une défense et une diplomatie européenne
indissociables du concept d'Europe puissance. Qui peut encore croire sérieusement au sanctuaire nucléaire hexagonal ? Le sujet est certes délicat mais nous ne pouvons éviter d'ouvrir le dossier. Enfin, nous ne pouvons cacher notre scepticisme à l’égard du concept de pilier de défense
européenne dans le cadre de l'O.T.A.N : qu'il s'agisse de notre indépendance, de notre
existence en tant que puissance européenne ou de notre avenir technologique, il paraît
nécessaire de mener une réflexion sérieuse sur le sujet.
Au PSE, une clarification nécessaireDans ce Congrès comme lors des précédents, tous les socialistes se prononcent pour une Europe plus démocratique et sociale, qui ne se résume pas à un grand marché unifié. Le
contraire serait inquiétant ! Malheureusement, les bonnes intentions et les voeux
pieux ne remplacent pas une stratégie efficace. Or, force est de constater que
celle que nous avons suivie jusqu’ici ne l’a pas été. La dérive libérale de la
construction européenne est maintenant bien installée. Au nom du fait qu’il ne fallait pas
« casser l’Europe » ou « être isolé », nous n’avons pas su faire prévaloir notre point de vue.
Mais au final, un nombre croissant d’Européens, surtout au sein des couches populaires, en
viennent à refuser une Europe qui avant tout s’est traduite pour eux par des reculs sur le plan social. La social-démocratie européenne a globalement accepté cette construction libérale de l’Europe. Elle s’est parfois entièrement ralliée aux dogmes libéraux, à l’image d’un Tony Blair, adversaire résolu de l’harmonisation fiscale et de l’Europe sociale. Ailleurs, elle a pensé qu’au final, la construction libérale de l’Europe hâterait l’avènement de l’Europe sociale et politique, le grand marché jetant en quelque sorte les bases de nouvelles régulations à l’échelle du
continent. C’était le pari des socialistes français. C’est malheureusement l’inverse qui s’est produit. De fait, la construction libérale de l’Europe s’oppose à toute forme de régulation (même la monnaie unique a donné naissance à une banque centrale indépendante !), contribuant à démanteler celles qui avaient été arrachées par le mouvement social dans un cadre national. Le sort du Parti des Socialistes Européens illustre bien le résultat désastreux d’une telle logique. Soucieux de ne pas affronter les sociaux-libéraux, les socialistes français leur ont
abandonné la direction du PSE. Nous payons cher, aujourd’hui, cette mollesse. Notre complaisance ne nous a même pas valu de reconnaissance en retour : on se souvient encore de la déclaration Blair-Berlusconi sur la dérégulation du marché du travail en Europe publiée en plein lancement de la campagne présidentielle de Lionel Jospin. Le souci de préserver l’unité de la social-démocratie européenne n’a abouti qu’à renforcer les partisans
déclarés d’une alliance avec la droite libérale en Europe. De même, certains de nos camarades nous ont expliqué pendant des années qu’il fallait, au nom de l’Europe, renoncer à des « spécificités françaises » comme la laïcité ou les services publics. Résultat : après avoir été le principal instrument de remise en cause du service public, la construction libérale de l’Europe menace maintenant la laïcité. La Convention débat en effet de l’inscription de références au christianisme dans la future
Constitution Européenne. Nous pensons au contraire que ces outils et principes, loin d’être un archaïsme national étroit, sont des éléments indispensables à la construction de l’Europe. Comment fonder une vraie citoyenneté européenne sans laïcité ? Comment favoriser l’égalité sociale et celle des territoires sans le déploiement de services publics à l’échelle européenne ? Renoncer à ces fondements de l’identité
socialiste et républicaine, c’est aussi desservir la construction européenne. Enfin, la gestion commune partagée des institutions européennes s’est révélée totalement néfaste pour la gauche. Dans l’immense majorité des cas, les compromis politiques qu’elle impliquait ont penché en faveur de l’épargne et du capital, au détriment du travail.
2- Un modèle de croissance sociale...
1) Une autre politique économique
Objectif : le vrai plein-emploi
Encourager une croissance forteLa croissance économique ne résoudra pas, à elle seule, la question du chômage en France. Mais toute l’Histoire de notre pays, et singulièrement les cinq dernières années, en témoigne : sans croissance forte, nous ne pouvons créer massivement des emplois et combattre le chômage qui mine la cohésion sociale de notre pays. La croissance ne se décrète pas ; elle dépend pour l’essentiel de la consommation des ménages, et donc de leur pouvoir d’achat, de la capacité de notre pays à innover par sa
recherche, ses industries de pointes, la qualité de son système de formation et de ses
infrastructures, et de la vigueur de notre système de redistribution. La politique économique
et sociale du gouvernement est donc un levier fondamental pour lutter contre le chômage.
Le budget de l’Etat doit être le fer de lance de la reconquête de l’emploi, et c’est dans ces temps de crise économique que son action est la plus déterminante. Les Américains n’ont pas hésité à pratiquer massivement la relance budgétaire pour soutenir leur économie, même si, orientation libérale de Bush oblige, elle profitera essentiellement aux ménages les plus riches. En France, nous devons militer pour un plan de relance massif et immédiat : lancement de grands travaux d’infrastructures (transports, nouvelles technologies, dépollution, logement), recrutement de fonctionnaires pour préparer les départs massifs à la retraite,
augmentation du SMIC et des minima sociaux, rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée
entre les profits et les salaires. Dans une situation de crise, nous devons mobiliser l’ensemble
des acteurs économiques, à commencer par les entreprises publiques et le système bancaire
qui doit abandonner sa frilosité dans la distribution de crédits aux PME qui jouent un rôle
majeur dans la relance de l’investissement. Force est de constater qu’à abandonner tous les
leviers d’action au nom de l’idéologie de la privatisation et du moins d’Etat, notre pays peine
à faire face à la situation difficile que nous vivons aujourd’hui. Cette relance sera plus efficace si elle est coordonnée au niveau européen. Le rôle du PS n’est pas de s’inquiéter du non respect par Raffarin du Pacte de stabilité budgétaire. Ces normes libérales, en instaurant des critères de gestion indépendants de la
situation économique et sociale, empêchent aujourd’hui de relancer l’économie. C’est pourquoi nous proposons d’en finir avec ces règles « stupides », comme l’a dit Romano Prodi, Président de la Commission de Bruxelles, pour faire prévaloir, dans les critères de gestion du budget et de la monnaie, l’exigence d’un niveau élevé de croissance et d’emploi. Cela suppose une renégociation du Pacte de stabilité et la création de nouvelles
règles européennes de coordination économique favorables à l’emploi et à la croissance (les dépenses d’investissement, par exemple, ne devraient pas figurer dans le calcul du déficit).Dans le même esprit, nous proposons de confier au Conseil de l’euro 11 et au Parlement européen le contrôle de la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne. Si les instances démocratiques de l’Union ne sont pas satisfaites de la gestion du gouverneur de la BCE, doit pouvoir être révoqué et les délibérations de la BCE
doivent être publiques, comme le sont celles de la Banque fédérale américaine.
Parachever les 35 heures pour tousLa réduction du temps de travail a permis la création de centaines de milliers d’emplois ; elle a prouvé son efficacité lorsqu’elle s’accompagnait d’une politique de soutien à la croissance.
Cependant, dans les entreprises où le rapport de force leur était favorable, les patrons se
sont engouffrés dans les brèches de la loi Aubry pour imposer, par le biais de l’annualisation,
des diminutions de rémunération (les heures supplémentaires se transformant en heures
normales) et une intensification du travail, provoquant un fort ressentiment parmi les
salariés, notamment les ouvriers. L’impact sur l’emploi a été amoindri et les salariés
concernés n’ont pas eu les bénéfices attendus de la RTT. Nous devons en tirer les leçons : nous proposons que la loi sur le temps de travail soit réformée, de manière à éliminer les « trappes à flexibilité » qu’elle comporte. Cela passe par l’abrogation de la loi Fillon sur le temps de travail et l’encadrement strict des accords d’annualisation.
Encourager l’artisanatL’artisanat est aujourd’hui le premier employeur de France ; il représente un potentiel important de créations d’emploi et constitue un élément majeur d’équilibre du tissu rural et urbain. La simplification et la forfaitisation fiscales devraient être recherchées pour ce secteur. De plus, les trois premiers salariés devraient bénéficier de cotisations sociales
préférentielles.
Une politique salariale ambitieuse
A nouveau, le SMICLe SMIC constitue un levier majeur pour diminuer les inégalités, stimuler la hausse de l’ensemble des salaires et soutenir la croissance et l’emploi. La droite l’a gravement remis en cause sous prétexte d’en finir avec les différents SMIC issus de la loi Aubry. Si rien n’est fait pour contrer cette régression, le salaire minimum sera seulement indexé sur l’inflation, et non plus sur les salaires. Si l’on avait appliqué un tel mode de calcul au SMIC depuis sa
création, son pouvoir d’achat serait d’environ 30 % inférieur à ce qu’il est aujourd’hui.
Nous devons prendre l’engagement devant les salariés de revenir à l’indexation du SMIC sur l’inflation ET les salaires. Aujourd’hui, la priorité n’est pas à la maîtrise des salaires mais à leur hausse rapide pour favoriser la consommation de millions de ménages modestes.
Par ailleurs, nous proposons que le Parti socialiste s’engage à interdire, par voie législative, les conventions collectives qui comportent des minima conventionnels inférieurs au salaire minimum.
Pour une conférence annuelle sur les salairesPour impulser une dynamique de croissance des salaires et du pouvoir d’achat, nous proposons que se tienne chaque année une Conférence sur les salaires et l’emploi réunissant patronat, syndicats et gouvernement. Cette Conférence aurait deux objectifs prioritaires : ![](../../../../imagerie/carre.gif) un partage des gains de productivité susceptible d’amorcer une remontée de la part des salaires dans la valeur ajoutée. ![](../../../../imagerie/carre.gif) l’égalisation des conditions de rémunérations entre hommes et femmes. N’oublions pas
qu’à qualification égale, une femme gagne en moyenne 25 % de moins qu’un homme.
La redistribution au cœur de notre projetL’impôt n’est pas une nuisance, il est le prix de nos services collectifs : de l’éducation, de la culture, de la police… Céder à la démagogie du discours sur la baisse des impôts, cela signifie à terme moins de services collectifs. L’impôt finance l’action publique mais il est aussi un formidable outil de redistribution des richesses. C’est grâce à l’instauration de l’impôt sur le revenu que la France a réduit les inégalités au XXème siècle. Contrairement à une idée malheureusement répandue, il n’y a pas de lien entre inégalités et dynamisme économique, c’est même l’inverse ! Or aujourd’hui, notre système fiscal joue de moins en moins bien son rôle de redistribution : imposition de plus en plus faible du capital, taxation de l’emploi, faiblesse de l’impôt progressif par rapport à la TVA … Nous devons renouer avec nos valeurs et mettre notre projet fiscal au service de l’égalité.
La fiscalité au service de l’emploiLe capital est imposé en moyenne à hauteur de 26 % contre 45 % pour le travail. La libéralisation financière n’a fait qu’accentuer cette inégalité. Cette situation pénalise l’emploi et va à l’encontre de la justice sociale. Au cours de la dernière législature, nous nous sommes courageusement attaqués à la réforme des cotisations payées par les salariés : aujourd’hui, la CSG finance la part salariale des cotisations maladie. Cette réforme est allée dans le bon sens : assise sur le capital et le
travail, la CSG a soulagé les salariés d’une charge importante tout en trouvant de nouvelles sources de financement : les revenus du capital. Nous devons élargir aussi l’assiette des cotisations patronales à d’autres facteurs que les salaires. Rendons-nous à l’évidence : la part patronale des cotisations sociales pénalise
l’emploi. Quelle est la cohérence d’un système de protection sociale dont le financement
pénalise les entreprises, notamment les PME, où l’emploi est fort ; et qui avantage les
grandes industries robotisées, où l’emploi a quasiment disparu ? Cet effet pervers ne peut
être supprimé que par l’élargissement de l’assiette des cotisations patronales à
l’ensemble de la valeur ajoutée, c'est-à-dire aux salaires et aux profits. Ainsi, le
capital participerait davantage au financement de la Sécurité sociale, et l’emploi serait
encouragé.
Une fiscalité accrue du capitalNous proposons également que la fiscalité sur les bénéfices des entreprises soit progressive en fonction du montant du bénéfice. Pourquoi ce qui serait juste concernant
les salaires ne le serait pas pour les bénéfices des sociétés ? Nous souhaitons supprimer l’avantage indu que représente « l’avoir fiscal », qui permet aux dividendes d’être bien moins taxés que les salaires. L’avoir fiscal constitue un véritable privilège qui n’existe nulle part ailleurs en Europe. Il serait bon qu’au moins sur ce point, le principe d’harmonisation fiscale soit appliqué. Il faut mettre fin aux exceptions dont bénéficient les mécanismes d’épargne salariale et les stock-options. En effet, ces deux formes voisines de rémunération ont été favorisées par des exonérations d’impôts et de cotisations sociales qui coûtent extrêmement cher à l’Etat et à la Sécurité sociale. Au moment où nous nous posons la question du
financement de notre système de solidarité, il est indispensable de mobiliser, surtout lorsque
cela est juste fiscalement, toutes les ressources nécessaires à sa pérennité. La principale inégalité en France demeure les différences de patrimoine. Aujourd’hui, un ménage ouvrier ne possède en moyenne que 30 000 euros de patrimoine, contre plus de 300 000 euros pour un ménage de cadres et professions libérales. Moins de 20 % de la population possèdent plus de 60 % des richesses. L’héritage, qui est, au niveau social, le
moyen par excellence de perpétuer les inégalités, doit être plus fortement taxé qu’il ne l’est aujourd’hui pour les gros patrimoines.
La fiscalité au service de la justice socialeAu prétexte que la TVA serait indolore et que l’impôt sur le revenu aurait atteint un niveau insupportable, notre système fiscal n’a cessé d’augmenter les prélèvements les plus injustes
et de diminuer l’impôt sur le revenu. La fiscalité joue donc de moins en moins bien son rôle de correction des inégalités. Ce n’est pas de moins d’impôts dont nous avons besoin, mais d’impôts plus justes. - Alléger la fiscalité indirecte
La structure des prélèvements en France est connue : les taxes indirectes (TVA, Taxe sur les
Produits Pétroliers, etc…) représentent plus de 60 % des recettes de l’Etat. Cela nuit
considérablement à la justice fiscale, dans la mesure où la TVA frappe les ménages pauvres
et riches de manière indifférenciée. Que l’on soit smicard ou milliardaire, on paie toujours
19,6 % sur un crayon, une voiture ou un tube de dentifrice. L’impôt sur le revenu, seul grand impôt direct progressif, représente moins de la moitié des recettes de la TVA, surtout depuis qu’on en a baissé, par deux fois, le barème. Pour rééquilibrer l’impôt direct et l’impôt indirect, nous proposons de ramener progressivement le taux de TVA à 15 % en France, conformément à la moyenne européenne.
- Créer un grand impôt sur le revenu progressifSur la fiscalité, notre position est claire : conformément au principe de justice, nous militons pour l’accroissement de sa progressivité. Il faut donc créer un grand impôt sur le revenu, comme il existe actuellement dans tous les pays européens. De plus, nous
devons éliminer tous les dispositifs qui limitent la progressivité de l’impôt sur le revenu, en supprimant outre l’avoir fiscal, nombre d’avantages particuliers (les fameuses « niches » fiscales), et en élargissant son assiette à tous les revenus du capital qui y échappent aujourd’hui.Nous souhaitons également prélever l’impôt sur le revenu à la source. Cette retenue à la source simplifierait les démarches et ne pénaliserait plus ceux qui perdent leur emploi en ajustant l’impôt aux revenus de l’année en cours. De plus, cela libérerait des agents pour la lutte contre la fraude, dont on sait qu’elle ne dispose pas aujourd’hui des
moyens nécessaires. Nous refusons enfin le principe de l’impôt négatif, catégorie dont fait partie la « prime pour l’emploi ». Dans tous les pays qui y ont recouru, sa mise en place s’est
traduite par un blocage des bas salaires. La prime pour l’emploi devra être supprimée, puis compensée par un plan de revalorisation du SMIC. Un chèque de l’Etat en fin d’année ne remplacera jamais une hausse de salaire. - Réformer la fiscalité localeSi l’on souhaite que l’aménagement du territoire, dans un contexte de décentralisation accrue, se fasse sans accroissement des inégalités, il faut commencer par la refonte
complète des impôts locaux. Aujourd’hui, leur mode de calcul est socialement injuste et
contribue à renforcer les inégalités entre territoires. La réforme de la taxe professionnelle a déjà été engagée par le gouvernement de la gauche plurielle, avec la suppression de la part salariale. Celle de la taxe d’habitation a été, en revanche, remise à plus tard. Nous proposons la suppression de la taxe d’habitation
et son remplacement par une taxe additionnelle à l’impôt sur le revenu.
2) Un autre modèle social
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